Maman, c’est quoi une ass mat’ ?

Marine Kervella
6 min readFeb 17, 2015

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Quand ma fille m’a posée cette question, j’ai repensé à toutes les fois où j’ai essayé de lui expliquer mon travail. Je revois encore son air perplexe : « Mais il est où ton bureau ? Tu restes à la maison pour jouer avec nous ? ». Bon, elle n’a que trois ans…

“Maman, c’est quoi une ass mat’ ?”. Ce jour là, j’ai fait simple : « une ass mat’, c’est une assistante maternelle, c’est-à-dire une nounou qui s’occupe de bébés et de jeunes enfants qui ne vont pas encore à l’école pendant que leurs parents sont occupés ». Elle a eu l’air contente de la réponse. Et vous, êtes-vous satisfaits de cette définition ?

Dans son livre « Une vraie vie de nounou », Françoise Näser décrit avec humour la nounou des champs, la nounou des villes, la super nounou, monsieur nounou, la nounou engagée, la nounou associée… Mais une nounou, c’est quoi au juste ? Est-ce une profession, un passe-temps, un choix de vie, une situation subie par la conjoncture ? Il y a tellement de profils d’assistante maternelle différents et il y a tant de préjugés sur notre métier qu’on se perdrait presque nous-même !

En ce qui me concerne, et je surprends encore mon entourage, c’est une révélation tardive et une reconversion professionnelle longuement réfléchie et profondément désirée qui m’a amenée à exercer ce métier. La petite enfance me passionne. D’ailleurs, en me voyant travailler sur cet article, mon conjoint m’a surnommée la “geekette” des tout-petits. J’avoue.

Alors, qui sommes-nous ?

La nounou et la gardienne d’hier

Heureusement, la fonction sociale de la “nounou” a bien évolué depuis le 18ème siècle. A cette époque, les nourrices étaient celles qui nourrissaient au sein. Ainsi les femmes étaient libérées des contraintes de la maternité et en particulier des contraintes de l’allaitement. Il fallait choisir entre être femme ou être mère. Les femmes faisant appel à une nounou pouvaient garder leur statut mondain et leur statut de femme mariée, pleinement disposée socialement et sexuellement.

Aujourd’hui si on a recours aux assistantes maternelles, c’est pour pouvoir être femme ET mère. Ce sont les assistantes maternelles (ou un autre mode d’accueil) qui permettent aux femmes d’investir également des champs extérieurs à celui de l’espace domestique. Nous observons là un vrai glissement de la fonction sociale des assistantes maternelles.

Pour aider à la professionnalisation de notre activité, la terminologie a également évolué. Depuis 1977, nous ne sommes plus ni des “nourrices”, ni des “gardiennes”, nous sommes des assistantes maternelles. Par définition, l’assistante maternelle a pour fonction d’assister les parents dans leurs tâches éducatives auprès de leur enfant.

L’assistante maternelle d’aujourd’hui

En 2012, l’enquête sur la protection maternelle et infantile de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) recense plus de 450000 assistantes maternelles en France. Et moi et moi et moi ! Les enfants sont confiés à titre principal à une assistante maternelle. Nous ne sommes pourtant pas le premier choix de mode de garde des parents mais ça c’est une autre histoire, j’y reviendrai une autre fois.

Drees, enquête Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants, 2013.

Nous sommes donc nombreuses, bien représentées, professionnalisées, utiles à la société… pourquoi avons nous aussi mauvaise réputation ?

On entend par ici “c’est pour rester à la maison en ayant de l’argent de poche que l’on exerce une telle fonction” ou par là “celle qui en garde beaucoup, les exploite pour gagner plus” ou encore “Est-il vraiment nécessaire d’avoir des connaissances spéciales : être une femme, avoir l’instinct maternel et du bon sens suffisent ?” . Bon, je ne rapporte que les propos “soft”, ça ne sert à rien de remuer la boue.

