Allez, une petite cuillère pour maman !

Marine Kervella
12 min readJan 7, 2016

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Faut-il forcer à manger un enfant qui n’a pas faim ? Existe-t-il de meilleures méthodes que le chantage affectif du type “une cuillère pour papa, pour mamie, pour le chat…” ou que “le bonbon récompense” ? Qu’y a-t-il à comprendre et que peut-on faire quand ils disent non à tout, même à ce qu’ils aiment ? Comment s’y prendre pour faire apprécier les légumes aux enfants ? Ces questions et bien d’autres, ce sont celles que nous, parents, nous posons au quotidien car dans l’idéal nous souhaitons bien sûr :

  • veiller à sa croissance et à sa santé
  • l’éveiller au goût
  • respecter son niveau de développement
  • préserver dialogue et sérénité autour de la table

Pourquoi nous mangeons ?

Pour vivre, grandir, se développer…

Bien se nourrir, c’est recevoir une nourriture adaptée, permettant une croissance harmonieuse et une activité optimale. Pour cela, il faut manger de tout un petit peu et un petit peu de tout. Les besoins de chacun en fonction de l’âge ont été évalués par des nutritionnistes mais n’oubliez pas que ce sont juste des moyennes. Chaque individu est différent et ses besoins diffèrent en fonction de la croissance, de l’activité physique, de leur métabolisme… il existe bel et bien des “gros” mangeurs et des “petits” appétits.

Pour nous réjouir, pour savourer

Mmmmm….miam ! Manger est source de plaisir. Déjà chez le nouveau né. Celui-ci vient au monde en aimant le sucré et le liquide. Ca tombe bien car le lait maternel est liquide et sucré. Ah le monde est bien fait. Et quand il boit et qu’il nous fait chavirer avec sa mimique de plaisir…

Plus tard, on s’aperçoit que chaque enfant est différent. Il y a les “becs sucrés” et les “becs salés”. Les préférences innées évoluent avec l’âge, avec le mode de vie et les expériences gustatives que chaque enfant pourra faire. Ce qu’on a mangé dans son enfance reste souvent “la” référence à l’âge adulte. D’où l’importance de faire découvrir et apprécier un maximum de saveurs à nos enfants.

Le plaisir est communicatif. Au restaurant (pour les adultes) ou chez l’assistante maternelle (pour les petits), on a très très envie de goûter le plat du copain si on voit qu’il prend du plaisir. Le plaisir est en fait le plaisir des sens. Les 5 sens (la vue, le goût, le toucher, l’ouïe et l’odorat) devraient toujours être émoustillés quand on passe à table.

Pour partager et se retrouver

On mange aussi pour être ensemble et pour faire la fête. On en a d’ailleurs bien profité pendant ces 2 dernières semaines…trop chez vous ? En tous cas, la convivialité et le plaisir de se réunir est plus important que quelques calories en trop, non ?

Au quotidien, une part importante de la vie familiale se déroule au cours des repas : moments d’échange, de retrouvailles, de discussions. Les enfants écoutent et enregistrent les messages des parents, leur façon de communiquer (ou non) pendant ce moment. A condition bien sûr que la télévision ne soit pas un invité permanent. On partage aussi ensemble des traditions familiales et des habitudes alimentaires.

Chez l’assistante maternelle et dans les autres lieux d’accueil, l’enfant est stimulé par l’exemple de ses copains. Parfois, il accepte même de nouveaux aliments que ses camarades apprécient. Ou à l’inverse, il décide qu’il n’aime plus tel aliment parce que sa meilleure copine non plus.

En France, en particulier, nous sommes très attachés à la tradition de se retrouver autour d’une table. Pour l’anecdote, c’est à 13h qu’on observe le pic de présence des individus autour d’une table. Et c’est carrément la moitié des français qui sont en train de manger à 13h. En Angleterre, le pic est observable à 13h15 et concerne seulement 17% des anglais. Ces statistiques montrent aussi que les français sont un peu psychorigides sur l’heure des repas… Mais nous aimons tellement ça, que nous passons en moyenne 16 ans de notre vie à table !

