Les dernières méta-analyses sur les bienfaits de la pleine conscience en milieu scolaire (octobre 2022)

Free Binder
6 min readOct 2, 2022

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J’ai tapé “mindfulness school meta analysis” sur Google pour jeter un œil sur les 3 dernières études en date…

(Illustration : Pep Montserrat/Marlena Agency)

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La première d’entre elles (Fulambarkar, 2022), publiée le 28 juin dernier, est une méta-analyse concernant les MBI (Mindfulness-Based Intervention) dans le traitement des symptômes liés au stress, à la dépression et à l’anxiété chez les adolescents en contexte scolaire. Elle se présente dès le titre comme une “mise en garde” (cautionary tale) :

Les auteurs relèvent en introduction que les MBI sont actuellement appliqués en milieu scolaire pour des adolescents présentant les symptômes ci-dessus alors que “les conclusions générales sur l’efficacité de ces interventions restent floues.” En effet, si des travaux antérieurs ont pu conclure sur des résultats prometteurs, l’équipe de recherche rappelle que ceux-ci n’étaient pas homogènes, notamment en ce qui concerne le type de participants et d‘intervention.

à gauche : Les tailles d’effet des 9 études prises en compte dans la méta-analyse de Fulambarkar et al. (2022). / à droite : Wikipédia.fr.

En contradiction avec certains travaux, leurs résultats (qui, faute de mieux, couvrent seulement 9 études avec essais randomisés contrôlés – dont seulement 4 avec groupe contrôle actif) suggèrent que les MBI appliqués au milieu scolaire ont un effet significatif positif sur la réduction du stress chez les ados, mais pas sur l’anxiété ni sur les symptômes dépressifs. Cet effet significatif sur le stress est modéré (Hedge’s g = 0,55) et disparaît néanmoins lorsqu’on le compare avec les groupes contrôle actif. Comparés au contrôle actif, les interventions de pleine conscience ne montrent donc aucun effet significatif sur ces 3 symptômes. D’où la nécessité, selon les auteurs, de ne pas “extrapoler les résultats des essais cliniques”.

Les tailles d’effet (Hedge’s g), Fulambarkar, 2022.

D’où la nécessité également d‘avoir davantage d’études à disposition pour déterminer l’efficacité des MBI en milieu scolaire : dans la mesure où “les interventions en milieu scolaire qui réduisent les niveaux de stress représentent un avantage important”, ces résultats pourraient, selon les auteurs, “éclairer l’utilisation efficace des ressources” et “s’assurer que les adolescents souffrant de dépression ou d’anxiété bénéficient de ressources autres et/ou complémentaires”.

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La deuxième méta-analyse (Dunning, 2022), publiée le 12 juillet, s’intéresse quant à elle “aux compétences cognitives et comportementales ainsi qu’à la santé mentale des enfants et adolescents”.

Il s’agit de la réactualisation d’une recherche de 2019, visant à dresser l’état de l’art, à laquelle les auteurs ont ajouté 33 études supplémentaires. Les résultats de ce précédent travail “suggéraient que les MBI montraient une efficacité prometteuse, mais mettaient en évidence un manque d’essais contrôlés randomisés (ECR) de haute qualité et suffisamment robustes.” Cette mise à jour prend en compte 66 travaux au total, avec études randomisées et contrôles actif et passif – comprenant parfois un suivi après-traitement (follow-up).

Tailles d’effet comparées aux contrôles actif et passif (Dunning, 2022).
La taille d’effet et l’interprétation du Cohen’s d.

Par rapport aux groupes contrôle passif, ces nouveaux résultats montrent que les interventions de pleine conscience étaient faiblement efficaces pour améliorer l’anxiété/le stress, l’attention, le fonctionnement exécutif et le comportement négatif et social (Cohen’s d = 0,12 à 0,35). “Par rapport au contrôle actif, les interventions (sélectives) étaient efficaces uniquement pour réduire l’anxiété/le stress et améliorer la pleine conscience (d = 0,11 et 0,24, respectivement). Dans les études avec suivi après-traitement, il n’y avait pas d’effets significatifs des interventions de pleine conscience.”