Je trouve qu’il est étrange qu’une société, qui évolue en considérant l’enfant de plus en plus et en s’intéressant davantage au développement de celui-ci, ait une vision aussi pauvre de la qualification et de l’engagement de l’assistante maternelle. De plus, il est curieux de négliger autant les compétences d’une assistante maternelle alors qu’elle a pour mission d’accueillir la prunelle de nos yeux.

Qu’est-ce qui nous anime ?

Je vais parler pour moi et je pense que plusieurs de mes collègues partageront mes motivations. Bien sûr, j’aime les enfants mais c’est bien insuffisant. Ce qui m’anime, c’est d’accompagner les enfants dans leur éveil, leur épanouissement, leur socialisation et leur autonomisation.

J’aime leur proposer au quotidien une ambiance de confiance, de sécurité affective et matérielle, un aménagement adapté à leur capacité et leurs envies pour leur permettre de découvrir le monde et de faire des expériences. C’est magique de voir la vitesse à laquelle les enfants progressent. Je suis admirative de leur pureté, de leur curiosité et de leur soif naturelle d’apprendre.

Je suis épatée de voir avec quelle facilité les enfants montent dans l’ascenseur émotionnel : une chose les fascine, les met en transe et l’instant d’après ce qui nous parait être un détail, indique pour eux la fin du monde. Un rien peut les mettre en joie, un rien peut les mettre en détresse et tout ça en un claquement de doigt. C’est fascinant et en même temps épuisant de vivre ces émotions à leur côté. Cette citation de Janusz Korczak, pédiatre, écrivain polonais et père des droits de l’enfant, transcrit parfaitement ce sentiment :

Vous dites : “C’est fatiguant de fréquenter les enfants.” “Vous avez raison.”
Vous ajoutez : “Parce qu’il faut se baisser, s’incliner, se courber, se faire tout petit.”
“Là, vous avez tort, ce n’est pas cela qui fatigue le plus, c’est le fait d’être obligé de s’élever, de se mettre sur la pointe des pieds jusqu’à la hauteur de leurs sentiments, pour ne pas les blesser.”

Comme le dit F. Dolto, un enfant est un être à part entière mais un être en construction. Et la façon dont ils entreprennent cette construction avec nos encouragements et notre bienveillance est exceptionnelle. Je suis profondément convaincue que beaucoup de choses invisibles se jouent dans la petite enfance. Je suis ravie de pouvoir jouer un rôle dans cette période sensible de l’enfant.

Quand j’accueille un enfant, j’accueille aussi sa famille, son histoire. C’est tellement enrichissant d’essayer de comprendre les valeurs éducatives de cette famille. J’aime accompagner les parents dans leur rôle éducatif. J’adore essayer de trouver ma place. Celle qu’ils veulent bien m’accorder et celle que je tente d’imposer doucement. Il faut jongler entre diplomatie, communication, écoute empathique, psychologie… c’est une négociation quotidienne, un apprentissage , une relation en construction, sans cesse renouvelée au fur et à mesure que leur enfant grandit.

J’aime la complexité de cette implication affective que nous devons maitriser. Le tout petit se nourrit de cet attachement affectif, c’est même un besoin essentiel pour lui, mais je dois toujours garder une position professionnelle qui permet d’éviter la confusion avec le rôle parental. Mon rôle me plait et me satisfait : s’occuper de ses propres enfants est tellement étranger, les enjeux sont complètements différents. J’aime dealer avec l’ambiguité de ce positionnement que notre fonction peut avoir vu du côté du parent.

Etre professionnelle, c’est quand on a du recul, on met des mots, on s’interroge sur ce qu’on fait, sur ses actes. Etre compétente, c’est connaître l’enfant dans son développement global et cheminer avec lui en prenant de la distance par rapport à son vécu. J’essaie d’être les deux et je travaille dans ce sens ! Voilà quelques exemples de ce qui nous fait vibrer dans ce métier. Qu’en pensez-vous ?

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Marine Kervella

Thérapeute, Coach & facilitatrice de breathworks chamaniques spécialisée en libération des blocages inconscients pour les entrepreneures éthiques