Accueillir un enfant et sa famille

Marine Kervella
7 min readFeb 23, 2015

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Apprivoiser la relation

Accueillir un enfant, c’est aussi accueillir sa famille avec son histoire, sa composition, sa culture… En tant qu’assistante maternelle, je rencontre des tribus toutes différentes. Elles sont parfois exigeantes et parfois angoissées à l’idée de se séparer de leur enfant. Mais quel que soit leur état d’esprit, mon rôle est de les accompagner à vivre cette étape toujours délicate et souvent douloureuse [1, 2,3]. Gagner leur confiance, qui ne sera d’ailleurs jamais pleinement acquise, fait partie de mes priorités.

Ça se joue dès les 1ers contacts. Comment réussir le premier entretien téléphonique, quelle est la température du premier rendez-vous, quelles perspectives peuvent être envisagées à la suite de l’adaptation ? Un ton trop sec ou trop timoré, un geste ou une intention maladroite, donner trop d’information ou pas assez… on se scrute, on s’observe, on se rencontre !

Que faire pour que les familles se sentent à l’aise ? Les parents peuvent avoir tellement de craintes : la crainte d’un incident, la culpabilité de reprendre le travail après des semaines de fusion et parfois la jalousie envers la personne qui passera ce temps si précieux avec leur bébé. Pour apaiser leurs angoisses, j’expérimente un mélange d’improvisation et de psychologie. Heureusement, je ne m’appuie pas que sur de l’improvisation ! Il existe aussi de petites astuces et de grandes théories pour aider les parents à vivre plus sereinement les premiers jours de séparation : l’objet transitionnel, le foulard avec l’odeur de la maman, une adaptation progressive et adaptée aux parents et à l’enfant, et beaucoup d’échanges…

Passés ces premiers temps, impossible de se reposer sur ses acquis, oh non ! il faut continuer à apprivoiser la relation longtemps, très longtemps. Certains parents mettent plus de temps à s’ouvrir. Et chaque nouvelle étape dans le développement de l’enfant, chaque comportement inconnu de leur bébé (surtout s’il s’agit de leur premier), même une petite maladie, une accumulation de fatigue ou un changement d’humeur… et la relation de confiance peut être entamée. Il faut alors la reconstruire petit à petit.

Rester à sa juste place

La solution magique pour réussir à collaborer en confiance ? Que chacun reste à sa juste place. Facile à dire, hein !

Déjà, la naissance d’un enfant bouleverse radicalement les places de chaque membre d’une famille. Et lorsque tout le monde commence à s’installer là où il se sent bien, c’est l’heure de la première séparation. Les parents doivent alors gérer de nouvelles anxiétés, une représentation différente de ce bébé qui va évoluer hors de la famille et une représentation différente de leur positionnement dans la société (retour au boulot) ou dans le couple. Un nouvel aménagement de l’équilibre familial est souvent nécessaire. Pas simple de retrouver un positionnement clair et cohérent et de l’affirmer face à cette inconnue qui va leur « prendre » leur bébé.

Du point de vue des accueillants, la juste place n’est pas évidente à trouver non plus. Le positionnement professionnel nécessite un gros travail sur soi. En 1988, Françoise Dolto disait : « des spécialistes risquent de construire leurs fonds de commerce sur le sentiment d’impuissance des parents ». C’est vrai que certains professionnels peuvent s’imposer comme « ceux qui savent » et s’amusent à donner à croire aux parents qu’ils sont nuls. Attention aux dérives et aux jeux de pouvoir…

Nous devons aussi nous défaire du « mythe référent ». En effet, d’après Jean Epstein, chacun de nous, en tant qu’individu, est porteur de ce mythe qui consiste à se faire une idée de ce qu’est un « bon parent » ou un « mauvais parent ». Nous sommes parfois obligés de collaborer avec une famille qui nous renvoie des choses négatives. Ce n’est alors pas toujours facile d’avoir un œil objectif sur les comportements des parents sans y mêler nos convictions personnelles.

Quand on réussit à se défaire de ce mythe, on peut peut-être aider les parents sans leur dire comment être, sans blesser leur narcissisme parental [4,5,6].

Enfin, l’accueillant doit composer avec différents « profils» de parents, décrits par Pierre Moisset [7] :

- les parents autonomes : ceux qui ont une notion précise et ferme de leurs compétences de parents. Ils considèrent qu’ils ont et gardent la main sur l’éducation de leur enfant et que les professionnels doivent les suivre.

- les parents démissionnaires : ceux qui ne demandent rien ou bien si peu qu’on a l’impression qu’ils se moquent et de leur enfant et de son accueil.

- les parents élèves : ceux qui « sont très peu sûrs de leurs propres compétences et savoir-faire face à leur enfant », ils sont en quête de modèles et de conseils.

- les parents exigeants : ceux qui savent ce qu’ils veulent et qui ont une conception très claire de leur rôle parental. « Ces parents attendent des professionnels d’accueil qu’ils apportent une “ plus value ” à leurs enfants ». Ils considèrent souvent l’accueil petite enfance dans un optique préscolaire.

- les parents consommateurs : ceux qui veulent et demandent en perdant de vue le fait que l’accueil de leur enfant n’est pas tout à fait un produit.

Comment se positionner face à des demandes excessives, décalées ou inexistantes ?

La coéducation

« Il faut tout un village pour éduquer un enfant… » La plupart des publications sur cette question commencent par cette citation dont l’origine est incertaine mais le message clair : l’éducation ne peut être le fait d’une personne ou d’une institution, mais bien d’un ensemble social délimité dans le territoire de vie de celui à qui s’adresse cette éducation. Maurice Corond.

La coéducation [8] , c’est le dernier terme à la mode dans l’accueil de la petite enfance. La coéducation paraît aller de soi mais les idéaux portés par ce type de collaboration ne sont pas encore réalisés. Et pourtant l’entente parents-professionnels est indispensable au bien être de l’enfant. L’enfant pourra mieux vivre la séparation avec ses parents. A l’inverse, les conflits le touchent car même s’il ne comprend pas les mots, il en ressent le ton et les tensions [9].

La coéducation correspond à l’idée d’éduquer en commun, de manière simultanée : cela ne sous-entend pas le fait de s’entendre mais laisse supposer la confrontation, la gestion des oppositions tout comme la concertation et la participation. Le risque est que cette coéducation se transforme en contrôle social des professionnels sur les parents. C’est le même risque qui se trouve au sein de l’idée pourtant positive du soutien à la parentalité.

Le partenariat éducatif renvoie plus à une idée d’association prenant en considération les divergences de chacun tout en cherchant un point d’alliance pour mener une action commune. Cette idée de partenariat entre les parents et les professionnels est récente dans la petite enfance et cherche son chemin [10].

Pour assurer un accueil de qualité, J.Epstein propose que le partenariat éducatif soit mis en place en prenant en compte le triangle de la BBC (Bien-être, Besoin, Compétences). Il estime qu’il y un accueil de qualité quand on a aussi bien répondu au BBC des parents, des enfants et des professionnels. Les trois BBC de chacun devant respecter les trois éléments de chaque autre.

Si la mise en oeuvre d’un projet de coéducation [ou de partenariat éducatif] relève bien de savoir-faire professionnel, d’organisation, c’est surtout une question de conviction, d’ouverture, d’espoir, de générosité, d’un pari sur un monde de demain plus solidaire [11], Maurice Corond.

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Marine Kervella

Thérapeute, Coach & facilitatrice de breathworks chamaniques spécialisée en libération des blocages inconscients pour les entrepreneures éthiques