Déception

Benoit Zante
TLDR by Benoit Zante
4 min readFeb 14, 2019

La semaine dernière, je vous partageais plusieurs coups de cœur (d’ailleurs, la vidéo de Caroline Juge à la Maddy Keynote est en ligne, ici)… Cette semaine, j’ai plutôt envie de vous raconter ma déception de ce début d’année…

Las Vegas n’est pas seulement le lieu d’accueil du CES (dont je vous parlais ici et ) : c’est aussi le siège de l’e-commerçant Zappos.

Pour ceux qui ne connaissent pas ce site américain, il s’agit d’un pure-player de la chaussure, racheté par Amazon en 2009. Si Zappos est connu au-delà de ses frontières, c’est pour toute la mythologie entretenue autour de l’entreprise, notamment par son fondateur, Tony Hsieh.

Son livre, “Delivering Happiness” (traduit en Français par “l’entreprise du bonheur”), a contribué à créer le mythe, en racontant l’histoire d’une entreprise centrée sur la satisfaction de ses clients et de ses collaborateurs, avec des valeurs fortes (dont “Deliver WOW Through Service” ou “Create Fun and A Little Weirdness”), incarnées par différentes actions bien concrètes. Je l’avais lu à l’époque avec attention et étonnement.

Deux anecdotes étaient particulièrement marquantes :
- A l’issue de leur période d’essai, les nouvelles recrues se voient proposer un chèque de 2000$ pour… Partir. Ainsi, Zappos s’assure de ne garder que des employés motivés.
- Les employés du service client n’ont pas de script préétabli : ils sont libres de converser à leur guise avec les clients, pour solutionner leurs problèmes. Une employée détient ainsi le record du plus long appel : 10 heures et 42 minutes !

En 2015, l’entreprise faisait à nouveau parler d’elle dans les médias, par sa décision de se convertir à l’holacratie, un nouveau mode d’organisation “plate”, sans hiérarchie. Non sans mal. Huit ans après ma lecture du livre, visiter les bureaux de cette légende du web était donc un “must” dans la liste des choses à faire à Las Vegas… Mauvaise idée ?

Certes, mes attentes étaient élevées, mais la visite de Zappos tenait plus du parc d’attractions que de la visite d’une entreprise. Tout commence par le visionnage de différentes vidéos à la gloire de la culture maison et de son fondateur (qui vit toujours dans son camping car avec des lamas à quelques pas du siège). Pour conclure par une présentation de la toute nouvelle “innovation”/diversification de Zappos : des toilettes mobiles pour les festivals.

Puis on enchaîne avec un parcours limité à quelques bureaux sélectionnés et à des témoignages téléguidés d’employés : la visite donne une impression de Truman Show ou de village Potemkine, qui aurait été construit uniquement pour des visiteurs venus des quatre coins du monde.

En particulier, Zappos est très fier de ses “perks & benefits”, affichés à de nombreux emplacements : mutuelle généreuse, congés maternité et paternité, et même prime en cas d’adoption… de chatons. De quoi faire envie, même pour des salariés français.

Mais difficile de faire la part des choses entre le storytelling et la réalité. Tout est “fantastic”, “awesome”, “great”. Impossible d’avoir des informations concrètes sur les résultats business de ces pratiques ou sur l’impact des changements organisationnels liés à l’holacratie : les employés rencontrés se limitent à décrire leurs parcours, vanter l’état d’esprit du lieu et à encenser sa flexibilité.

Tout pourtant n’est pas à rejeter en bloc. D’abord, ce cas est l’illustration que la culture d’entreprise fait vendre : de la boutique dans le hall à l’espace de coworking pour “vivre” l’esprit Zappos, en passant bien sûr par les visites guidées, l’aura de l’entreprise et de la “Zappos Culture” se traduit en espèces sonnantes et trébuchantes.

Ensuite, Zappos montre que pour tenir cette stratégie de communication “low cost” et continuer à croître par le buzz, il faut sans cesse se réinventer et trouver de nouvelles raisons de faire parler de soi… mais là, pas sûr que des toilettes repensées par Zappos suffisent !

// En bonus //

Beaucoup de choses ont été écrites, partagées et commentées sur la “Ligue du LOL” cette semaine. J’ai toujours beaucoup utilisé Twitter, dès 2009, mais je n’ai jamais été confronté à ses effets négatifs, Dieu merci. Au contraire, ce réseau a toujours été pour moi un lieu propice aux échanges et un point de départ aux rencontres IRL.

Sur le sujet, je me sens assez proche du témoignage de Samuel Laurent, ni victime, ni bourreau dans cette affaire, mais partie prenante de cet écosystème : “Nos années LOL”. Je retiens notamment ce passage : “[je me sens] coupable d’être de cette génération « charnière » qui a voulu voir dans un médium, le web, l’alpha et l’oméga du renouveau de la profession journalistique, et qui a mis l’accent, durant des années, uniquement sur les aspects positifs des réseaux sociaux, sans guère questionner leurs effets pervers.”

// Avant de nous séparer //

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Benoit Zante
@bzante

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