De quelle(s) expérience(s) parle-t-on ?

Extinction de l’expérience de nature en Occident (5/7)

éléonore sas
Luciole : design et non-humains
28 min readJan 31, 2022

--

D’après la photographie de Katerina Kerdi.

Et voici le cinquième article de cette série sur l’extinction de l’expérience de nature en ville en Occident. Vous pouvez retrouver les autres articles dans la liste en bas de page. Bonne lecture 🤗 !

Quand parler d’expérience ?

Comme nous l’avons vu dans les précédents articles, certains penseurs remettent en cause la possibilité même de faire expérience dans nos sociétés contemporaines (Clavel, 2017). Il ne s’agit pas en effet d’une simple extinction de la « nature » mais avant tout de l’« expérience » de celle-ci. Pourtant, ici encore, ce terme demeure peu défini et se retrouve utilisé de différentes façons en fonction des auteurs.

De l’interaction à l’expérience

Lorsqu’il présente son concept fondateur, Pyle n’explicite pas ce qu’il entend par « expérience » (Fleury & Prévot-Julliard, 2017). Les auteurs héritiers de l’expression « extinction de l’expérience » choisissent alors parfois de conserver ce flou. Toutefois, la plupart d’entre eux tentent de préciser ce terme. Dans leur revue de littérature, Soga et Gaston (2016) proposent ainsi de parler de « contact », tandis que d’autres textes emploient le mot « connexion » (Ives et al., 2017).

Mais pourquoi ne parle-t-on pas simplement d’« interactions » avec la nature ? En effet, les humains profitent en partie des bienfaits de la nature à travers leurs perceptions physiques directes. Soga et Gaston (2020, p. 4) définissent d’ailleurs les interactions comme : « des contacts sensoriels (visuels, auditifs, olfactifs, etc.) entre des personnes et des éléments de la nature ». Toutefois, les expériences semblent dépasser les simples interactions. Plus que des mises en contact avec des espaces et des êtres naturels, les expériences « changent les personnes impliquées, jusqu’à potentiellement modifier une part de leur identité » (Fleury & Prévot-Julliard, 2017, p. 17). S’il fallait choisir un autre terme, Cynthia Fleury et Anne-Caroline Prévot-Julliard (2017, p. 17) parleraient alors sûrement de « rencontres » voire d’« expériences sociales ».

Photographie de Taneli Lahtinen.

Ainsi les interactions seraient bien une des conditions préalables nécessaires à l’expérience mais celle-ci ne s’y réduirait pas (Soga & Gaston, 2020). À partir de contacts sensoriels, l’individu s’engage dans une interaction à un niveau émotionnel, physique, spirituel ou intellectuel dont son vécu va fortement dépendre d’autres facteurs tels que le contexte social ou le sentiment de proximité voire de filiation avec la nature. L’interaction sert donc de base à l’expérience. La confusion entre les deux termes est tentante car le premier est plus facile à quantifier que le second, ce qui faciliterait ainsi les recherches et leurs comparaisons quantitatives. Mais « pour comprendre pleinement les conséquences de la perte d’interactions, il faudra mieux comprendre comment celles-ci se traduisent en expériences » (Soga & Gaston, 2020, p. 4). Ainsi, l’expérience peut être décrite comme l’« acquisition par le vécu de connaissances » (Clavel, 2017, p. 258). Dans ce sens, la majorité des définitions de l’expérience évoque un enrichissement des connaissances (Lalande, 2018).

Des connaissances à l’expérience empirique

Le terme « expérience » renvoie effectivement à la fois aux connaissances et à la physicalité.

« Connaissance ou pratique acquise au contact de la réalité, de la vie, ou par une longue pratique (avoir de l’expérience) ; tout ce qui est appréhendé par nos facultés sensorielles et qui constitue la matière de la connaissance de l’homme. » (Définition d’« expérience » par l’Encyclopaedia Universalis)

Cynthia Fleury et Anne-Caroline Julliard (2017, p. 18) expriment leur surprise quant à l’abondance des recherches concernant la part de « connaissances » de l’expérience, contre celles traitant du vécu incarné : « malgré la grande diversité des modes d’expérience de nature, les travaux qui s’intéressent aux liens entre expériences de nature et comportements pro-environnement se sont surtout focalisés sur la connaissance ». Par exemple, une étude s’est intéressée à l’impact de l’éducation et de la formation à l’environnement comme facteur prédictif du comportement environnemental (Hawthorne & Alabaster, 1999).

Néanmoins, ce type de recherche se heurte à nouveau aux obstacles que sont la définition et le cadrage d’un terme principal polysémique, à savoir ici la « connaissance ». En effet, celle-ci peut se rapporter autant à des apprentissages purement théoriques qu’à des savoirs empiriques. Dans ce second cas, « connaissance » et « expérience » se recouvrent. Quoi qu’il en soit, l’expérience semble composée de connaissances théoriques et pratiques en transduction. Ainsi, apprendre des choses sur la faune et la flore peut donner envie de la découvrir, tandis que, de l’autre côté, « les interactions directes avec la nature augmentent la connaissance » (Fleury & Prévot-Julliard, 2017, p. 18). De même, l’éducation située (ou place-based) permet d’incorporer et d’améliorer la connectivité puis les sentiments affectifs envers un lieu (place-attachment) (Clayton, 2017). Sans expérience sensible, la connaissance ne suffit pas à provoquer la part d’émotion propre à une « expérience » (au sens où l’emploient également des designers d’expérience actuels).

Scout apprenant à vivre dans la nature, photographie de Mael Balland.