Quand le repas devient une galère !

Des études récentes ont montré que les enfants, même tout-petits, s’alimentent en fonction de leurs besoins et qu’on peut leur faire confiance. Alors pourquoi tant de drames ? Pourquoi ces enfants contraints de terminer leur assiette, pourquoi certains n’ont jamais faim et d’autres mangent trop ?

Le comportement des adultes et leurs attitudes vis-à-vis de la nourriture sont pour l’enfant des repères et des modèles. Cela a finalement beaucoup plus d’importance que tous les mots qu’on peut leur dire. Alors si possible, soignons d’abord nos phobies, nos comportements bloquants et nos propres troubles alimentaires pour éviter de les transmettre à nos enfants.

Voici deux exemples de comportements que l’on rencontre souvent chez les enfants.

Manger pour se réconforter

Un petit garçon de 4 ans, bien en chair, avec des joues roses et rebondies. Sa maman en est fière mais en réalité, il est suralimenté. Dès qu’il a un ennui, ses parents le console avec un bonbon. S’il se blesse, on lui prépare une petite crêpe au sucre. Cela devient sa façon-réflexe de s’alimenter.

Illustration de Mathou à découvrir sur le blog Crayon d’humeur

L’enfant qui ne mange rien

Quand manger, n’est plus une question d’appétit mais une lutte entre un petit et un adulte. L’enfant comprend très vite l’enjeu de l’affaire. La relation à l’alimentation est d’abord une relation affective. “C’est bien de manger”, “Allez, fais plaisir à maman…”, “c’est bon ce que je t’ai préparé ?”. Manger c’est autre chose que se nourrir. Avaler, c’est dire “oui”, refuser c’est dire “non”. Et les adultes tiennent beaucoup à ce oui. Ils sont alors prêts à faire preuve de stratégies de séduction, de chantage, voire même de violence.

Dans tous les cas, le comportement alimentaire peut devenir un moyen d’attirer l’attention. Les adultes parlent facilement de caprice ou de comédie, mais l’enfant a toujours une bonne raison de trop manger ou de ne pas manger. D’abord à nous de comprendre ce qu’il y a derrière le message. Besoin d’être rassurer, besoin de plus d’autonomie, besoin de diversification… Et puis lorsqu’il n’a plus faim, parce qu’il a trop mangé, parce qu’il est contrarié ou parce qu’il n’aime pas les plats qu’on lui propose…. Et bien tant pis, rien de grave à ce qu’il ne mange pas “bien” pendant quelques repas. Et surtout ne compensons pas par trois desserts, un autre menu ou un biberon pour le caler. A l’inverse, pas de chantage non plus, si tu ne finis pas ton assiette, tu n’auras pas dessert. Ces schémas n’aident pas les enfants dans leur apprentissage. Lâchons prise…

Bien sûr, le médecin ou pédiatre suivra régulièrement la prise de poids de l’enfant et l’entourage familial ou professionnel rapportera toutes les informations sur son développement (dynamisme, réactivité, développement psycho-moteur…) afin de détecter un éventuel trouble du comportement alimentaire du jeune enfant plus important et qui nécessite un suivi médical (obésité, trouble de l’attachement, anorexie infantile, néophobie, trouble post-traumatique…).

Etre attentif au développement de l’enfant

Il y a quelques repères à connaitre pour suivre le développement propre à l’enfant et pouvoir l’accompagner le mieux possible.

De la naissance à 18 mois

  • découverte des aliments
  • besoin de les toucher, de les manipuler
  • en bouche : découvrir les saveurs et les textures, apprendre à mâcher
Sur la tête aussi. ça va trop loin là, non ?

