ALLIA
de Sylvie Kaufhold
Quatre royaumes forment l’Alliance du troisième monde, celui des peuples nés après le grand cataclysme.
Quatre royaumes forment l’Alliance du troisième monde, celui des peuples nés après le grand cataclysme. Mais dans cet univers partagé entre nouveaux royaumes et anciens peuples, les rapprochements sont fragiles. Au nord de l’Alliance, le peuple des Montagnes extrait de la glace un cristal qui permet à ses mages de communiquer. Un éclat de ce cristal relie Meltem et sa sœur Allia. Un jour Meltem, jeune négociant du Burdal, ne rentre pas de sa tournée d’inspection sur les hauts plateaux et des rumeurs de conflit avec l’ancien peuple des Iokas arrivent jusqu’à la capitale. Commence alors pour Allia une longue aventure. Tandis que des guerriers iokas attaquent les fermes du Nord, la jeune fille part à la recherche de son frère, aux frontières des Montagnes. Mais le cristal qui les relie s’obstine à rester gris. Meltem a-t-il péri lors d’une attaque ? Allia a-t-elle une chance de le retrouver ? Elle l’apprendra lors d’une aventure semée de dangers qui la mènera au-delà des frontières et au-delà d’elle-même.
Un avant-goût
Deux yeux anormalement grands, et clairs jusqu’à la transparence, le fixaient. Meltem sortit lentement de sa torpeur : sa tête le faisait souffrir et ses yeux refusaient de lui obéir. À demi-conscient, il remarqua tout de même les chaudes couvertures de renard blanc qui l’enveloppaient. Il essaya de rassembler ses souvenirs. Tout était vague : le froid, son cheval prisonnier de la neige, la tempête, un abri puis le noir. Mais pourquoi était-il dans la neige ? Et où était-il à présent ? Au prix d’un grand effort de volonté, il souleva à nouveau ses paupières et tenta de se relever, mais ses membres étaient si douloureux qu’il dut y renoncer. Soudain une voix masculine s’éleva.
— Sois le bienvenu, étranger des plaines et des plateaux.
— Où suis-je ? murmura Meltem. Qui êtes-vous ?
Les yeux immensément grands et clairs comme un lac de montagne appartenaient à un homme de très grande taille que Meltem identifia enfin comme un guerrier des Montagnes. L’homme souriait ; ses intentions semblaient pacifiques. Il s’était exprimé dans un burdalin parfait, bien que teinté d’un fort accent montagnard. Les Montagnes appartenaient à l’Alliance, il n’y avait donc pas de raison d’être trop méfiant, se dit Meltem.
— Nous sommes tes alliés et t’accueillons en ami sous notre tente, continua l’homme, à l’évidence soucieux de rassurer Meltem. Je suis Ikuma, fils-guerrier des Inklis, et voici ma sœur Sakari, fille-guerrière de mon peuple, ajouta-t-il en désignant la jeune femme qui l’accompagnait. Sakari chasse et combat à mes côtés. Tu es le bienvenu sous notre tente et notre feu est le tien.
Meltem acquiesça d’un signe de tête et se laissa retomber en arrière. L’immense fatigue qui pesait sur lui eut raison de ses forces : rassuré, il se laissa gagner par le sommeil.
Des heures s’écoulèrent avant que le jeune homme reprît connaissance. Ses deux hôtes étaient assis autour du feu et discutaient à voix basse en mont, la langue des Montagnes. Meltem se souvenait à nouveau des événements des derniers jours : conscient de l’urgence de sa quête, il tenta à nouveau de se redresser et interpella l’homme qui venait de se tourner dans sa direction.
— Pardonne mon ingratitude, mais je dois poursuivre des Iokas et des enfants de mon peuple. Il faut que je les retrouve. Je ne peux pas…
— Sois en paix, étranger, l’interrompit le guerrier des Montagnes en souriant d’un air compatissant. Tu dois d’abord te reposer et reprendre tes forces.
— Non, je ne peux pas attendre. Il faut…
— Écoute-moi, étranger. Tu parles de ceux qui ne sont plus. Nos guerriers ont découvert les traces d’un groupe de Iokas et les ont anéantis. Ils avaient avec eux des enfants de notre peuple et deux des hauts plateaux. Ceux que tu cherches sont à présent sous la protection de notre mère la Louve.
— Sois remercié, répondit Meltem dans un souffle.
Un poids énorme venait de tomber de ses épaules. Naj et Yazu étaient sains et saufs. Ils étaient en sécurité parmi des guerriers alliés.
— Inutile de me remercier, étranger. Les miens n’ont fait que leur devoir.
— Puis-je les voir ? demanda Meltem.
— Les enfants de ton peuple ne sont pas dans ce camp. Ils ont trouvé chaleur et repos dans nos tentes et sont à présent avec les nôtres, en route pour la cité des glaces, Balook la grande. Tu les verras quand le temps sera venu pour toi de reprendre la route. Bois ceci, étranger, et rendors-toi. Seul le repos peut guérir ton corps affaibli.
Le guerrier des Montagnes porta un bol fumant aux lèvres de Meltem et lui ferma les yeux d’une main translucide, zébrée de veines bleutées. À peine eut-il bu deux gorgées du breuvage que les yeux de Meltem se firent lourds. Il sombra dans un sommeil sans rêves.
Tous droits réservés. Sylvie Kaufhold et Numeriklivres, 2014
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