Comment l’intelligence collective s’attaque au Covid-19

Zelda Bas
SCIAM
Published in
6 min readMar 19, 2020
Image par Gerd Altmann de Pixabay

Pour faire face à la complexité du défi posé par le Covid-19, des communautés de scientifiques, citoyens, chercheurs, et développeurs du monde entier collaborent depuis plusieurs semaines au travers de projets d’intelligence collective visant à : mieux comprendre le virus, tenter d’en limiter la propagation et développer un traitement.

Convaincu que l’intelligence collective représente un outil indispensable pour faire face au Covid-19, SCIAM et Emile Servan-Schreiber ont entamé une réflexion sur la création d’un marché prédictif sur la plateforme de prédiction Hypermind. En réunissant des panels d’experts pour formuler des prédictions sur la propagation du virus, ce marché permettrait de donner des informations aux décideurs sur l’impact de leurs politiques publiques.

En parallèle, nous publierons une série d’articles contextualisée à la gestion du coronavirus.

C’est dans le cadre de cette démarche de partage de connaissances que nous vous proposons ci-dessous une traduction d’un article publié par NESTA (fondation britannique pour l’innovation) recensant différentes initiatives d’intelligence collective en réponse au Covid-19.

La mobilisation de l’intelligence collective apporte déjà des contributions positives à l’endiguement de l’épidémie de COVID-19

1) Prévisions et modélisation des foyers d’épidémies

Le 31 décembre 2019, la plateforme de surveillance des maladies infectieuses Blue Dot (entreprise canadienne spécialisée dans l’intelligence artificielle) détecte des premiers signes liés à l’apparition d’un virus de type grippal à Wuhan, en Chine. Blue Dot prédit ensuite correctement la propagation du virus à Bangkok, Séoul, Taipei et Tokyo. Le système a ainsi précédé de neuf jours la déclaration officielle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Fondée en 2014, Blue Dot “suit[] et anticipe[] la propagation des maladies infectieuses les plus dangereuses au monde”. C’est en combinant des bases de données que l’entreprise crée de nouvelles connaissances. Blue Dot mixe des capacités de traitement en langage naturel et des techniques d’apprentissage automatique pour passer au crible des données issues de forums en ligne, de recherches de symptômes sur Google, des reportages, des déclarations officielles, des bulletins de santé, et des informations relatives aux déplacements de populations (grâce aux ventes de billets d’avions ou à la carte des trajets aériens par exemple).

Image par Alexandra_Koch de Pixabay

Afin de garantir la validité de ses conclusions, le modèle généré est ensuite “augmenté” par l’intelligence humaine en s’appuyant sur une diversité d’expertises (épidémiologistes,vétérinaires, écologistes…).

2) “Citizen science” (la science participative ou science des citoyens)

En 2018, la BBC mène un projet de science participative simulant la propagation d’une pandémie dans le cadre du documentaire : “Contagion! The BBC Four Pandemic”. Des participants de la ville d’Haslemere (au Sud de l’Angleterre) sont déclarés comme virtuellement “infectés” dans une application qui tracke leur position GPS toutes les heures. Ces utilisateurs doivent aussi signaler les personnes qu’ils ont rencontrées ou avec lesquelles ils ont été en contact ce jour-là.

Ce projet a permis à des chercheurs de l’université de Cambridge d’étudier la vitesse à laquelle un virus potentiellement mortel se répand dans une zone locale et d’identifier les porteurs les plus dangereux. Bien que l’ensemble des données de ce projet soit encore en cours d’analyse, les chercheurs ont publié des données pour aider à modéliser la réponse du Royaume-Uni au COVID-19.

