Haro sur la RegTech

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8 min readNov 3, 2017

Au premier trimestre 2017, les entreprises de la RegTech ont levé 219 millions de dollars (données KPMG). Elles représentent près de 10 % des Fintech reçues par l’Autorité des Marchés Financiers. Utiliser les technologies digitales, les procédés Big Data et s’appuyer sur l’intelligence artificielle pour aider les banques à mieux s’adapter à la réglementation, tel est le pari de la Regulation Tech.

Une inflation réglementaire propice à une nouvelle offre

Ces vingt dernières années, l’inflation réglementaire a été vigoureuse dans le domaine financier : MIFID 2, FRTB, Eckert, Fatca… Les différentes crises financières, et notamment celle de 2008, ont en effet engendré une forte poussée régulationniste. Il s’agit donc d’édicter des règles financières limitant les erreurs intentionnelles, la non-conformité, et augmentant la protection du consommateur.

Les banques, fonds d’investissement et cabinets spécialisés ont donc à intégrer ces nouvelles réglementations pour se mettre en conformité, occasionnant des dépenses importantes (une cinquantaine de millions d’euros par an, en moyenne, pour une banque britannique, selon Reuters). Et elles ont plutôt intérêt à le faire, vu le montant des sanctions.

Elles ont atteint le montant cumulé de 321 milliards de dollars. Source : le Journal du Net

Dans le même temps, ces nouvelles réglementations viennent se greffer à une architecture déjà très complexe, qu’il faut constamment mettre à jour. Cela a donc créé un marché suffisant pour le développement d’une nouvelle offre, digitale et agile.

Meilleure exploitation des données, gestion des KYC et sécurisation des transactions : les missions de la RegTech

Jusqu’ici, les institutions financières répondaient aux exigences réglementaires soit en mettant en place leurs propres systèmes d’information, soit en recourant à des vendeurs de logiciels IT. Mais la digitalisation, la multiplication des technologies liées au Big Data, la Blockchain ont fait évoluer les usages des particuliers et des entreprises. Et, l’entrepreneuriat ayant le vent en poupe, des sociétés ont vu le jour spécifiquement pour répondre à ces nouveaux besoins.

Concrètement, les entreprises de la RegTech peuvent avoir pour missions de détecter les fraudes en ligne, d’évaluer les risques réglementaires et financiers à partir des bases de données des banques, de repérer les fuites de données, ou encore d’optimiser le processus KYC.

Ce dernier constitue un axe prédominant dans cette nouvelle vague de réglementations. KYC signifie Know Your Client et désigne tous les processus visant à identifier et vérifier les profils des clients des banques. La gestion KYC doit permettre à la fois de protéger le client, en lui proposant des produits financiers adaptés à sa situation et en le responsabilisant, et à la fois de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. De fait, la libération des flux financiers a eu comme effet pervers la facilitation du financement des organisations criminelles. Les Etats ont donc souhaité responsabiliser les établissements financiers. Entre autres, la loi américaine Fatca représente une initiative importante dans la connaissance du client. Elle oblige effectivement toute banque ayant des clients américains à le communiquer au Trésor américain.

Le bâtiment du tout-puissant Trésor américain

Globalement, l’analyse KYC peut être considéré comme un métier à part entière. Il faut évaluer la véracité des informations déposées, leur conformité avec la politique d’entreprise et la réglementation en vigueur, croiser les informations avec ce qui peut être obtenu sur le web, évaluer le risque d’un profil… En une dizaine d’années seulement, le coût de la gestion KYC a doublé, selon Thibault Kellam, analyste compliance chez BNP Paribas. D’où l’intérêt d’une offre compétitive et agile, proposée par exemple par la société française Invoxis, avec son produit Compliance +. Il automatise toute la gestion KYC, en agrégeant les données de différentes sources, et est également capable de reproduire l’écosystème d’un client, d’identifier les personnes politiquement exposées et les bénéficiaires ultimes derrière les sociétés clientes.

En même temps que les nouvelles technologies démultiplient les possibilités, elles provoquent en réaction des appels toujours plus poussés à la transparence. Le risque médiatique, institutionnel et financier fait que ces établissements financiers doivent s’aligner.

L’irruption de la Blockchain

Avec la technologie Blockchain, il serait possible à la fois d’attester du bon comportement d’un client et de sécuriser toutes les transactions. En France, une initiative est à l’oeuvre, sous l’égide de la Cour des Comptes. Il s’agirait de créer une plateforme commune entre les différentes banques, sur laquelle les clients déposeraient leurs données et en définiraient les accès. Une telle plateforme disposerait de la puissance technologique nécessaire pour attester de la valeur et de la véracité de ces documents, limitant ainsi le risque d’une information frauduleuse, et renforcerait le pouvoir du client. De fait, ce dernier choisirait librement à qui permettre l’accès à ses données, pourrait passer facilement d’une institution à une autre, et dans le même temps serait rassuré quant à la sécurité de ces données.

Comme les nouvelles technologies ont permis la création de plateformes de trading ou d’établissements 100% en ligne, il est nécessaire de prévenir les transactions frauduleuses, d’identifier celles qui pourraient résulter d’un délit d’initié, ou encore de repérer les fuites de données.

