Yoda ou la théorie du mentor

Thomas bart
Management & Life Hacking
6 min readApr 3, 2019

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Il y a quelques jours, je prenais un café avec un ami, manager d’une équipe de plusieurs personnes. Son équipe est principalement constituée de juniors, sortant d’école ou avec une première expérience. Mon ami, plus âgé et plus expérimenté, a su créé une dynamique positive de travail. La société va bien, elle atteint ses objectifs et la cohésion de son équipe est très bonne. Néanmoins, je le sentais un peu circonspect face à ce portrait quasi idyllique.

Sa préoccupation se concentrait sur un process qu’il venait de remettre à plat. De nombreuses difficultés apparaissent au fur et à mesure dans son application au quotidien. Préalablement à cette remise à plat, chacun avait formalisé son propre process. Chacun avait ses propres documents, ses propres routines dans la gestion des dossiers.

Cette nouvelle formule devait améliorer les choses mais ce n’était guère mieux. Peu de temps après, chacun commençait à reprendre des libertés avec les documents en les modifiant et ou adaptant le process à ses habtiudes. Ce qui devait être une amélioration tournait à l’anarchie. Ce n’était pas une jacquerie mais une volonté individuelle de quant à chacun de vouloir adapter le process à ses propres routines.

J’aurais pu échanger avec lui sur la non intégration de l’équipe dans la création du process (et cela aurait pu être le thème de ce billet) mais je sentais qu’il le vivait plus mal qu’un simple process qui ne fonctionnait pas et qui avait besoin d’ajustement. C’était sa capacité de leader qu’il sentait remise en cause par la récalcitrance de son équipe à suivre le process (et je parle bien d’un sentiment car ce refus du process ne stigmatisait pas, en soi, un rejet de l’équipe quand à sa personne). Il a voulu, à maintes reprises, essayer de reprendre les personnes pour qu’elles suivent le process. Sans grands effets. Et bien évidemment, la productivité a baissé depuis la mise en place du process. Tout le contraire de l’objectif recherché.

C’est alors que je lui ai parlé de Yoda ou de la théorie du mentor.

Yoda, tu n’écouteras pas

Ceux qui ont vu le film savent à quoi je fais référence. Dans L’Empire contre attaque, Luke Skywalker part à la rencontre de Yoda pour devenir un chevalier Jedi. Skywalker est à la fois demandeur pour être le disciple de Yoda (il va dans une jungle pas super accueillante, les moins motivés auraient déjà rebroussés chemin depuis longtemps) et dispose d’une grosse motivation (sauver l’univers, ce n’est pas rien). Qui plus est, Yoda est auréolé d’un grand prestige, c’est juste le dernier grand chevalier Jedi en vie. Autant dire que Skywalker devrait être avide des sages conseils de Yoda et les suivre à la lettre. Nous sommes dans la situation assez paradoxale de la phrase d’Audiard, “Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, les types de 60 kilos les écoutent”. Là Yoda, c’est le mec qui pèse. Quand il parle, on écoute.

Et pourtant. A plusieurs reprises durant le film, Skywalker donne un crédit plus que limité aux conseils de Yoda. Contre son avis, Skywalker choisit de suivre son instinct. Il va dans la grotte du mal. Contre les indications de Yoda, Skywalker s’envole pour tenter de sauver la princesse Leila. Bref, pour quelqu’un qui a dépensé autant d’énergie à vouloir être son disciple, les conseils de Yoda ne semblent pas avoir beaucoup de prise sur lui.

Et c’est justement la difficulté pour un mentor. Accepter que les conseils que l’on donne ne seront pas forcément suivis.

Le but d’un mentor, ce n’est pas d’imposer mais d’accompagner.

Il est toujours frustrant de voir des personnes faire fausse route. Surtout lorsque vous avez plus d’expérience ou plus de recul (il est toujours plus simple d’être clair voyant quand ce n’est pas soi que l’on observe). Vous pouvez envisager dès le début que la personne se trompe. Pour autant, votre but en tant que mentor, ce n’est pas d’empêcher la personne de suivre sa voie. C’est de la conseiller, de lui faire prendre conscience qu’une autre voie est peut-être possible. Le changement de direction n’est pas votre objectif, vous devez l’aider à envisager une meilleure trajectoire.

Nous sommes le fruit de nos expériences et de nos erreurs. Yoda a aussi commis des erreurs par le passé. C’est ce qui lui a permis de se forger et d’en être là où il en est. Et c’est à ce titre qu’il ne cherche pas à empêcher Skywalker de commettre des erreurs. Même lorsque ce dernier va risquer sa vie pour sauver Leila, il le laisse faire.

Notre réflexe naturel est de vouloir imposer des choses à des personnes pour leur bien. “l’enfer est pavé de bonnes intentions.” Dans le cas de mon ami, il a voulu remettre à plat des pratiques diverses afin d’aider les personnes à mieux travailler avec un cadre et un process. Son objectif n’était pas d’imposer de nouveaux modes de fonctionnement. Mais d’aider les personnes à régler les dysfonctionnements du système précédent.

Si la chose est tout à fait compréhensible, elle doit se faire par étape, avec de l’accompagnement afin que chacun puisse trouver sa place et converger vers le résultat final : l’amélioration et l’adhésion à un process commun. En voulant imposer des méthodes qui sont certainement très bonnes, mon ami a voulu aller contre des habitudes établies (chacun avait déjà son petit fonctionnement) et contre des personnalités (dans un groupe de 8 personnes, il y a forcément des caractères et des aptitudes qui sont différents et qui peuvent s’adapter moins bien à des changements de process).

Toujours dans le cas de mon ami, nous n’étions pas dans un cadre industriel qui requiert la mise en place stricte de process qui doivent être suivis à la lettre. Dans un business de conseil, une part individuelle de liberté dans le process reste acceptable. Peut-être (c’est toujours plus facile quand ce n’est pas sa situation et a posteriori) la bonne solution aurait été d’améliorer individuellement les méthodes de chaque collaborateur, les faire évoluer pour qu’elles tendent vers un process plus harmonieux et plus collectif.

Et puis de ce processus itératif où l’on connait des errements et des échecs, il peut sortir parfois des choses positives. Peut-être que le process de mon ami n’est pas parfait. Peut-être que de tenter de faire autrement permettra de modifier une partie du process et, de fait, de l’améliorer.

Ayant terminé ma théorie, mon ami prit un moment de réflexion et admit qu’il fallait peut-être prendre du recul dans sa vision monolithique du management. Puis il enchaîna, en disant qu’il reprendre à zéro le process en intégrant l’équipe à la réflexion pour aboutir à un process parfait et accepté par tous dès la mise en place. C’est là que je lui ai fait part de Jean Imbert et de ma théorie sur la répétitivité.

A suivre : Jean Imbert et de ma théorie sur la répétitivité..

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Thomas bart
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Proud dad of two & husband. In my spare time, I write about productivity and coaching. Head of Growth in Startup Incubators in Lausanne, Switzerland