Néanmoins, l’accent d’une grande partie des recherches est mis sur les connaissances purement théoriques, réduisant ainsi la richesse des modalités d’expérience à une seule catégorie. Les citadins ont donc souvent moins de connaissances de la nature, mais cela n’implique pas forcément qu’ils n’en ont pas un autre type d’expérience ! Une étude a alors montré que, dans certains cas, les habitants des villes ne possédant pas beaucoup de savoirs théoriques à ce sujet exprimaient en revanche une certaine variété de relations avec la nature urbaine environnante (Prevot et al., 2016).

Cette importance de la théorie sur la pratique s’observe également dans les solutions proposées quant à l’extinction de l’expérience de nature. Ainsi, les sociétés occidentales prévoient souvent de renforcer les enseignements intellectuels en cours. Plus indirectement, l’accès aux espaces verts en ville est couramment associé de façon indirecte à ce même principe. En effet, de nombreux parcs interdisent l’accès à certaines de leurs parties, comme les pelouses, impliquant de facto une séparation physique entre l’homme et la nature. Ce choix réglementaire évoque également une hiérarchie sous-entendue dans les comportements des promeneurs, comme s’il existait une « bonne » et une « mauvaise » façon d’interagir avec les espaces verts. Une telle norme latente peut être la source de « conflits sociaux sur la nature » (Fleury & Prévot-Julliard, 2017, p. 19). À titre d’exemple, on peut se référer aux désaccords entre les éleveurs et les naturalistes souhaitant réintroduire les loups en montage.

Pelouse interdite dans un parc, plus ou moins respectée… (source)

« Expérience » ?

Contre le simple empirisme — l’observation guidant la théorie — et le seul raisonnement déductif — les hypothèses intellectuelles amenant à expérimenter –, l’expérience est une forme d’interdépendance et de nécessaire complémentarité entre la théorie et la pratique, au sens du « raisonnement expérimental » de Claude Bernard (Treffel, 2015). Expérimenter, c’est percevoir le monde à travers des sensations et des savoirs. Mais il s’agit surtout d’une synthèse perceptive active, qui prend en compte l’action possible du corps par rapport à un environnement perçu. Chaque être fait ainsi une expérience différente de son milieu en fonction de ses possibilités d’agir, sa biologie, son passé, ses connaissances et son contexte. Selon la théorie cognitive de l’énaction que nous avons explicitée précédemment, le monde de l’expérience vécue est constitué par le couplage sensorimoteur entre un organisme et son environnement (Varela et al., 2017). Les possibilités d’action, notamment permises par les organes sensoriels, sont donc essentiel dans la constitution de l’expérience individuelle.

Couplage sensorimoteur entre actions et perceptions (source).

De ce fait, l’expérience dépend du « monde propre » de chaque individu, aussi appelé umwelt (Uexküll, 2004). Chaque organisme appréhende le monde à travers les expériences qu’il a la capacité de faire grâce à ses parties fonctionnelles. Ainsi, les humains perçoivent le monde à travers leurs mouvements et leurs cinq sens, qui eux-mêmes peuvent différer d’un individu à un autre, comme cela est le cas pour les daltoniens. L’exemple canonique de Von Uexküll est le monde propre de la tique (Jeannel, 2019). La tique ne possède pas de vision comme les humains mais elle possède une forme de toucher et capte des stimuli dans son environnement. Parmi ces-derniers, elle détecte particulièrement la présence d’acide butyrique, qui est généralement produite par des mammifères. La tique se sert donc de ses sensations de toucher pour grimper à une branche et s’y accrocher, puis, lorsqu’elle perçoit de l’acide butyrique, elle se laisse tomber. Si elle ressent de la chaleur sous ses pattes, c’est qu’elle a trouvé un mammifère. Elle explore donc pour dénicher une zone exempte de poil et y enfouir sa tête.

Illustration de Von Uexküll pour comparer les visions qu’ont les humains et les abeilles du même environnement : (a) l’environnement d’une abeille tel que l’homme le perçoit en tant qu’observateur externe. (b) La même abeille ne perçoit que des aspects particuliers du même monde, qui constituent son umwelt (Ay & Löhr, 2015).

Importance des sens

On le voit ici, la tique possède un monde propre radicalement différent de celui des humains du fait de ses boucles sensori-motrices spécifiques. La connaissance empirique — qui est liée au savoir théorique — dépend donc fondamentalement des formes de couplage entre l’individu et son milieu. C’est pourquoi les sens sont une dimension essentielle de l’expérience de nature.

Cinq sens humains

Les êtres humains sont en permanence en contact avec des éléments naturels, même pour de simples usages pratiques tels que la nourriture ou les vêtements. Pour ce qui est des plantes, le phénomène de cécité botanique nous rend d’autant plus aveugle à ce type de micro-interactions. Pourtant, Matthew DelSesto (2019) cartographie 9 catégories d’interactions possibles entre les êtres humains et les plantes. Dans tous ces contacts, et plus encore dans de vraies expériences de nature, les sens humains sont importants quant à l’appréciation de l’individu.

Spectre d’interaction homme-plante (DelSesto, 2019).

Plusieurs études se focalisent sur cette sensorialité humaine de la nature, mais la majorité d’entre elles traitent en priorité de la vision. Déjà sur-sollicitée par notre culture médiatique, la vue semble ainsi être également considérée dans ce champ de recherches comme le sens dominant de l’homme. Les textes se concentrent ainsi sur les « avantages visuels des expériences de la nature, potentiellement au détriment de la compréhension des sens non visuels et d’autres voies telles que les produits chimiques volatils en suspension dans l’air et l’ingestion de microbiote » (Franco et al., 2017, p. 2).

