Changer de vie : quand on n’est pas seul dans sa barque.
Un projet co-construit est un projet réussi.
Il peut arriver un moment où vous sentez qu’un changement s’impose. Vous l’avez ressenti, admis plus ou moins facilement, vous en êtes à présent convaincu, ou presque.
Oui, mais vous vous posez beaucoup de questions, parce que vous n’êtes pas seul dans votre barque. D’une manière ou d’une autre, quelqu’un vous est attaché, ou vous en avez la responsabilité, et vos choix influeront irrémédiablement sur cette personne. Vous avez raison d’y réfléchir ! Mais il serait bien dommage de renoncer complètement à votre projet pour autant.
Dans la majorité des cas, c’est de votre conjoint et / ou de vos enfants qu’il s’agit. Je vous propose une façon d’aborder les choses avec eux, en espérant que cela puisse vous donner des idées.
Si vous vivez seul(e) et n’avez la responsabilité de personne, vous pouvez souffler, car vous connaitrez une source de questionnement de moins sur votre chemin. Vous aurez cependant à trouver en vous seul, ou en d’autres compagnons de route, l’énergie d’aller au bout de votre chemin et le plaisir de le partager.
Geôliers ou prisonniers
Je souhaiterais m’arrêter sur une situation que je ne vis pas personnellement, mais dont j’ai lu de multiples témoignages.
On arrive parfois à ressentir le besoin de changement avec une telle accumulation de douleur, d’aigreur, de colère, qu’on est prêt à tout envoyer balader, à commencer par sa famille. C’est d’autant plus fréquent lorsque l’on arrive à la “crise de mi-vie” (mal nommée “crise de la quarantaine” en français, car elle peut survenir de la trentaine à la soixantaine) : un élan soudain nous crie que l’on est passé à côté de notre vie, hurle qu’un changement radical est nécessaire : on n’a qu’une vie, et elle file à grande vitesse ! Les responsabilités qui pèsent sur nous depuis des années nous font voir rouge : si nous sommes passé(e)s à côté de notre vie, c’est bien de la faute de notre famille qui nous a fait prisonnier(e) pendant tant d’années.
Chaque situation est différente... Permettez-moi simplement de vous livrer quelques axes de reflexion : est-ce réellement votre famille qui vous a fait prisonnier(e), ou est-ce la société qui vous a tous enfermés dans ses codes et ses cadres ? Votre rage et vos regrets sont-ils réellement la responsabilité de votre famille ou n’y a-t-il pas à chercher plus loin ? Est-ce juste de faire souffrir ceux avec qui vous avez partagé tant de choses, sans leur laisser l’opportunité de construire le changement avec vous ?
Tu es le seul responsable de ta vie et de ton bonheur ; ne laisse rien ni personne te les dérober.
Je tâcherai de revenir plus longuement sur cette crise de mi-vie. En attendant, il ne vous coûte pas grand-chose de lire cet article jusqu’au bout. Peut-être y trouverez-vous l’envie de laisser une chance à votre famille de rester unie, des outils qui éviteront bien des souffrances.
Faire de votre conjoint votre premier soutien
Que vous soyez dans la situation précédente ou dans une démarche plus apaisée, il n’est pas simple d’aborder la question d’un changement de vie qui influencera votre famille.
La pierre angulaire de la réussite durable de votre projet, c’est de le partager très en amont avec votre famille, et en particulier avec votre conjoint.
L’étape indispensable : accueillir et relâcher les tensions.
Si vous souhaitez changer, c’est que vous ressentez un mal-être dans votre situation actuelle. Il peut être éclatant comme il peut être latent, suivant votre caractère. Dans tous les cas, je vous propose de commencer par reflechir à la façon dont vous exprimez ce mal-être dans votre famille. Vous ralez sans arrêt ? Vous vous êtes renfermé avec le temps ? Vous évitez toute discussion qui a trait aux sujets qui vous rongent ? Accordez-vous donc une pause, car si votre malaise dure depuis longtemps, votre corps en porte sans doute les traces. Ecoutez-le pour vous en libérer. Pour ma part, j’ai trouvé qu’une séance d’ostéopathie (pour peu que vous connaissiez un bon thérapeute) peut faire beaucoup dans le relâchement de ces tensions.