De 18 mois à 13 ans

  • apprendre à goûter pour apprendre à aimer.
  • la sensation de rassasiement est compliqué car en pleine croissance (“j’en veux plus…et finalement si….”). Idée : proposer l’ensemble du menu aux convives pour qu’ils puissent gérer leur faim.
  • très tôt l’enfant apprécie se servir. La période du “moi tout seul”.
  • il faut généralement 7 à 9 propositions sous des formes différentes pour que l’enfant accepte de goûter si il a une aversion particulière avec un aliment.
  • l’âge du “non” entre 3 et 4 ans : l’enfant risque de ne plus aimer tout ce qui est vert (observation étrange faite dans tous les pays), ce qu’il ne reconnait pas (forme bizarre, aliment transformé ou caché), ce qu’il ne peut pas identifier (plat complet, mélange des aliments…), les aliments qui ont une odeur marquée. Cette période peut être plus ou moins longue, parfois jusqu’à 9 ans. Mieux vaut le savoir, pour vivre ces refus avec une certaine philosophie !
  • apprendre l’histoire des aliments
  • apprendre à cueillir, éplucher, cuisiner
Apprendre l’histoire des aliments. :-) Illustration de Mathou à découvrir sur le blog Crayon d’humeur

De 13 à 20 ans

  • tout bien ou tout mauvais
  • conscience de leur corps
  • apprentissage de l’autonomie
  • envie d’indépendance

Histoire de goûts et de plaisirs avec nos 5 sens

L’être humain a la capacité à tout aimer. Manger c’est aller à la rencontre d’un aliment. Pour que la rencontre ait lieu de façon agréable, l’idéal est de satisfaire nos 5 sens.

La vue

La vue participe au plaisir de manger. Les enfants adorent les jolies tables, une belle assiette, un beau plat en forme de bonhomme… La vue va aussi déclencher la satiété. C’est pourquoi, il faut éviter de regarder la télé en mangeant (en plus du manque d’échange).

Le toucher

Les enfants ont besoin de toucher avec les mains et dans la bouche. Les différentes saveurs se déploient grâce à la mastication.

L’odorat

Mmm, la bonne odeur du gâteau qui cuit ! L’odorat c’est le parfum et aussi les arômes en bouche. Certains enfants sont très concentrés sur l’odorat (surtout ceux qui aiment enfouir leur nez dans leur doudou). Ils vont alors aller vers certains aliments parce qu’ils sentent bons.

Les enfants sont plus doués que nous sur l’odorat. En plus, ils sont très clairs et francs là dessus : on connait le malaise que l’on peut ressentir quand un enfant crie au et fort “ah maman, ça pue ce truc !”. Leur odorat est au top jusqu’à 8 ans et après ça diminue sauf pour ceux qui l’entretiennent.

Le goût

On vient au monde en aimant le sucré et le liquide. Les autres saveurs, il faut les apprendre. Il faut donc que quelqu’un aide l’enfant à les apprendre.

Les papilles nous permettent de sentir les saveurs. Les papilles se rééduquent et se renouvellent. C’est facile de s’habituer à consommer moins de sucre par exemple. En revanche, les papilles n’aiment pas être stressées : les révolutions ne fonctionnent pas il faut que ce soit progressif.

L’ouïe

Une pomme molle ne nous donne pas très envie. Alors qu’une pomme croquante peut nous faire frissonner de plaisir. Un petit jeu rigolo à faire avec les enfants : croquer et se boucher les oreilles.

Comment faire pour que le repas devienne agréable ?

Déjà, nous pouvons prendre du recul et ne pas mettre trop d’amour dans la purée ou les petits pois ! Plus on sera calme et détendu, mieux cela se passera. Quelques petites pistes :