Ainsi, la vue de la nature apporte de nombreux avantages à l’observateur, tels que sa santé, son bien-être, l’augmentation de son attention dirigée ou encore la diminution de son rythme cardiaque. Néanmoins ce type de travaux distingue rarement le contexte de nature urbaine de celle sauvage. De plus, l’étude de l’objet de la vision est complexe car les conséquences retirées peuvent être provoquées par une multitude de variables secondaires. Dans le cas de la nature, on ne sait donc pas vraiment dire si le principal facteur est la vie elle-même ou bien une combinaison de critères. Par exemple, l’effet relaxant pourrait être dû aux couleurs bleues et vertes souvent considérées comme apaisantes, à l’absence de lignes droites dans le décor ou encore à la saturation moyenne des teintes et des contrastes. Toutefois, les expériences se focalisant sur un seul de ces sous-critères n’ont pas obtenu d’aussi bon résultats que les observations de la nature vivante (Bishop & Rohrmann, 2003). L’aspect visuel de l’environnement apporte donc certains avantages mais ne suffit pas à lui seul à expliquer l’ensemble des bénéfices retirés de la nature.

L’audition est le deuxième sens humain le plus cité dans la littérature nous concernant (Franco et al., 2017). Les sons naturels sont généralement perçus comme étant les plus complexes des stimuli sonores. Une des raisons expliquant cela peut être tirée de la théorie de l’évolution : nous serions devenus sensibles à ces indices sensoriels afin de capter des informations essentielles à notre survie (Pijanowski et al., 2011). De même, les participants préfèrent généralement les sons naturels, comme le vent ou l’eau, aux sons dits « artificiels » car associés à des techniques humaines (Yang & Kang, 2005). Ces mêmes sons naturels sont souvent utilisés pour provoquer des effets psychologiques positifs tels que la réduction du stress (Alvarsson et al., 2010). Ainsi, un dispositif en réalité virtuelle montrant une forêt — vue — améliore davantage la récupération du stress chez les participants lorsqu’un son naturel lui est ajouté — audition (Alvarsson et al., 2010). On obtient le même effet chez les personnes en ajoutant un son naturel à un paysage urbain (Carles et al., 1999).

Par ailleurs, les espaces verts sont souvent associés à des lieux de « calme » et la recherche de ce dernier est une des motivations à se rendre là-bas. De cette façon, 91 % des Américains citent ce plaisir comme une raison de visiter les parcs nationaux. Cependant, un calme trop important, se transformant en silence, provoque d’autres réactions, plutôt négatives, « sonnant » comme un avertissement. En effet, en pleine nature ce type de silence indique couramment la présence d’un prédateur et/ou d’un danger. D’ailleurs, une théorie suggère que les humains ont évolué en fredonnant comme un moyen de signaler leur sécurité pendant les périodes de calme afin qu’il n’y ait pas de silence (Jordania, 2008).

De son côté, le toucher est le premier sens développé par un individu, dès son statut de fœtus (Nijholt et al., 2010). Comme on l’a vu, il est essentiel à l’émergence d’un monde propre chez l’être car il est directement lié à ses capacités d’actions et donc à ses boucles sensori-motrices. Néanmoins, les études concernant l’expérience de nature se concentrent presque uniquement sur les touchers affectifs envers un animal, souvent domestique (Kellert & Wilson, 1993). Ces caresses semblent être à la source de nombreux effets positifs (Franco et al., 2017). Les mêmes gestes effectués envers des peluches n’apportent pas les mêmes résultats, ce qui pourrait être dû à l’impact du caractère vivant des êtres touchés (Shiloh et al., 2003). En revanche, il n’existe quasiment pas de textes sur le toucher des plantes.

Par ailleurs, l’odorat est un de nos sens les plus faibles (Franco et al., 2017). De façon générale, les odeurs peuvent avoir des effets sur notre humeur (Lehrner et al., 2000), notre cognition (Lorig et al., 1990) et notre comportement (Doty, 1986). Néanmoins, il existe peu d’études sur les odeurs spécifiques de la nature. « Nos préférences en matière d’odeurs semblent être associées à la valeur que nous accordons aux objets associés à cette odeur, de sorte que les odeurs qui nous rappellent le plein air peuvent déclencher tous les sentiments positifs que nous éprouvons à l’égard de la nature. Les odeurs de nature peuvent donc fonctionner comme une sorte de déclencheur ou de symbole de la nature en général et peuvent apporter des avantages à la nature par procuration » (Franco et al., 2017, p. 5). Enfin, le goût est très peu étudié vis-à-vis de notre objet d’études et semble moins pertinent ici.

Quoi qu’il en soit, l’aspect multi-sensoriel semble essentiel pour une expérience agréable. Par exemple, dans un environnement naturel virtuel capable de réduire le stress des participants, ces derniers ont également éprouvé un sentiment négatif à l’égard de l’environnement virtuel et ont exprimé le sentiment d’avoir manqué l’expérience sensorielle complète de la nature réelle (Kjellgren & Buhrkall, 2010).