Enfin, “il n’y avait aucune preuve que les interventions améliorent le bien-être.”

Après suivi (Dunning, 2022).

En conclusion, les auteurs soulignent que “l’enthousiasme pour les interventions de pleine conscience chez les jeunes a sans doute devancé les preuves” et que ces dernières, “bien qu’elles montrent des résultats prometteurs pour certains critères de jugement, sont en général de faible qualité et non concluantes.”

Dunning et al., 2022.

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Nous arrivons à la troisième étude, publiée le 22 janvier. Il s’agit d’une méta-analyse combinant les résultats de 36 études et visant à “synthétiser la littérature sur les interventions de pleine conscience en milieu scolaire qui ciblent les symptômes anxieux et dépressifs chez les jeunes et à comparer l’efficacité de ces interventions avec des groupes contrôle actif et sur liste d’attente” (wait-list).

L’abstract nous indique que, dans l’ensemble, des effets significativement faibles ont été trouvés en ce qui concerne les symptômes anxieux et dépressifs, mais aucune différence significative en comparaison aux groupes contrôle actif ou en attente. Ce qui suggère que “les interventions de pleine conscience peuvent ne pas fournir d’avantages supplémentaires pour ces symptômes”.

En conclusion, les auteurs relèvent que leurs résultats remettent en question l’efficacité [des interventions de pleine conscience] actuellement mises en œuvre pour traiter l’anxiété et la dépression des jeunes en milieu scolaire.”

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Il est souvent rappelé dans ces colonnes la nécessité d’inclure des groupes contrôle ACTIF dans les essais sur les bienfaits de la pleine conscience, notamment pour contrôler l’effet de nouveauté et savoir quels sont les “ingrédients” de pleine conscience véritablement à l’oeuvre.

Le prof. Richard Davidson, fondateur du Center for Healthy Minds de l’Université du Wisconsin et l’un des pontes du Mind and Life Institute, énumérait (en 2015 déjà) les nombreux challenges de ce champ de recherche :

Davidson, R. J., & Kaszniak, A. W., 2015.

C’est très clair, son équipe enjoignait alors la communauté scientifique et les pouvoirs publics à garder en tête que les études robustes sur le sujet sont rares :

Davidson, R. J., & Kaszniak, A. W., 2015.

Puisse-t-on espérer voir un jour ces mêmes pouvoirs publics s’inspirer des recommandations de Mr. Davidson.

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Par Free Binder, 3 octobre 2022.

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Pour aller plus loin :

– Les liens des 3 études en question :

  1. https://acamh.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/camh.12572
  2. https://ebmh.bmj.com/content/25/3/135.abstract
  3. https://link.springer.com/article/10.1007/s12310-021-09492-0

La dernière méta-analyse sur les bienfaits de la pleine conscience (juillet 2022), par Free Binder, 2022.

– “De la méthodologie de pleine conscience” (d’autres exemples d’études biaisées), par Free Binder, 2022.

– “Vers des soins complémentaires fondés sur des preuves”, commentaire (traduit) d’Allan H. Goroll, 2014.

– Un fil Twitter sur la différence entre homéopathie et effet “placebo”.

– Davidson, R. J., & Kaszniak, A. W. (2015). Conceptual and methodological issues in research on mindfulness and meditation. The American psychologist, 70(7), 581–592. URL: https://doi.org/10.1037/a0039512 (un des auteurs est membre-fondateur du Mind & Life Institute)

– MacCoon, D. G., IMEL, Z. E., et al. (2012). The Validation of an Active Control Intervention for Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR). Behaviour Research and Therapy, January ; 50(1): 3–12. URL: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22137364/

– Goroll, A. H. (2014) “Moving Toward Evidence-Based Complementary Care”. JAMA Intern. Med., 174(3): 368–369. URL: https://hi.booksc.eu/dl/65206106/3c41c9

– Ronald E. Purser, R. E., Forbes, D., Burke, A., et al. (2016). Handbook of Mindfulness: Culture, Context, and Social Engagement. Mindfulness in Behavioral Health Series, Springer. URL: https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-44019-4

Le résultat de la recherche Google Scholar du 03.10.2022.

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