Hello Tomorrow : En route vers le futur ! (Episode #3 — Mobility)

Valentin Bourrelier
Possible Future
Published in
8 min readNov 2, 2017

La semaine dernière avait lieu à Paris la 4ème édition de l’événement Hello Tomorrow, dédié aux innovations “deep tech”.

La particularité de cet événement : mettre en valeur, pendant 2 jours, les projets de ruptures, d’entrepreneuriat scientifique, qui pourront avoir un maximum d’impact sur l’industrie et sur la société. L’occasion pour quelques Frenchies d’explorer de plus près ces startups qui vont changer le monde !

Nous avons choisi de vous raconter, dans une série de publications, ce que French Bureau retient de l’événement, à travers les thématiques que nous avons préférées.

Pour cette troisième publication, nous avons choisi l’une des thématiques les plus prometteuses : MOBILITY.

En effet, la problématique des transports a toujours été omniprésente lorsque l’on imagine le futur. Alors que dans les années 50 on pensait qu’en l’an 2000 les hommes voleraient grâce à des hélices au-dessus de leur tête, aujourd’hui on rêve que des voitures autonomes nous conduisent tels des taxis fantômes. Plus besoin de conducteur, certes, mais cela permettrait aussi d’optimiser la conduite des véhicules pour éviter les bouchons, problème majeur de notre siècle qui réduit largement notre mobilité notamment dans les métropoles.

Dans ces deux optiques — voiture autonome et intelligente — deux conférences nous ont particulièrement éblouies au Summit. La première nous est donnée par un ancien ingénieur en imagerie 3D chez Microsoft, Niko Eiden, qui a rejoint il y a un peu plus d’un an AImotive. À l’origine de cette transition, un coup de foudre entre Niko et la caméra développée à l’époque par AImotive, drôle d’histoire qu’il nous relate avec émotion : alors que la caméra était destinée à analyser l’environnement d’une voiture en mouvement, elle a parfaitement fonctionné dans un open space pour détecter des personnes en mouvement. Particularité de la caméra : une très basse résolution, et un algorithme d’intelligence artificielle pour l’analyse.

I was shocked, it blew me away. That’s when I realized I wanted to become part of this.”Niko Eiden

Il est vrai que lorsque l’on voit la caméra en action le résultat est très impressionnant. Ainsi Niko nous montre sur un écran scindé la progression d’une voiture sur l’autoroute, avec en haut l’analyse de la caméra de son environnement, et en bas la vision de la caméra pour intégrer la profondeur de champ. En haut on peut donc voir le résultat de l’algorithme d’intelligence artificielle sur la vidéo, avec des cadres autour des véhicules, renseignant leur nature, leur vitesse et leur position relative. On constate que la caméra est en effet basse résolution, et l’humain aurait du mal à conduire avec seulement l’information que gère la caméra.

Niko nous explique que l’objectif de la caméra est de fonctionner n’importe où dans le monde, à travers un plan d’action en trois étapes, les “three Ds” :

  • Detect : connaître sa position relative, notamment où on est sur la route, mais aussi savoir ce qui nous entoure ;
  • Decide : comprendre ce qu’il faut faire ensuite, quelle est notre trajectoire ;
  • Do : mettre tout ça en action pour avancer.

Qui dit fonctionnement dans le monde entier dit adaptabilité à l’environnement. Et la météo est un facteur déterminant : ainsi dans les pays nordiques — Niko nous explique qu’il est originaire de Finlande — il neige souvent. Lorsque la route est recouverte de neige immaculée, il est difficile de savoir où l’on est. Comment suivre la route sans accroc, alors qu’on ne voit plus les traces de signalisation ? Cela pose aussi la question de la responsabilité : lorsque vous êtes conducteur et que vous décidez de vous engager sur une piste enneigée, vous en portez la responsabilité. Pour une voiture autonome, c’est difficile du point de vue juridique de lui permettre de prendre une telle décision, parce qu’elle pourrait très bien causer un accident. Ainsi les voitures autonomes dans le futur proche s’arrêteront en cas de piste enneigée. Mais Niko assure que des progrès sont fait chez AImotive pour permettre la conduite en cas de pluie ou brouillard par exemple.

AImotive base son système sur une caméra uniquement, et aucun autre type de capteur. Pour Niko, il faudra compléter cela par d’autres technologies :

A pure vision system to my opinion won’t be safe and won’t be able to scale. We are trying to crack camera-based self-driving systems but it will alone not be sufficient. Niko Eiden

Dans l’optique de faire de la voiture un transport intelligent et adaptatif, Vince Meens nous présente Mobotiq.

Mobotiq fait de la voiture un système de transport collaboratif où chaque maillon (une voiture individuelle) est autonome et partage ses informations avec le réseau. Ce réseau est donc un réseau peer-to-peer basé sur le fonctionnement de la blockchain, qui permet à chaque “pod” d’adapter son trajet de façon intelligente pour limiter au maximum les encombrements.

Vince part d’un constat simple : “Traffic is the lifeblood of our current civilization”. Plutôt que d’essayer de faire des voitures toujours plus individuellement performantes et énergivores, pourquoi ne pas améliorer le flux de voitures directement ?