Écosomatique et esthétique

Comme nous l’avons vu, la plupart des solutions proposées en Occident sont davantage de l’ordre des connaissances théoriques que pratiques. C’est pourquoi certains auteurs invitent avant tout à un retour à l’expérience sensorielle de la nature permettant de réunir « l’intelligible, le sentir et l’agir » (Clavel, 2017, p. 261). Pour Joanne Clavel (2017, p. 262–263), il s’agit de proposer une « écosomatique », c’est-à-dire :

« Une somatique esthétique revisitée par une dimension écologique (scientifique, éthique et politique). »

Le concept de « somatique », ou de « corps vivant », proposé par Thomas Hanna (1976) a pour objectif d’unifier un ensemble de pratiques corporelles autour des interactions entre le fonctionnement biologique du corps ainsi que la conscience et l’environnement de l’individu. Cette discipline étudie notamment les liens entre la formation de valeurs et l’expérience. Selon le mouvement pragmatiste aux États-Unis, l’expérience est au centre de la création des désirs et des actions (Clavel, 2017). Ainsi la valuation et le désir émergent tous les deux du « processus de la vie et de son expérience » (Clavel, 2017, p. 261). Dewey propose ainsi une « théorie de la valuation » qui considère l’action comme le « moment » qui unifie la pensée et l’acte, la fin et les moyens. La formation de valeurs est également fortement liée à l’imagination, elle-même directement impactée par les différentes expériences du sujet. En outre, les valeurs et les désirs participent plus largement des émotions de l’individu. La racine latine de l’émotion renvoie à un « mouvement hors de soi » et donc à l’agir des sujets. Le corps devient alors le cœur de la « perception, de l’action et de la pensée » (Cerclet, 2014, p. 27). Dewey parle ainsi de « body-mind » en 1918, c’est-à-dire de « corps dynamique » (Clavel, 2017, p. 261).

L’« écosomatique » reprend ces principes en y incorporant la perception de soi en tant qu’écosystème — ou holobionte — et donc la sensation d’être d’autant plus en synergie avec son milieu. Avoir conscience de son propre enchevêtrement parmi les formes vivantes et travailler son attention sensorielle du monde permet d’« allier une réalité objective avec le partage du sensible, voir et sentir pour affiner [sa] conscience de l’autre » (Clavel et al., 2017, p. 89). Il s’agit donc de construire consciemment son expérience perceptive par un travail du sentir et de l’attention à l’altérité.

Plus largement, d’autres auteurs proposent de faire revenir cette capacité attentionnelle de la nature grâce à l’éducation d’un rapport esthétique au paysage (Maris & Lacroix, 2021). Pour Alexandre Lacroix, il s’agit de provoquer un émerveillement afin d’inciter à l’expérience de nature par les sens. En apprenant à distinguer les nuances et les subtilités liées à chacun des sens humains dans un environnement naturel, les personnes devraient alors apprécier davantage ce type de contact : « de même qu’on peut vous apprendre à aimer Faulkner ou Bach, il faut rappeler qu’un paysage est polysensoriel et qu’un effort d’attention est nécessaire pour nous ouvrir à lui » (Maris & Lacroix, 2021, p. 45). Néanmoins, Virginie Maris rappelle les risques d’un « amour de la nature » fondé sur l’esthétisme, comme le fait de hiérarchiser les espèces, et ainsi la nécessité de les protéger, en fonction de ce critère.

Photographie de Moriah Wolfe.

Contacts non sensoriels

Au-delà du sensoriel, la nature entre en contact avec les humains à travers d’autres voies (Franco et al., 2017). Il ne faut donc pas non plus négliger les effets non-perceptifs des espaces verts sur les personnes. Si ces effets sont positifs, ils peuvent accentuer les bienfaits ressentis par les cinq sens. De ce fait, l’expérience de nature a également un volet très concret et empirique qui, lui, ne nécessiterait pas d’éducation particulière du moment que les gens se rendent sur place. Trois catégories d’éléments particulièrement présents dans les environnements naturels peuvent affecter les humains : les phytoncides, les ions d’air négatifs et les microorganismes.

  • Les phytoncides sont des composés organiques volatils antimicrobiens émis par les plantes, qui les aident notamment à se défendre contre la pourriture ou contre les attaques des herbivores. Trop petits pour les organes perceptifs de l’homme, ils sont simplement ingérés par inhalation. Une étude a justement montré leurs effets positifs sur les pratiquants des bains de forêt au Japon (Li, 2010). Les phytoncides sont globalement bénéfiques pour les mammifères. Par exemple, deux types d’entre eux sont antimicrobiens et trois autres augmentent l’activité du système immunitaire in vitro (Li et al., 2006). D’autres recherchent exposent des impacts des phytoncides sur le bien-être de l’animal (humain ou non), comme la qualité de son sommeil ou son niveau d’anxiété (Cheng et al., 2009).
  • Les ions d’air négatifs sont des particules d’air chargées négativement (Franco et al., 2017). Elles se forment lorsque l’énergie détache un électron d’une molécule de gaz et l’attache à une autre. Ainsi, les atomes gagnent un ou plusieurs électrons, se chargeant de facto négativement. Plusieurs éléments naturels provoquent cette transformation : les rayons cosmiques, les chutes d’eau, le tonnerre, les rayons UVs, etc. Ainsi, les ions d’air négatifs sont particulièrement abondants dans les zones naturelles. À l’inverse, les espaces urbains semblent caractérisés par un appauvrissement de ces éléments : l’intérieur d’un bâtiment ne contient que 10 % de la concentration en ions de l’air extérieur et celle-ci est beaucoup moins importante en ville qu’en milieu rural (500 ions/cm3 environ contre 1 200 ions/cm3) (Hawkins, 1981). Une des hypothèses expliquant ce fait serait que les ions d’air se regroupent autour des polluants et tombent ainsi dans les colonnes d’air. En revanche, la végétation améliore fortement l’abondance d’ions dans l’air : les plantes en produisent directement et elles aspirent également des éléments source d’ions via leurs racines (Jayaratne et al., 2011). Les ions négatifs provoqueraient des bienfaits sur la santé et l’humeur des personnes présentent. De plus, ils participent de l’élimination des bactéries, augmentent le confort thermique ainsi que la vigilance, réduisent les sensations de nausées ou d’étouffement, améliorent les temps de réactions et la facilité de concentration, etc. (Franco et al., 2017). Leurs effets sont tels que les animaux meurent dans un air filtré d’ions (Goldstein & Arshavskaya, 1997). C’est pourquoi leur forte concentration en milieu végétalisé pourrait expliquer en partie les bénéfices ressentis lors de contacts avec la nature (Nakane et al., 2002). Néanmoins, il existe encore très peu de littérature sur ce sujet précis à ce jour.
  • Enfin, les microorganismes correspondent ici aux microbes présents sur le sol et dans les intestins des mammifères (Franco et al., 2017). Ainsi, les premiers sont souvent retrouvés à l’intérieur du corps, bien qu’ils ne puissent pas se reproduire dans ce milieu. Cette exposition externe puis interne répétée améliore les réponses au stress (Matthews & Jenks, 2013) et aide à maintenir la diversité du microbiote intestinal, nécessaire à l’immunité du sujet (Rook et al., 2014). Selon l’« hypothèse des vieux amis », l’augmentation du nombre de maladies chroniques dans le monde moderne serait d’ailleurs en partie due à l’appauvrissement de l’environnement en microorganismes avec lesquels les hommes avaient coévolués jusqu’alors. Par exemple, la bactérie Mycobacterium vaccae — présente dans l’eau, le sol et la végétation dans les espaces natures — affecte directement l’humeur, l’éveil et l’apprentissage des humains (Cools et al., 2008).