Admettez aussi que, si vous êtes la personne qui souffre le plus directement, cette situation est sans doute usante et stressante pour votre conjoint. Il est (très !) difficile de voir la personne que l’on aime souffrir et de se sentir incapable de l’aider. Avoir à ses côtés quelqu’un qui grogne à la moindre contrariété, ou qui se renferme chaque jour un peu plus, puise dans des réserves de patience et de bienveillance qui ne sont jamais infinies. Réfléchissez-y. Revisitez les dernières semaines dans cette perspective, peut-être cela vous éclairera-t-il sur les réactions de votre conjoint et l’ambiance familiale. Mieux encore, invitez votre conjoint à exprimer son état d’esprit, ses sentiments à l’égard de cette situation, afin de le/la libérer à son tour de ces tensions.
Préparez-vous tout de même, car suivant son caractère et l’accumulation qu’il/elle a subi, le déferlement de ses émotions peut vous poussez dans vos retranchements. Je ne peux que vous conseiller l’excellent travail de Art-Mella en la matière (vous trouverez des extraits sur son blog de ses deux BDs concernant les émotions, la deuxième étant consacrée à leur communication). Vous pouvez également chercher des ressources en communication non violente, comme ces vidéos d’introduction par Marshall Rosenberg (théoricien de la CNV) ou le site d’ Isabelle Padovani (formatrice CNV).
Il est réellement indispensable de passer par ces étapes de relâchement des tensions avant de pouvoir envisager la suite sereinement. On ne peut pas demander un étirement inhabituel à un élastique déjà tendu au maximum. De même, si votre mal-être a poussé votre conjoint dans ses retranchements depuis longtemps, et que d’un coup vous lui projetez la perspective d’un chamboulement de sa vie dont il/elle n’est pas à l’initiative, il est peu probable que sa réaction soit positive. Prenez donc le temps, vous le regagnerez au centuple par la suite.
A ne pas négliger non plus, le fait d’accueillir les émotions et les tensions accumulées par votre conjoint et de l’écouter peut vous donner du grain à moudre. En digérant votre échange, vous tirerez sans doute des éléments qui viendront enrichir votre propre projet, et le rendre compatible avec la perception de votre conjoint.
Partagez et enrichissez votre bilan.
Une fois les tensions exprimées (et on l’espère, apaisées), vient l’étape d’expliquer où vous en êtes, avant d’aborder votre idée de changement.
Je vous encourage à étudier la possibilité d’une coupure à deux, qui vous permettrait d’aborder ce sujet dans un cadre qui ne vous rappelle pas les contraintes de votre quotidien. Il n’est d’ailleurs pas besoin de rentrer dans des grands frais… Un environnement calme et sans distraction, des enfants confiés à quelqu’un de confiance, vous voilà dans des conditions optimales pour aborder ce sujet qui vous vient du fond du coeur.
Pour ma part, le changement s’est imposé si naturellement à moi que je n’ai pas pris ce temps de partage initial. C’était une erreur, car les choses n’étaient ni claires ni évidentes pour mon conjoint ! Heureusement il est toujours temps d’échanger, expliquer, partager en cours de route. Mais avec le recul une vraie coupure aurait été bénéfique.
Il s’agit avant tout de parler du bilan que vous faites de vous-même et de la situation dans laquelle vous êtes. Votre conjoint est sans doute la personne qui vous connait le mieux. Aussi, son retour vous sera précieux pour l’enrichir. La clé pour que cet échange soit riche et paisible demeure dans la bienveillance que l’on vous accordera. Si des tensions demeurent ou que vous n’êtes pas sûr(e) de l’accueil que vous aurez, vous pouvez demander explicitement cette bienveillance. Quitte à rappeler qu’on vous l’a accordé par principe, si la discussion le nécessite ensuite.
Vous comprenez que votre bilan personnel précède donc cet échange. Cela n’est pas une mince affaire ! C’est un des grands objets de ce blog, et nous y reviendrons dans de nombreux articles pour partager sur les multiples facettes possibles de ce bilan. Dans les grandes lignes, il s’agit, selon moi, de se pencher sur notre histoire pour comprendre qui nous sommes vraiment, ainsi que sur notre quotidien pour reconnaitre nos moteurs de changement.
Aborder le besoin de changement en douceur.
Le besoin de changement découle naturellement de votre bilan. À vous de juger de la prudence avec laquelle vous l’introduirez, car les termes “changer de vie” peuvent faire légitimement peur !
Un piste à envisager, si vous sentez votre conjoint dans une situation difficile également, peut être de suggérer de faire ce bilan à deux, à la fois chacun sur son chemin mais aussi ensemble. C’est notamment là qu’il est important de montrer que vous avez entendu les retours de votre conjoint, que vous les avez pris en compte et intégré dans votre projet naissant. Cela peut lui donner l’envie de pousser plus loin sa démarche, dans l’optique d’aboutir à un projet réellement co-construit.