Pour bien comprendre les objectifs de Mobotiq, Vince compare le projet avec les innovations qu’on peut voir chez les constructeurs classiques :

  • Best vehicle / Best journey experience : Alors que les constructeurs vont innover en essayant de faire le meilleur véhicule possible, Mobotiq veut donner la meilleure expérience du trajet pour l’utilisateur.
  • Proprietary / Open source : On passe d’un modèle individuel à un projet open source basé sur la blockchain, la collaboration est donc au coeur du projet, que ce soit dans sa conception, son amélioration ou sa réalisation quotidienne.
  • Global / Locally produced : Les pods seront produits localement.

Les pods se veulent aussi simples que possible, et même permettre l’assemblage de leurs éléments par soi-même. Le design semble optimisé pour permettre à une personne de s’y installer confortablement en prenant le moins de volume possible. Un service de livraison permettra de les répartir intelligemment dans les villes.

Pour la production, l’idée est de les faire dans des grosses boites qui déploieront les pods directement à partir du dos d’une remorque. La technologie, pas encore tout à fait au point, s’appuiera sur des robots et de l’impression 3D, avec pour objectif de produire 1 pod tous les 2 jours.

Le réseau peer-to-peer basé sur la blockchain permet aux pods de collecter des données et d’orchestrer le trafic en conséquence. Chaque pod aura donc son propre portefeuille de cryptomonnaie, et on commence à le pressentir avec Mobotiq, ça ne s’arrête pas là : le portefeuille de chaque pod permettra de sauver de l’argent pour des pods ultérieurs, avec un système d’arbre héréditaire. Le token émis pour les pods, baptisé “smart mobility token MIQ”, pourra être acheté début 2018, à l’occasion d’un ICO pour le financement des 4000 premiers pods.

Vince prévoit ensuite 100 000 pods à horizon 5 ans. Un projet très ambitieux, qui mêle à peu près toutes les technologies brûlantes imaginables, et leur donne un véritable rôle dans la structure : big data, blockchain, 3D printing, autonomous cars… Cerise sur le gâteau, les pods seront tout-électrique, s’inscrivant dans une démarche d’innovation verte. À nuancer cependant puisque la blockchain est rappelons-le très énergivore, et ce d’autant plus que le réseau de nœuds associé grossit. Venu tout droit de Hollande, Mobotiq pourrait s’installer sur Paris d’ici trois ans. Affaire à suivre…

Hello Tomorrow est aussi le siège de compétitions de pitchs de startups, avec plus de 70 startups retenues cette année dans les 10 thèmes de l’événement. Et la barre a été mise haute avec les 7 startups sélectionnées sur le thème de la mobilité. Entre un ferry électrique fonctionnant grâce à l’énergie solaire, un système de gestion de parking intelligent et un ralentisseur qui permet de convertir l’énergie perdue d’un véhicule au freinage en électricité, les startups proposaient des solutions à des problèmes variés.

Ainsi Navalt promet de réduire les coûts de trajet d’un ferry classique de 95%, avec un objectif de pollution zéro. La startup indienne a déjà commencé ses opérations dans le pays et cherche à s’étendre à l’internationale.

Parquery propose de monitorer les parkings avec des caméras qui peuvent surveiller jusqu’à 300 places pour un parking à ciel ouvert, et une dizaine de places dans un parking souterrain. Ils se différencient donc des solutions classiques qui nécessitent une installation pour chaque place de parking.

Energy Intelligence envisage de déployer son produit à côté d’infrastructures voraces en énergie, comme des entreprises ou des centres commerciaux, qui seraient alimentées par les ralentisseurs hydrauliques mis en œuvre sur les routes environnantes. Leur solution pourrait également fournir l’énergie nécessaire aux feux de signalisation.

Mais la startup qui est sortie du lot et a remporté le prix mobilité nous vient tout droit du physicien et designer italien Tommaso Gecchelin. Next Future Transportation veut révolutionner le transport urbain grâce à un système de modules autonomes qui peuvent s’attacher entre eux et se détacher au gré du trajet. L’idée part d’un bus qui pourrait se séparer en différents ligaments pour adapter l’offre de transport au flux changeant de voyageurs. Le système utilise intelligemment les données récoltées par le réseau pour transporter les passagers vers leur destination en réunissant ceux qui font des bouts de chemins ensemble. Cela ouvre aussi d’autres perspectives comme des modules de services qui proposeraient par exemple de la restauration aux voyageurs et viendraient directement se rattacher aux modules passagers. Ce projet futuriste mêlant véhicule autonome et intelligence collective (ce qui nous rappelle quelque peu Mobotiq) a déjà été déployé comme prototype pour Dubaï, avec des véritables chauffeurs pour les modules en attendant l’avènement des véhicules autonomes.

Vous l’avez compris, la mobilité embrasse un enjeu essentiel du siècle à venir, intriquée à tous les secteurs de la deep tech. Mais si vous pensiez que les véhicules autonomes étaient un rêve lointain, vous vous êtes sans doute ravisés. L’avenir du transport, en lien étroit avec le développement des smart cities, se fera-t-il dans la collaboration et le partage de données ?

Retrouvez nos deux premiers articles sur Hello Tomorrow, où on vous mettait des étoiles plein les yeux avant de vous faire effleurer l’immortalité !

--

--