[ A N C R A G E ]
17 décembre 2015.
La période des fêtes de fin d’année approche, avec son lot de mets fins, gourmets et raffinés. Truffes, huîtres, dinde aux marrons, bûche, foie gras, chocolats et autres friandises seront bientôt sur nos tablées. Opulence et indigestion. Citrate de Bétaïne pour faire passer le tout.
Chef étoilé Bruno Parmentier met les pieds dans le plat en nous exposant une réalité insupportable : un quart de l’Humanité souffre de sous-nutrition ou de mal-nutrition. Pourtant, on produit suffisamment pour tout le monde.
Le menu traditionnel de noël a un goût amer.
Petite rétrospective pour comprendre comment on en est arrivé à un tel déséquilibre. Depuis le début du XXème siècle, le modèle de l’agriculture intensive a permis globalement de nourrir une population galopante. Nous essayons de visualiser les champs gigantesques de mono-cultures, servant à sustenter les élevages de bœufs, de porcs, ou de volailles. Les épandages de produits chimiques servant à neutraliser petites bêtes et autres herbes indésirables. Les récoltes à grands coups de moissonneuses-batteuses, appauvrissant les sols. La production mondiale s’est régionalisée, le transport mondial s’est intensifié et la souveraineté alimentaire des pays les plus pauvres s’est fragilisée. La spéculation sur les denrées alimentaires a déstabilisé l’ordre économique mondial, faisant flamber les prix des produits de base, conduisant aux émeutes de la faim de 2007. En 2050, il faudra nourrir 2 Milliards d’humains en plus, avec moins de ressources. Or le modèle actuel montre un peu plus chaque jour les signes de son obsolescence.
“Une agriculture qui ne peut produire sans détruire porte en elle les germes de sa propre destruction.” Pierre Rabhi
Nous sommes soudain pris d’un haut-le-cœur.
Nous entendons un léger bourdonnement. Le son se rapproche, il devient peu à peu perceptible. C’est le pépiement élégant du colibri-De-Rostoland. Il est venu nous chanter sa sérénade ! On lui ouvre la fenêtre, il vient se percher sur une épaule. Il porte en son bec un message.
Il nous rapporte que, tout près de Saint-Pierre-Des-Corps, existe une microferme, porteuse d’une nouvelle vision de la société. Y vivent un Prince Jardinier, des pays-culteurs, des designeurs-permaculteurs, des ingénieurs-ingénieux, des maraîchers-de-saison et autres happy-culteurs. Ils y expérimentent l’agro-écologie et la permaculture, semant les graines d’une sobriété heureuse. Puisant leur inspiration dans la Nature en tant qu’écosystème, ils marient des cultures qui interagissent positivement entre elles : myosotis et framboisiers, soucis et carottes, capucines et tomates, ciboulette et rosiers, bourrache et fraisiers. Ils labourent minutieusement la terre, cultivent fruits, plantes et légumes en respectant leur saisonnalité. Pas d’intrants chimiques, très peu d’énergie, beaucoup de soin, de patience et de passion. Et si le modèle de Fermes d’Avenir s’essaimait à une plus grande échelle ?
Le songe de ce jardin enchanteresque nous ouvre les papilles.
L’explorateur Boris Marcel vient pimenter le récit du colibri. Fraîchement débarqué d’un tour d’Europe, il porte une malle intrigante. Il l’ouvre délicatement pour ne pas abimer les précieuses trouvailles. Une coccinelle s’échappe, on s’approche silencieusement. Stupeur ! On y découvre une infinité de colibris, aux multiples couleurs : Incredible Edible, Red Calea, Kokopelli, Terre de liens, Libera Terra, les Amanins, ECF Farmsystems ou Slow Food. L’agriculture de demain fleurit déjà, elle a débuté sa pollinisation partout, en Europe et ailleurs.
La pièce exhalant un parfum de humus, nous goûtons une sensation étrange de pesanteur, mêlée de légèreté. Ça sent la vie. ANCRAGE dans une Terre fertile de possibles.
Laura Dos Santos, Chroniqueuse du Mouvement, Lab Session #8
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