Si vous recevez malgré tout un accueil froid, croyez-moi : ne vous découragez pas. Continuez à distiller au quotidien des éléments qui montrent que vous avancez sur votre bilan, que vous prenez en compte les retours de votre conjoint. Gardez en tête que votre conjoint souffre également de votre mal-être, depuis sûrement déjà longtemps, et que cela peut l’avoir usé. Peut-être a-t-il/elle du mal à croire que vous êtes sur la voie d’un meilleur quotidien pour vous tous, de peur d’être déçu...
Je vous encourage en tout cas vivement à cet exercice: tenez votre conjoint au courant de vos avancées, même lorsqu’elles vous semblent anecdotiques. Et même si vous faites face à une première réaction dubitative. Cela peut vous demander de vous forcer au début si ça ne vous semble pas naturel. Le fait de voir que notre conjoint en difficulté se prend en main, tente des choses, avance ne serait-ce qu’à petits pas, peut aider à tenir bon, redonner l’espoir de sortir de l’impasse. En montrant que vous comprenez cela, en reconnaissant cette souffrance, vous obtiendrez très probablement en retour de la bienveillance.
Une dynamique pour toute la famille.
Lorsque votre bilan avance, si un changement de vie significatif se profile, il est temps d’impliquer les enfants.
On pense souvent à tors que ceux-ci ne sont pas capables de comprendre ce qui se passe ou d’y contribuer activement... Voire qu’ils n’ont pas leur mot à dire car ce sont les parents qui décident. Or ils ont des capacités remarquables à percevoir les choses (notre morosité comme notre dynamisme), à se prendre d’enthousiame pour des nouvelles aventures (ce qui peut en retour nourrir notre propre énergie) et à apporter de la créativité et des idées originales (invitez les grands à vos brainstormings) ! Comme pour votre conjoint, vos enfants seront d’autant plus proactifs et bienveillants dans vos projets de changement qu’ils auront été impliqués an amont. A contrario, s’ils sont projetés dans un changement qu’on leur impose sans leur demander leur avis, il est plus probable qu’ils développent une attitude de résistance qui pourrait rendre fort pénible votre quotidien… Mais finalement, n’en ferions-nous pas autant ?
La façon de les impliquer dépend bien sûr de l’âge de vos enfants… Mais quelque soit l’âge, vous pouvez puiser dans les outils de la parentalité positive pour lancer le dialogue. Voici quelques pistes :
- “La vérité sort de la bouche des enfants”. Peut-être votre enfant peut-il contribuer à votre bilan. Encore faut-il aborder leur retour avec humilité pour accepter leur vision, si on la leur demande… Si vous êtes prêt(e) à cet exercice, essayez de l’intégrer dans un temps en tête à tête avec chaque enfant. Commencez par vous connecter, au travers d’un jeu, d’une activité partagée, afin de (r)établir le lien entre vous. Puis ouvrez le dialogue.
- Le temps d’échange en famille, ou conseil de famille, est un outil qui peut être très utile. Il s’agit de ritualiser un moment ensemble (idéalement toutes les semaines) où toutes les distractions sont mises de côté, la famille est regroupée et le dialogue est ouvert. Tout est permis pour rendre ce moment attractif, joyeux et chaleureux ! Bougies, petits gateaux que l’on aura préparé ensemble, coussins moelleux… Bref laissez libre cours à vos envies. Au-delà du cadre qui doit encourager la confiance et l’expression de chacun, c’est un rituel qui peut permettre d’aborder régulièrement et simplement où vous en êtes dans votre cheminement, de tester vos idées auprès de votre famille et de les laisser mûrir.
- Et si vous invitiez vos enfants à rêver avec vous ? Que ce soit au travers de dessins, de poésies, de jeux, vous pouvez ouvrir leurs perspectives et les inviter au rêve. Votre démarche peut être orientée (“Imagine que nous habitions à la campagne. Comment imaginerais-tu notre maison ? Peux-tu me la dessiner ?”) ou totalement ouverte (“Dessine-moi la vie de tes rêves”). Cette dernière approche est plus difficile, à réserver pour les plus grands. L’enfant s’approprie ainsi l’idée petit à petit. Il vous fournit également des informations précieuses sur ce qui compte le plus pour lui, que vous pourrez intégrer dans votre projet.
Voici mes quelques pistes pour impliquer nos conjoints et nos familles dans nos cheminements vers le changement. Et vous, comment avez-vous procédé ? Avez-vous d’autres idées à partager ? N’hésitez pas à réagir ci-dessous ou sur la page Facebook du blog.