Ces trois types d’éléments sont donc présents dans la nature mais ne pouvant pas être perçus par les cinq sens humains malgré les effets positifs qu’ils provoquent chez eux. En outre, il est possible que ces trois voies fonctionnent ensemble. C’est pourquoi, on peut postuler que cette part non-sensorielle améliore l’expérience vécue dans un milieu naturel, déjà positive du fait des perceptions directes, augmentant ainsi la motivation à se rendre dans ce type d’espace. Les connaissances apprises sur ces bénéfices viennent également renforcer cette volonté d’entrer en contact avec la nature. Enfin, une fois cette pratique réalisée, ses conséquences directes et indirectes peuvent donner encore plus envie de renouveler l’expérience. Les éléments que nous venons de voir améliorent donc particulièrement le premier facteur d’extinction de l’expérience de nature, que nous avions vu dans la première partie de ce travail, c’est-à-dire la motivation à chercher ce type de contact.

Différentes formes d’expériences de nature

Comme nous venons de le voir, les formes d’expériences de nature varient en fonction des différents cadrages théoriques effectués par les chercheurs. Par ailleurs, d’autres facteurs plus pratiques impactent directement le vécu des personnes et ne sont pas toujours pris en compte. En synthétisant ces ensembles de délimitations abstraites et empiriques, nous pouvons alors tenter d’identifier de grands types d’expérience suffisamment holistiques pour être vraisemblables tout en rendant maîtrisable cette complexité.

Contextes complexes

Tout d’abord, revenons brièvement sur ces différences concrètes qui ne sont pas toujours prises en compte par les chercheurs académiques. Il s’agit notamment d’une appréciation de la spécificité des contextes et de la subjectivité du vécu personnel.

Par exemple, en fonction du lieu naturel exacte, du type de végétation qui y pousse, de ses caractéristiques géologiques, de la saison, de la météo ou encore d’autres facteurs très locaux, les émotions perçues des expériences de nature vont également différer (Rosa & Collado, 2019). Par exemple, une sortie immersive en forêt par mauvais temps peut provoquer une diminution du sentiment de connectivité à la nature chez les promeneurs. De cette façon, tous les contacts avec la nature n’entraînent pas forcément une expérience de nature chargée des bénéfices listés en première partie de ce travail.

Photographie de Pavel Badrtdinov.

Ainsi, l’expérience change également en fonction du type d’activité réalisée dans un cadre naturel. Berns et Simpson (2009) proposent de distinguer trois types d’expériences en fonction de ce facteur : la consommation, la mécanisation et l’appréciation :

  • Les activités de consommation consistent à prendre quelque chose de l’environnement naturel pour son propre usage, comme avec la pêche ou la chasse.
  • La mécanisation revient à utiliser des équipements fortement techniques pour interagir avec la nature : en véhicule tout-terrain par exemple.
  • Enfin, l’appréciation renvoie au fait de profiter de l’espace naturel sans chercher à le modifier, à travers des activités non mécanisées et autopropulsées, comme pour le surf et la randonnée.

Ce dernier type d’activités est celui qui génère le plus de comportements pro-environnementalistes (Rosa & Collado, 2019). Cependant, il existe à ce jour peu de recherches concernant les impacts des différents types d’activités, voire ceux des contextes sociaux dans lesquelles celles-ci adviennent. Par exemple, une activité physique dans un espace vert n’apporte pas la même sensation de rapprochement avec la nature à l’enfant qui la pratique selon si elle est structurée ou libre (Fleury & Prévot-Julliard, 2017).