Ce sont des missions qui peuvent être assumées par les RegTechs. Elles aident les institutions financières à traiter une quantité grande et complexe de données. Car l’exploitation et la compréhension des données plus que la collecte pose problème. Pour ce faire, elles opèrent à partir de serveurs cloud, harmonisent les différentes bases de données afin d’atteindre une taille critique, et relèvent les éléments explicatifs ou problématiques. Cette mise en commun permet de mieux détecter les risques.

Un marché stratégiquement profitable

A première vue, on peut douter que de jeunes pousses arrivent à convaincre et à contracter avec des mastodontes de la finance. Les établissements de crédit et les fonds d’investissement détiennent effectivement un pouvoir de négociation important. Vu les sommes et les budgets en jeu, ils ont intérêt à avoir des prestataires de qualité. Pour une start-up de la RegTech, s’adresser à à un acteur aux milliards d’euros de revenus, aux effectifs parfois pléthoriques, à la machinerie administrative lourde peut s’avérer décourageant. Avant qu’un accord soit signé, il peut se passer de longues années. Ne serait-ce que pour que les services conformité fassent leurs diligences… Toutefois, ces jeunes pousses peuvent s’appuyer sur des équipes ayant un passé financier et réglementaire. Ils connaissent donc le milieu et ses enjeux, et peuvent améliorer leurs stratégies d’approche. Evidemment, ceux-ci prennent une longueur d’avance.

Par la même, la menace d’entrants sur le marché est modérée. Certes, il existe une réelle inventivité, vitalité dans la FinTech, néanmoins quelques barrières à l’entrée se dressent. Les pouvoirs publics se montrent en effet très vigilants quant à l’innovation financière et, encore plus, quand il s’agit de réglementation et de juridique. La loi n’autorise pas la création de n’importe quel produit, et les sociétés de la RegTech doivent bien s’assurer qu’elles mêmes respectent les règles qu’elles aident les banques à intégrer. Surtout, les “first comers” peuvent complètement verrouiller le marché. Comme expliqué plus haut, un deal met du temps à être signé et est synonyme de revenus importants. Le premier à signer acquiert donc un avantage indéniable sur ses concurrents. De surcroît, une fois la solution RegTech appliquée, le fournisseur a accès à des données sensibles et stratégiques, ce qui rend plus risquée la rupture d’un tel partenariat. Et puis, cela a occasionné des coûts de mise en oeuvre, une formation des équipes, propices à rendre le client captif du fournisseur.

Enfin, l’offre Regtech est peu substituable. Il s’agit en effet d’une nouvelle offre, répondant à un besoin en évolution. L’alternative serait de construire en interne ces nouveaux outils, mais le cœur de métier des banques et fonds d’investissement n’est pas là. Un des avantages majeurs de ces sociétés est qu’elles n’entrent pas en concurrence frontale avec les banques, il ne s’agit pas de “néo-banques” ou de services exclusifs. Elles peuvent donc s’attendre à une certaine bienveillance de la part des acteurs traditionnels et peuvent aussi espérer lever des fonds plus facilement.

Quel avenir pour la Regtech ?

Kyckr, fournisseur de solutions KYC, s’est introduit en bourse sur la place australienne

Au vu des problèmes que les Regtechs tentent de résoudre, et relativement aux économies substantielles qu’elles permettent de réaliser, nous pourrions assister soit à la concentration des Regtechs en un petit nombre multi-métiers, soit à l’acquisition de ces sociétés Regtech par les banques, dans une sorte d’intégration verticale.

Cette intégration a déjà commencé dans la Fintech en général, avec notamment une politique d’acquisition active menée par Crédit Mutuel Arkea. La société française avait notamment fait l’acquisition de 80 % de Pumpkin, jeune pousse du paiement et transfert d’argent sur mobile. Le Crédit Mutuel Arkea envisage d’investir 15 millions d’euros sur 3 ans. Des montants de nature à encourager la prise de risque dans ce secteur. L’enjeu de cette intégration sera évidemment de ne pas tuer la vitalité et la créativité des entreprises acquises.

L’année dernière, concernant précisément les entreprises Regtech, une trentaine de fusions-acquisitions ont déjà eu lieu. C’est un record sur les cinq dernières années. Ainsi, Cisco a fait l’acquisition de CloudLock, fournisseur de solutions de sécurité sur le cloud. Il y a également eu l’acquisition de Reval, plateforme de gestion du risque de liquidité, par ION Investment Group pour près de 87 millions de dollars. Enfin, Kyckr, éditeur de solutions KYC et AML (Anti Money Laundering) s’est introduit en bourse au dernier trimestre 2016.

La réelle complémentarité entre banques, fonds d’investissement, boutiques, régulateurs et sociétés RegTech est donc de bonne augure pour ces dernières. Elles ont une opportunité rare de se rendre dignes de la confiance des citoyens et des régulateurs en faisant du web un lieu plus sécurisé (transactions, information…). Et, pour l’instant, cela fonctionne plutôt bien : récemment, la start-up Scaled Risk a réussi à nouer un partenariat avec l’AMF afin de mettre en place une plateforme de surveillance des marchés.

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