  • Donner à votre enfant le temps de manger, c’est important pour lui.
  • Respecter le rythme de l’enfant. Un enfant fatigué est un enfant qui mange mal.
  • Vérifier la température. Les petits n’aiment pas quand c’est trop chaud.
  • Il joue avec la nourriture ? c’est peut-être qu’il n’a plus faim.
  • Les laisser patouiller. La “patouille” alimentaire présente de nombreux intérêts pour les tout petits. C’est sûr qu’on n’a “pas que ça à faire” (parole de parents ou d’assistante maternelle). Ramasser la semoule par terre pendant que le bébé a besoin d’être changer, que l’heure de la sieste approche et que le grand de 18 mois arrive en trombe avec son camion sur les lieux du carnage pour écraser les carottes et petits pois qui gisent sur le sol…. et en me relevant, je ne dois pas oublier l’éclaboussure de purée, jolie oeuvre murale du petit de 10 mois. ça parait ingrat ce côté là du boulot. Ben oui… Mais, car il y a toujours un bon côté que vous, non professionnel de la petite enfance vous ne soupçonnez même pas, c’est que avant d’atteindre ce tableau apocalyptique, j’ai offert à l’enfant un indéniable terrain de jeux favorables aux apprentissages (alimentaire, moteur, social….). Les bébés fonctionnent comme des explorateurs, des chercheurs ! Magnifique, hein ! Ce qui est moins formidable c’est de voir que cela ne les dérange pas de mettre des aliments dans leur bouche, puis de les ressortir afin de voir ce qu’ils sont devenus après avoir été mâchés. Ce sont des chercheurs…
  • Adopter la stratégie du “no comment” : il n’en veut plus, on débarrasse sans commentaire et on passe au plat suivant (pas de compensation). A l’inverse, pas de “bonbon-récompense” s’il a “bien” mangé.
  • Encourager l’enfant à goûter un plat nouveau et le lui présenter plusieurs fois à quelques jours d’intervalle. Toutefois, il a le droit de ne pas aimer.
  • Chez les assistantes maternelles, nous avons le temps pour nous poser : aller au marché, préparer, voir les fleurs, le potager….en dehors du rythme effréné de la vie.
  • Très tôt, faire participer l’enfant à la préparation du repas et à mettre le couvert. Ils adorent ça dès 18 mois !
  • Arrêter de grignoter entre les repas. L’alimentation est devenue plus compliquée de nos jours car on mange tout le temps. Du coup, à l’heure des repas on a pas réellement faim et on chipote. C’est plus facile d’apprécier le poireaux quand on a très faim.
  • Essayer de laisser l’enfant s’approprier le plat pour qu’il lui plaise (yaourt avec de la confiture, légume vert avec du gruyère, même un peu de ketchup pourquoi pas…)
  • Echanger entre parents et professionnels. Si il y a des difficultés autour de l’alimentation, il est important d’en parler. S’il y a discussion et transparence alors l’enfant peut être accompagné.
  • Ne pas forcer l’enfant. Mon adage : “pas une cuillère de moins que la faim, pas une cuillère de plus que le plaisir”.

Bonus pour l’assistante maternelle

Ce qui est sûr, c’est que nous ne pouvons pas apprendre à bien manger s’il n’y a pas de plaisir partagé et que les meilleurs souvenirs d’un enfant sont souvent des pâtes au fromage, le gâteau d’anniversaire ou l’apéro dinatoire avec les copains le week-end. Par contre, mon rôle en tant qu’assistante maternelle est de faire en sorte que le repas soit un moment éducatif et relationnel privilégié pour l’acquisition des règles :

  • les repas sont des moments de repères pour l’enfant. et à mesure qu’il grandit, ils permettent une prise de conscience de la notion du temps.
  • la bonne tenue à table est un apprentissage progressif. Usage de la cuillère, position assise…
  • toilettes de la bouche et des mains en terme de repères qui marquent le début et la fin du repas

Je suis là aussi pour veiller au développement de l’autonomie de l’enfant :

  • écouter, prendre ne compte le refus, le dégoût, les préférences de l’enfant.
  • lui donner la possibilité de manger seul, s’il en est capable (même s’il y en a partout)
  • veiller à la diversité des plats qui permettent de développer son goût

Mon rôle est également de permettre un développement de la socialisation et de la communication,

  • partager un repas permet des échanges, de la convivialité, de l’imitation…
  • avoir une attitude bienveillante, sécurisante et être totalement disponible.

Sources

  • Conférence de MC Thareau nutritionniste, Le Landreau, 10 novembre 2015.
  • Les enjeux autour de l’alimentation, de la propreté, du sommeil — Formation d’assistante maternelle, 6 juillet 2010, ARIFTS.
  • Expérience de maman, cuisinière avertie, bonne vivante et assistante maternelle.

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Marine Kervella

Thérapeute, Coach & facilitatrice de breathworks chamaniques spécialisée en libération des blocages inconscients pour les entrepreneures éthiques