De même, peu d’études observent comment les expériences de nature évolue au cours de la vie. La plupart des recherches se concentrent sur la période de l’enfance (Soga & Gaston, 2020). Bien que les interactions explorées à cet âge soient effectivement cruciales pour la suite du développement de l’individu, celui-ci peut aussi vivre d’autres choses une fois devenu adulte. Il serait donc nécessaire de séparer l’étude des expériences dans la première période de la vie de celles « pendant la vie », afin de « déterminer si et dans quelle mesure la perte des expériences de la nature pendant l’enfance peut être compensée par celles des étapes ultérieures de la vie » (Soga & Gaston, 2020, p. 4). De plus, les adultes semblent s’attacher davantage aux souvenirs d’expériences positives de la nature qu’ils ont vécu à plusieurs (Rosa & Collado, 2019). En revanche, ces mêmes personnes préfèrent passer du temps seul dans l’environnement naturel lorsqu’elles souhaitent se ressourcer psychologiquement. À l’échelle de l’individu, on observe bien ici des différences en fonction des périodes de la vie, des activités et des buts poursuivis, ainsi que du contexte social de l’expérience de nature. C’est pourquoi les caractéristiques sociodémographiques des participants, actuellement peu utilisés, pourrait être pris en compte dans les prochaines recherches sur ce sujet.

Enfin, les psychologues de l’environnement et de la conservation tentent de considérer ces différences de contextes (Ives et al., 2018). Néanmoins, ces « inclusions de la nature dans le soi » ou « échelle de connexion à la nature » demeurent des échelles centrées sur l’individu et ne peuvent pas intégrer les phénomènes de connexion ou de déconnexion à l’échelle de la société (Ives et al., 2018, p. 1390). En outre, ces résultats sont aujourd’hui généralement tirés de comportements autodéclarés, ce qui limite leur fiabilité (Rosa & Collado, 2019). On observe donc bien ici que les contextes physiques et socio-culturels influencent fortement les expériences vécues — notamment du fait de leur complexité inhérente — ce qui les rend d’autant plus difficiles à catégoriser et à étudier en tant que tels.

Degrés de proximité

Une façon assez commune de catégoriser ce type d’expériences s’effectue alors à un niveau global en distinguant les degrés de proximité de l’acteur avec la nature. Dans ce cas, les auteurs emploient souvent les termes d’expérience « directe » ou « indirecte ». Dans ce cas, les expériences indirectes correspondent à celles qui n’entraînent pas un contact physique réel.

Parmi les expériences directes de nature, Rosa et Collado (2019, p. 2) séparent celles qui sont « fortuites », comme lors de la promenade d’un maître et de son chien, de celles « intentionnelles », en pratiquant le surf par exemple. Le degré de proximité à la nature se joue donc également dans l’intention qui est donnée à l’acte d’interaction. Plus le degré de proximité est fort et plus les bénéfices ressentis sont importants.

« Le contact direct et intentionnel avec la nature dans un environnement esthétiquement agréable est considéré comme le meilleur moyen pour les gens de se connecter à la nature, car il implique l’utilisation de divers sens. » (Rosa & Collado, 2019, p. 2)

Cynthia Fleury et Anne-Caroline Prévot-Julliard (2017, p. 17) préfèrent elles distinguer les expériences de nature « directes », « indirectes » et « vicariantes ». Celles qui sont directes correspondent aux contacts physiques mêlant des activités libres et non planifiées. L’expérience est indirecte à partir du moment où ces contacts physiques sont cadrés par une forme d’organisation : une visite au zoo par exemple. Enfin, les expériences de natures vicariantes concernent les formes d’interaction plus symboliques, sans contacts physiques et médié par une technique (la télévision, les livres, voire une fenêtre donnant sur un espace vert, etc.). On constate alors ici que la définition de l’expérience de nature « vicariante » recouvre celle « indirecte » proposée par Rosa et Collado auparavant. Le terme « indirecte » évoqué par Cynthia Fleury et Anne-Caroline Prévot-Julliard pourrait également être compris dans la définition des expériences « directes » au sens de Rosa et Collado car elle repose sur un contact physique.

De ce fait, on s’aperçoit que cette catégorisation — pourtant simple de prime abord — ne parvient tout de même pas à mettre d’accord les différents auteurs. En outre, ces distinctions sont vraiment très générales et ne permettent pas de rentrer dans un niveau de détail suffisamment satisfaisant pour une analyse des différentes expériences de natures. C’est pourquoi nous avons cherché des grilles de lecture plus précises.

Tentatives de catégorisation

Parmi celles-ci ressortent des catégorisations formulées chacune à partir d’états de l’art sur les études effectuées autour du phénomène d’« extinction de l’expérience » de nature. Ives et al. (2018) proposent ainsi cinq catégories de « connexions à la nature » : matérielle, expérientielle, cognitive, émotionnelle et philosophique.

  • L’expérience matérielle correspond à la consommation d’éléments naturels comme des fruits. Son caractère vital en fait une catégorie analysable autant au niveau de l’individu que de la société. Elle peut se traduire par une analyse des flux de matières ou des questions d’empreinte écologiques, par exemple.
  • Ensuite, la partie expérientielle se réfère à l’ensemble des interactions physiques avec la nature. En fonction des facteurs précédemment évoqués, le degré de proximité ressenti ainsi que la qualité du vécu de la connexion peuvent fortement varier. Étant donné la subjectivité de ce type de ressentis, cette catégorie est généralement mesurée à l’échelle des individus mais elle peut parfois aussi l’être socialement.
  • Par ailleurs, l’expérience cognitive concerne les connaissances, croyances et attitudes envers la nature. De ce fait, elle est uniquement analysée au niveau d’une personne.
  • En outre, la partie émotionnelle renvoie aux sentiments d’attachement ou d’empathie éprouvé envers le nature chez un individu.
  • Enfin, l’expérience philosophique fait appel aux visions du monde des personnes autant que des sociétés : leur façon de définir ce qu’est la nature, ce en quoi elle importe et la position que les hommes doivent adopter par rapport à elle.

