La méthode “Customer Development” de Steve Blank

Benoit Lips
Engine
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5 min readNov 23, 2016

Lorsque Steve Blank publie « The 4 steps to the Epiphany » en 2005, il ne se doute probablement pas qu’il vient de donner l’outil indispensable à Eric Ries pour élaborer sa « Lean Startup ».

Fruit de sa riche expérience d’entrepreneur et d’académique, Steve Blank a observé de l’intérieur les défis des grandes entreprises et des startups quand elles cherchent à innover. Et en a isolé celui qu’il considère le plus criant :

Personne ne se préoccupe de qui seront ses clients, de qui ils sont, de ce qu’ils pensent. Toutes les startups — mais pas que ! — s’imaginent naïvement que les clients viendront (tous seuls ;-).

Steve Blank analyse, invente et structure ce qu’il appellera le « customer development process », un véritable processus en 4 étapes, qu’il opppose à l’approche traditionnelle, axée sur le « product development process ».

Au lieu de démarrer le processus sur le développement du produit — et ensuite sur son usage par les clients, on débute par le développement des connaissances sur les clients (ou ceux que l’on pense être les clients).

Les 4 phases du Customer Developement de Steve Blank

Tout débute par ce qu’il intitule la « Découverte client » (Customer Discovery). C’est la phase clé, la plus difficile, la moins intuitive et pourtant, la plus évidente !

Il s’agit de mettre ses intuitions, préjugés ou idées toutes faites de côté et de partir « à la découverte » de ce fameux client. Tout comme si vous étiez un voyageur en terre inconnue, il s’agit de tout comprendre de celui qui sera, in fine, celui qui validera votre projet ! Le plus important, pour Steve Blank, est d’arriver à « rentrer dans la tête de vos clients », à tout comprendre d’eux, ce qu’ils font, ce qu’ils ne font pas, ce qu’ils cherchent à réaliser, leurs rêves, leurs envies, leurs craintes, leurs peurs… Et pour cela, Steve Blank martelle « aucune réponse ne se trouve dans votre bâtiment » et engage à sortir et rencontrer de vraies personnes et à avoir avec eux « une conversation ».

Et à itérer, encore et encore, en multipliant les rencontres. Jusqu’à quand ? Jusqu’à ce qu’on n’apprenne plus rien de neuf !

Note : il n’y a pas d’autres règles que celle-là (“jusqu’à ce que l’on n’apprenne plus rien de neuf”, mais à titre indicatif, de 10 à 50 interviews de qualité sont généralement suffisantes)

Et continuer encore en allant tester ensuite la proposition de valeur, toujours au travers d’interviews, avant de la mettre à l’épreuve au travers de tests en vraie grandeur, mais réalisés souvent avec des moyens très limités.

Vient ensuite la phase de « Validation Client » (Customer Validation), pour répondre aux questions sur l’existence d’un marché, ç’est à dire l’existence d’autres clients possibles, la dépendance avec d’autres éléments liés au marché, à l’air du temps, …

Parce qu’une bonne idée doit aussi pouvoir trouver un bon timing. Ni trop tôt, ni trop tard. Plutôt « juste avant d’être trop tard » que « trop tôt ». Le cimetière des startups est peuplé de projets lancés trop tôt, alors que les conditions de marché ne permettaient pas de soutenir une activité économiquement viable !

C’est seulement à ce moment, d’après Steve, que vous pouvez aborder la question du modèle d’affaires. Avant, cela ne sert à rien puisque vous n’aviez même pas validé qu’il y avait un besoin ou un marché !

Et que vous devez mettre en chantier l’investigation des canaux d’acquisition de vos futurs clients, en multipliant les tests et en mesurant tout. Vous devez être à même de pouvoir calculer ce que vous coute (en temps ou en argent) l’acquisition d’un nouveau client et de le mettre en regard de ce qu’il va vous rapporter !

Ces 2 phases sont le cœur de l’approche de Steve Blank (et de la Lean Startup). Et elles doivent être répétées autant de fois qu’il le faudra jusqu’à obtenir des hypothèses validées sur chacun des points :

  • il y a des clients (potentiels mais identifiables) qui ont un besoin clairement défini
  • je veux aider ces gens et je peux répondre à ce besoin grâce à une première solution
  • je peux mettre en œuvre cette solution aujourd’hui (ou demain), même si c’est une version très limitée de ce que j’aurais envie de faire
  • il y a un modèle économique associé (et ces clients sont solvables. Et si pas eux, d’autres sont prêts à payer pour eux!), même pour cette solution limitée
  • il y en a suffisamment pour supporter potentiellement le démarrage de mon activité…

Tant que vous n’avez pas une réponse positive à l’ensemble de ces questions, il vous faut remettre en chantier une nouvelle série d’hypothèse et pivoter, plus ou moins largement…

Note très importante : Ces 2 premières phases sont souvent très ingrates! Il n’est pas rare que, dès confrontation avec l’extérieur, nos grandes idées s’écroulent comme des chateaux de cartes… Parfois quelques heures suffisent pour se rendre compte que notre idée géniale ne trouve aucun écho… Ce n’est pas grave. C’est rude, mais ce n’est pas grave. Il faut persévérer. Surtout. C’est une phase qui peut paraître aride, on a l’impression de faire du sur-place. On veut avancer. On veut savoir…

Pour Steve Blank, c’est la partie du processus qui diffère fondamentalement de l’approche traditionnelle. On n’a pas encore de plan. On ne sait pas ce que sera l’étape suivante. Ni dans combien de temps. Mais il faut continuer à multiplier les interviews, à multiplier les hypothèses, à les confronter. Cela peut prendre des jours. Des semaines. Mais sachez que cette impression de perdre son temps n’est que relative. D’une part, vous gagnerez 10 fois, 100 fois, 1000 fois ce temps apparemment perdu! D’autre part, cela vous évite potentiellement d’avancer dans une mauvaise direction. Et cela, c’est souvent mortel!

Enfin, et seulement après validation de ces 2 étapes, se posent des questions importantes — sinon ça serait trop facile! — mais qui se posent plus classiquement a toute entreprise : comment je déploie mon organisation pour servir, non plus un petit nombre de clients, mais un grand nombre de clients (« Scale Execution » et « Scale Organization ») ?

Pour aller plus loin :

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Benoit Lips
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Entrepreneur, Coach, Rêveur à ses heures perdues