« C’est fêlé »

Gonzague Gru
Agricool
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6 min readJun 20, 2018

C’est peu ou prou les mots que j’ai répondu à Guillaume, fin août 2014, quand celui-ci m’a parlé pour la première fois « d’indoor farming » dans une boîte de nuit bondée de Bruxelles. Comme lui, je suis fils et petit fils d’agriculteur mais je ne comprenais pas l’intérêt de faire pousser des fruits et légumes en intérieur. Et nous avons poursuivi la nuit à en débattre.

Moi-même et Guillaume pendant un shooting (officiel).

Puis, nous avons continué à en discuter la semaine, au téléphone, et tout a pris sens. Avoir enfin de la qualité en ville, des produits sans pesticide et voire même contribuer à l’indépendance alimentaire mondiale. Ce n’est absolument pas intuitif mais terriblement prometteur.

Nous travaillions à l’époque avec Guillaume en tant que commerciaux dans une société qui vend des logiciels de gestion aux pharmacies. Je passais pour ma part mes soirs et week-end avec deux développeurs, à essayer de créer un meilleur logiciel en saas pour ces pharmacies, tout en donnant mon avis à Guillaume sur son projet.

Peu de temps après, il m’a dit : « C’est con que nous ayons les mêmes profils car ça aurait été top de bosser ensemble ».

J’avais l’avis complètement inverse : il était un super VP Sales, visionnaire et conceptuel là où je me trouvais concret, pragmatique avec une énorme appétence pour la technique. J’avais jamais construit de container mais je me sentais capable de le faire et d’apporter dans ce projet. L’agriculture tient une part importante dans ma vie. J’en viens, j’aime le vivant et j’ai été naturellement passionné par la mission au vu de son sens et de son l’ampleur. Le choix fut assez évident entre ce qui allait devenir Agricool et mon logiciel de pharmacie.

« C’est fêlé »

C’est peu ou prou les mots qu’ont dû se dire mes parents en me voyant revenir à la ferme, lâcher mon boulot et avancer dans la construction du premier container. Si pour moi, c’était déjà contre intuitif, ça ne pouvait qu’être plus pour eux, agriculteurs.

« Les révolutions ne viennent pas de l’intérieur » répète Oussama Ammar et je comprends le sens que cela pouvait prendre pour eux quand je leur parlais de culture sous led, d’agriculture urbaine, voir de levée de fonds.

Ils m’ont cependant jamais freiné ou dissuadé mais challengé et aidé. Ils m’ont surtout fait confiance, comme ma femme ou mes proches et je leur en suis à tous, infiniment reconnaissant.

Les premières structures de travail dans la ferme de mes parents.

« C’est fêlé »

C’est peu ou prou les mots que nous répètent les nombreuses personnes que nous avons croisées jusqu’à aujourd’hui. Nous avons cependant toujours continué à avancer : à 2, puis 3 en janvier 2016, puis 55 en juin 2018, quand j’écris ces lignes.

Nous avons multiplié notre rendement par 200 tout en atteignant une qualité exceptionnelle, installé des containers en France et depuis quelques semaines à l’étranger et continuons à avancer et déployer notre mission.

Notre Cooltainer de Bercy et l’équipe aux débuts d’Agricool.

Guillaume vend Agricool, la vision et la mission aux médias, aux investisseurs, aux fans et toutes personnes extérieures pouvant nous aider à avancer là où je m’occupe de mettre en musique l’intérieur : les équipes, la R&D et le reste au rythme des problèmes et des nouvelles étapes.

J’essaye de suivre un précepte qu’un entrepreneur brillant en fin de carrière m’avait donné étudiant : « Gonzague, passe ton temps à t’entourer de gens plus brillants que toi et de les challenger: c’est la clé de la réussite »

Je pense avoir réussi quand je vois notre équipe, que j’admire dans son exécution, sa rapidité à avancer et ses résultats. C’est la chose dont je suis le plus fier dans Agricool. La R&D, le support, la communication et les opérations sont structurés et déroulent. J’ai donc pu prendre du recul et m’occuper des nouveaux sujets chez nous, comme l’industrialisation ou l’innovation depuis quelques mois.

« C’est fêlé »

C’est peu ou prou ce que certains se disaient quand je leur ai annoncé que je quittais l’opérationnel d’Agricool. Car en effet, fin juin 2018, je ne serai plus présent au quotidien à la Factory (nos bureaux de La Courneuve) dans notre aventure.

J’ai pu créer un prototype, recruter des talents pour passer de ce prototype à un produit, guider et challenger les équipes dans ce sens tout en suivant les opérations et le support. J’ai géré une boite dans une boîte. Aujourd’hui, ce poste “large” n’a plus de sens et c’est quelque part une réussite car nous avons réussi à créer une organisation efficiente avec des pôles d’expertise autour d’un CEO.

Je n’ai pas envie de restreindre cet aspect “large” en étant responsable dans un pôle où prendre un poste plus tranquille me donnerait l’impression de me pantoufler. Nous avons désormais une organisation solide, avec des équipes fortes leadées par de brillants C-level. Elles sont emmenées par Guillaume, qui m’impressionne par sa capacité à grandir avec son poste et y être très bon. L’âme d’Agricool a réussi à perdurer au fur et à mesure de sa croissance. Je pars donc serein.

Je reste actionnaire et board member, où je pense que je peux être utile à conseiller ou challenger régulièrement les choix et orientations, car il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Finalement, je pense que Guillaume avait en partie raison en disant que nous avions les même profils. J’ai envie de grandir encore en tant que porteur de projet, là où je pense être le meilleur et où j’ai beaucoup appris et ait encore beaucoup à apprendre.

Et donc d’entreprendre à nouveau. Je n’ai pas un projet arrêté aujourd’hui mais beaucoup de sujets relatifs à la planète me passionnent et me concernent : l’agriculture toujours, mais aussi les énergies renouvelables ou les déchets.

Avant cela, je vais déjà commencer par apprendre à coder cet été au Wagon. Je souhaite être capable de pouvoir créer seul un prototype software ou hardware et être capable de travailler avec des développeurs. Je vais aussi voyager avec ma femme, lui rendre un peu du temps que je lui ai volé depuis 4 ans. Et puis, Audiard disait :

« Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière ».

A bientôt, Gonzague.

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