Ces cinq catégories de connexions à la nature semblent pouvoir se répartir sur un axe allant de l’extérieur vers l’intérieur — avec l’appropriation matérielle très externe à soi et l’appropriation philosophique profondément ancrée dans l’individu — et un autre axe allant de l’analyse à un niveau individuel jusqu’à l’échelle sociétale. Ces deux répartitions permettent d’obtenir une vue d’ensemble classée sur deux axes comme dans la figure ci-dessous.

Cinq catégories de connexions à la nature, réparties le long d’un spectre allant du monde intérieur au monde extérieur (axe des x), et d’un autre en fonction de leur pertinence à différentes échelles d’agrégation sociale (axe des y) (Ives et al., 2018).

Néanmoins, il faut garder en tête que ces cinq catégories ne fonctionnent pas de manière isolée mais peuvent interagir et/ou être influencées les unes par les autres. Nous avions ainsi déjà évoqué le caractère transductif des connaissances empiriques et théoriques, ici renommées sous les intitulés « expérience matérielle » et « expérience cognitive ». Cette proposition de catégorisation permet donc surtout de se retrouver conceptuellement parmi les différents types d’expérience de nature existants.

D’autres auteurs proposent des cadres différents. Par exemple, Soga et Gaston (2020) identifient huit formes d’expériences de nature différentes. Celles-ci apparaissent en combinant trois critères :

  • un sens étroit ou large de la nature — comme nous l’avons expliqué précédemment ;
  • la période de l’enfance ou du reste de la vie ;
  • et une distinction entre les simples « interactions » et les véritables « expériences » — comme évoqué auparavant également.

Contenant davantage de types que la catégorisation d’Ives et al., celle-ci peut paraître plus proche de la complexité du concept d’extinction de l’expérience. Pourtant, elle est peut-être également plus subjective et sujette à de forts recouvrements.

Huit formes d’expérience de la nature (Soga & Gaston, 2020).

Il est donc possible de caractériser les différents types d’expériences de nature. Néanmoins, les grilles de lecture proposées ne contiennent pas l’ensemble des nuances que nous avons identifiées jusqu’à présent dans ce travail. Les auteurs en sont d’ailleurs conscients et ils invitent généralement à rendre le concept plus robuste, « de sorte que même lorsqu’il n’est pas appliqué de manière totalement cohérente, les différences soient évidentes » (Soga & Gaston, 2020, p. 5).

Références de l’article

Alvarsson, J. J., Wiens, S., & Nilsson, M. E. (2010). Stress Recovery during Exposure to Nature Sound and Environmental Noise. International Journal of Environmental Research and Public Health, 7(3), 1036‑1046.

Ay, N., & Löhr, W. (2015). The Umwelt of an Embodied Agent. A Measure-Theoretic Definition. Theory in Biosciences, 134(3‑4), 16.

Berns, G. N., & Simpson, S. (2009). Outdoor Recreation Participation and Environmental Concern : a Research Summary. Journal of Experiential Education, 32(1), 79‑91.

Bishop, I. D., & Rohrmann, B. (2003). Subjective responses to simulated and real environments : a comparison. Landscape and Urban Planning, 65(4), 261‑277.

Carles, J. L., Barrio, I. L., & de Lucio, J. V. (1999). Sound influence on landscape values. Landscape and Urban Planning, 43(4), 191‑200.

Cerclet, D. (2014). Marcel Jousse : à la croisée de l’anthropologie et des neurosciences, le rythme des corps. Parcours anthropologiques, 9, 24‑38.

Cheng, W.-W., Lin, C.-T., Chu, F.-H., Chang, S.-T., & Wang, S.-Y. (2009). Neuropharmacological activities of phytoncide released from Cryptomeria japonica. Journal of Wood Science, 55(1), 27‑31.

Clavel, J. (2017). Expériences de Natures, investir l’écosomatique. In Le souci de la nature. Apprendre, inventer, gouverner (p. 257‑269). CNRS.

Clavel, J., Huellec, A.-G., & Takegami, P. M. (2017). De l’observation à la danse, incorporation de l’altérité animale. L’atelier la Ménagerie en Mouvement. 111.

Cools, R., Roberts, A. C., & Robbins, T. W. (2008). Serotoninergic regulation of emotional and behavioural control processes. Trends in Cognitive Sciences, 12(1), 31‑40.

DelSesto, M. (2019). People–plant interactions and the ecological self. PLANTS, PEOPLE, PLANET, 2(3), 201‑211.

Doty, R. L. (1986). Odor-guided behavior in mammals. Experientia, 42(3), 257‑271.

Fleury, C., & Prévot-Julliard, A.-C. (2017). De nouvelles expériences de nature pour une nouvelle société ? In Le souci de la nature. Apprendre, inventer, gouverner (p. 9‑22). CNRS.

Franco, L. S., Shanahan, D. F., & Fuller, R. A. (2017). A Review of the Benefits of Nature Experiences : More Than Meets the Eye. International Journal of Environmental Research and Public Health, 14(8), 29.

Goldstein, N., & Arshavskaya, T. V. (1997). Is atmospheric superoxide vitally necessary? Accelerated death of animals in a quasi-neutral electric atmosphere. Zeitschrift Fur Naturforschung. C, Journal of Biosciences, 52(5‑6), 396‑404.

Hanna, T. (1976). The field of somatics. Somatics, 1(1), 30‑34.

Hawkins, L. H. (1981). The influence of air ions, temperature and humidity on subjective wellbeing and comfort. Journal of Environmental Psychology, 1(4), 279‑292.

Hawthorne, M., & Alabaster, T. (1999). Citizen 2000 : development of a model of environmental citizenship. Global Environmental Change, 9(1), 25‑43.