3) Suivi et information en temps réel

Créé par une “coding academy” à partir de données officielles du gouvernement, le tableau de bord Covid-19 SG permet aux habitants de Singapour de visualiser tous les cas d’infection connus, la rue où la personne vit et travaille, l’hôpital où elle a été admise, le temps moyen de guérison, et les connexions réseau entre les infections. Malgré les inquiétudes concernant d’éventuelles atteintes à la vie privée, le gouvernement de Singapour a opté pour une approche basée sur la transparence des infections pour aider les gens à prendre des décisions et à gérer leur anxiété face à ce qui se passe.

Pour les amateurs de tableaux de bord, la revue technologique du MIT présente un bon aperçu des tableaux permettant de tracker le Covid-19.

4) Projets de mining des réseaux sociaux

Début février, le magazine Wired a mis en lumière la manière dont les chercheurs de la faculté de médecine de Harvard utilisaient les données générées par les citoyens pour suivre l’évolution du Covid-19. L’application de traitements en langage naturel sur des messages diffusés sur différents réseaux sociaux a permis de rechercher les mentions de problèmes respiratoires et de fièvre là où les médecins avaient signalé des cas potentiels.

Cette démarche s’appuie sur les preuves publiées dans un article de la revue Epidemiology datant de janvier qui montrait que les “hot spots” de tweets pouvaient constituer de bons indicateurs relatifs à la propagation d’une maladie.

Image par edar de Pixabay

La réalité de l’expérience vécue du virus par la population était largement absente de la couverture médiatique jusqu’à récemment, or l’importance des sciences sociales dans la préparation et la réponse à une pandémie est de plus en plus reconnue. Nous nous devons de saluer les citoyens de Wuhan qui ont archivé et traduit les données de réseaux sociaux en Chine pour créer des chroniques de témoignages avant qu’elles ne soient censurées par le gouvernement.

5) Les “serious game”

Pour accélérer le développement de traitements contre les coronavirus, des chercheurs de l’université de Washington invitent les scientifiques et le public à jouer à un jeu en ligne.

Le défi consiste à construire une protéine qui pourrait empêcher le virus de s’infiltrer dans les cellules humaines. Le jeu se trouve sur Foldit, un site créé il y a 12 ans et qui rassemble les contributions de plus de 200 000 joueurs enregistrés dans le monde entier à d’importantes recherches sur les protéines.

6) Kits de test open source

En réponse aux inquiétudes concernant le manque d’accès aux tests du COVID-19, le bénéficiaire de la subvention en Intelligence Collective de NESTA, Just One Giant Lab, est à l’origine d’un effort pour développer un test rapide et bon marché qui pourrait être utilisé partout dans le monde.

Image par Miguel Á. Padriñán de Pixabay

L’initiative consiste à rassembler les idées de communautés de biologistes “do-it-yourself”, avec l’ambition d’y donner accès en open source et de partager les contributions avec des laboratoires certifiés afin que ces derniers puissent facilement produire des kits de test pour leurs communautés.

7) Partage de connaissances

En cas de crise mondiale, le partage des connaissances relatives au virus constitue un moteur puissant pour maximiser notre capacité à réagir et à trouver de nouveaux traitements. NextStrain rassemble toutes les données des laboratoires du monde entier qui séquencent le génome du SRAS-CoV-2, et les centralise en un seul endroit pour que le public puissent les visualiser dans un arbre génomique. Ce référentiel ouvert, construit sur GitHub, aide les scientifiques à étudier l’évolution génomique du coronavirus et permet de suivre la façon dont le virus est transmis entre humains.

Les chercheurs ont également partagé leurs nouvelles découvertes sur le profil génomique du virus par le biais de publications en libre accès et de sites de preprint tels que BioRxiv et Chinaxiv. Les contenus liés au coronavirus dans les publications scientifiques telles que le BMJ sont provisoirement ouverts au public qui exige que les grands organes d’information suivent le mouvement.

L’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) compile également toutes les recherches publiées dans une base de données mondiale, et met à disposition des professionnels de la santé et des décideurs des ressources pédagogiques sur la gestion de COVID-19 sur sa plateforme.

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