Ives, C. D., Abson, D. J., von Wehrden, H., Dorninger, C., Klaniecki, K., & Fischer, J. (2018). Reconnecting with nature for sustainability. Sustainability Science, 13(5), 1389‑1397.

Ives, C. D., Giusti, M., Fischer, J., Abson, D. J., Klaniecki, K., Dorninger, C., Laudan, J., Barthel, S., Abernethy, P., Martin-Lopez, B., Raymond, C. M., Kendal, D., & von Wehrden, H. (2017). Human-nature connection : a multidisciplinary review. Current Opinion in Environmental Sustainability, 26‑27, 106‑113.

Jayaratne, E. R., Ling, X., & Morawska, L. (2011). Role of vegetation in enhancing radon concentration and ion production in the atmosphere. Environmental Science & Technology, 45(15), 32.

Jeannel, A. (2019, mars 14). Cognitivisme et Enaction : Quelles conséquences pratiques ? Educavox.

Jordania, J. (2008). Music and Emotion : humming in the Beginnings of Human History. In The Fourth International Symposium on Traditional Polyphony, Tbilisi, Georgia, ed R. Tsurtsumia (p. 41‑49). Nova Science.

Kellert, S. R., & Wilson, E. O. (1993). The Biophilia Hypothesis. Island Press.

Kjellgren, A., & Buhrkall, H. (2010). A comparison of the restorative effect of a natural environment with that of a simulated natural environment. Journal of Environmental Psychology, 30(4), 464‑472.

Lalande, A. (2018). Vocabulaire technique et critique de la philosophie (Société française de philosophie, Éd.). Presses universitaires de France.

Lehrner, J., Eckersberger, C., Walla, P., Pötsch, G., & Deecke, L. (2000). Ambient odor of orange in a dental office reduces anxiety and improves mood in female patients. Physiology & Behavior, 71(1), 83‑86.

Li, Q. (2010). Effect of forest bathing trips on human immune function. Environmental Health and Preventive Medicine, 15(1), 9‑17.

Li, Q., Nakadai, A., Matsushima, H., Miyazaki, Y., Krensky, A. M., Kawada, T., & Morimoto, K. (2006). Phytoncides (Wood Essential Oils) Induce Human Natural Killer Cell Activity. Immunopharmacology and Immunotoxicology, 28(2), 319‑333.

Lorig, T. S., Herman, K. B., Schwartz, G. E., & Cain, W. S. (1990). EEG activity during administration of low-concentration odors. Bulletin of the Psychonomic Society, 28(5), 405‑408.

Maris, V., & Lacroix, A. (2021). L’homme face au sauvage. In Penser le vivant (p. 43‑48). Le Nouvel Observateur.

Matthews, D. M., & Jenks, S. M. (2013). Ingestion of Mycobacterium vaccae decreases anxiety-related behavior and improves learning in mice. Behavioural Processes, 96, 27‑35.

Nakane, H., Asami, O., Yamada, Y., & Ohira, H. (2002). Effect of negative air ions on computer operation, anxiety and salivary chromogranin A-like immunoreactivity. International Journal of Psychophysiology: Official Journal of the International Organization of Psychophysiology, 46(1), 85‑89.

Nijholt, A., Dijk, E. O., Lemmens, P. M. C., Luitjens (eds, S., Elektrotechniek, F., Informatica, W. E., Orders, B., Bijron, M. C., & Preface, E. (2010). Audio-tactile stimuli to improve health and well-being : a preliminary position paper. EuroHaptics, 1, 10.

Pijanowski, B. C., Farina, A., Gage, S. H., Dumyahn, S. L., & Krause, B. L. (2011). What is soundscape ecology ? An introduction and overview of an emerging new science. Landscape Ecology, 26(9), 1213‑1232.

Prevot, A.-C., Servais, V., & Piron, A. (2016). Scientist and non-scientists share a diversity of dimensions in their relations to urban nature. Urban Ecosystems, 19, 1787‑1799.

Rook, G. a. W., Raison, C. L., & Lowry, C. A. (2014). Microbial « old friends », immunoregulation and socioeconomic status. Clinical and Experimental Immunology, 177(1), 1‑12.

Rosa, C. D., & Collado, S. (2019). Experiences in Nature and Environmental Attitudes and Behaviors : setting the Ground for Future Research. Frontiers in Psychology, 10(763), 9.

Shiloh, S., Sorek†, G., & Terkel, J. (2003). Reduction of State-Anxiety by Petting Animals in a Controlled Laboratory Experiment. Anxiety, Stress, & Coping, 16(4), 387‑395.

Soga, M., & Gaston, K. J. (2016). Extinction of experience : the loss of human–nature interactions. Frontiers in Ecology and the Environment, 14(2), 94‑101.

Soga, M., & Gaston, K. J. (2020). Extinction of experience : the need to be more specific. People and Nature, 2(3), 575‑581.

Treffel, R. (2015, décembre 31). La méthode expérimentale de Claude Bernard. 1000 idées de culture générale.

Uexküll, J. von. (2004). Mondes animaux et monde humain : suivi de Théorie de la signification. Pocket.

Varela, F. J., Thompson, E., & Rosch, E. (2017). The Embodied Mind, revised edition : Cognitive Science and Human Experience. MIT Press.

Yang, W., & Kang, J. (2005). Soundscape and Sound Preferences in Urban Squares : A Case Study in Sheffield. Journal of Urban Design, 10(1), 61‑80.

--

--

éléonore sas
Luciole : design et non-humains

UX designer et doctorante en géographie (La Rochelle Université-CNRS), je cherche à déconstruire/changer le rapport humain-nature occidental via un jeu sérieux.