Chapitre 2 : Muscler l’agronomie

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Agricool
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12 min readMay 22, 2017

À suivre : chaque semaine un nouveau chapitre de l’histoire d’Agricool

Dans le chapitre précédent : Guillaume et Gonzague, deux fils d’agriculteurs déçus par la qualité des fruits et légumes qu’ils trouvent en ville, décident de changer les choses. Leur but : montrer qu’il est possible de cultiver de façon responsable des fruits et légumes excellents, sans pesticides et accessibles à tous. Le pari est osé mais les premiers tests réalisés sont prometteurs. Ils transforment un container maritime recyclé et produisent à l’intérieur des fraises excellentes. Ce premier prototype est posé à Bercy fin 2015.

Le premier Cooltainer dans le parc de Bercy

Tout pour la plante

Pour montrer que leur projet est viable, Gonzague et Guillaume doivent augmenter la quantité produite par Cooltainer. Et le challenge est de taille. Ils ont besoin de perfectionner leur technologie sur trois points fondamentaux : l’agronomie, l’ingénierie et l’autonomie. Ils savent qu’ils doivent désormais s’entourer de véritables spécialistes.

Pour réussir leur pari, il est indispensable d’apporter à la plante tout ce dont elle a besoin. C’est uniquement comme ça qu’ils pourront produire les meilleurs fruits. Quel substrat utiliser ? Quels nutriments apporter ? Quelle lumière choisir ? Autant de challenges auxquels le premier responsable agronome devra apporter des solutions.

L’arrivée de Guillaume, premier salarié d’Agricool

Du temps où il était étudiant, Gonzague avait croisé la route de Guillaume Beaudoin. Ils ont encore quelques connaissances communes et c’est comme ça qu’en août 2015, Guillaume entend parler d’Agricool. Il ne comprend pas très bien où ils veulent aller mais il reste très intrigué par le projet. En décembre 2015, il décide de reprendre contact avec Gonzague. C’est à Bercy qu’ils se donnent rendez-vous. De son côté, Gonzague est un peu sceptique et tellement concentré sur son projet qu’il se demande si ce n’est pas une perte de temps. Une fois dans le container, c’est une explosion d’idées et de réflexions de la part de Guillaume. Gonzague est bluffé et le restera pendant tout le processus de recrutement. Guillaume envoie un exercice de 15 pages avec un travail excellent et en plus quelques bonus. Il a définitivement l’air d’en avoir sous la pédale. L’entretien passionnant de 4h à The Family vient conforter les fondateurs. Guillaume rejoint l’équipe en Janvier 2016.

L’exercice de Guillaume Beaudoin durant son processus de recrutement

Ingénieur agronome de formation, il est passionné par l’agriculture. C’est un vrai gaillard solide avec une âme de rêveur. Il n’a pas peur de mettre les mains dans le cambouis et d’affronter les problèmes un par un sans se décourager. Sa bonne humeur semble inaltérable. Il veut changer les choses. Aucun doute, il est totalement en phase avec Guillaume et Gonzague : “il faut réinventer l’Agriculture. Le plus tôt sera le mieux”.

Guillaume Beaudoin

Avant d’arriver chez Agricool, il s’intéressait plus à l’environnement qu’à l’agronomie proprement dite : « la façon dont l’agriculture est enseignée est très conventionnelle. Tout est calibré. On sait, par exemple, comment il faut rationner l’alimentation d’une vache pour qu’elle produise tant de litres de lait. On le sait. C’est comme ça. Je me suis toujours demandé comment nous avions pu en arriver là. Comment on a pu autant standardiser la nature ! ». Il part faire de la recherche en Hollande, en Indonésie puis à Paris.

Guillaume Beaudoin en Indonésie

Ces missions lui plaisent mais ne lui suffisent pas. Faire de la recherche, c’est pointer des problèmes du doigt sans pour autant les résoudre. Lui, il veut être acteur et proposer des solutions. Ça tombe bien, sa mission chez Agricool est de tout mettre en oeuvre pour que les plantes délivrent les meilleures fraises : belles et sucrées, avec du goût, autant de qualités aujourd’hui oubliées.

A son arrivée il donne un vrai coup de boost au projet. Il met en place toute l’installation, tout seul, dans les sous-sol de The Family. Guillaume, fondateur d’Agricool, se rappelle encore la première plantation : “On a préparé les zones un soir et ça a mis plus de temps que prévu. A 2h du matin on avait enfin fini, je n’en pouvais plus, et là Guillaume me dit : “Je passerais bien un petit coup de Javel pour que cela soit vraiment nickel nickel pour demain”. Ce premier recrutement est un succès. Guillaume est exigeant, guerrier, et maniaque.

Les 2 (premiers) Guillaume

La première levée de fond

En parallèle, Guillaume (CEO) se met à la recherche de fonds pour financer l’accélération. Le projet est ambitieux, la recherche et le développement coûteux, ils ont besoin de soutiens. The Family va les accompagner dans ce processus. Ils les aident à boucler 500 000 € “en seed” (comme on dit dans le jargon startup) auprès de Business Angels.

Le premier contact avec Oussama Ammar et un souvenir bien marqué dans la mémoire d’Agricool

Une levée rapide, sans paperasse grâce au système AIR (Accords d’Investissement Rapide) mis en place par The Family . Ce dernier est largement inspiré du modèle “Safe” lancé par Y-Combinator à San Francisco.

L’objectif est de permettre à une startup de lever rapidement des fonds auprès d’un ou plusieurs investisseurs avec un minimum de formalités et sans avoir à buter sur la question de la valorisation. Dans ce type de levée, l’investisseur ne devient pas immédiatement actionnaire. Son entrée au capital est différée à la survenance d’un événement ultérieur, que ce soit un tour de financement ou un événement de liquidité.

L’entreprise étant à un stade trop précoce pour évaluer avec pertinence sa valeur et le niveau de sécurité requis pour l’investissement, il y a un avantage indéniable à pouvoir différer la question de la valorisation. L’investisseur AIR sera récompensé du risque pris à investir early stage en bénéficiant d’une décote de prix par rapport aux conditions du premier tour.

Toute la valeur ajoutée et la singularité de The Family sont bien résumées dans cette démarche. Pour « la famille » ils font tout leur possible. Ils ouvrent des portes, facilitent, assouplissent, poussent… tout pour que les équipes se concentrent sur leur vision et leur produit.

Autre exemple, quand les deux fondateurs s’inquiètent sur la possibilité de trouver des emplacements dans les villes pour installer leurs containers, Oussama Ammar leur répond : «Ne vous inquiétez pas pour ça. Si vous avez de la traction, vous aurez des emplacements. Vous pouvez en être sûrs ! » Guillaume contacte plusieurs personnes et, en quelques heures, Agricool obtient 12 emplacements. Le bouche à oreille a rapidement fonctionné et Guillaume a même dû décliner les offres car son objectif n’était à ce stade que de tester les possibilités.

Oussama Ammar dans le premier Cootlainer

Augmenter la production de tests

Un Cooltainer ne permet de tester qu’une seule chose à la fois : soit la température, soit une lumière, soit une variété de fraise… Le cycle de la fraise est de deux mois et demi. Ce serait beaucoup trop long d’attendre à chaque fois la fin du test pour recueillir les résultats, tirer les conclusions et itérer. Il faut donc pouvoir tester en petit ce qui sera reproduit demain grandeur nature.

Leur premier laboratoire : le Cavelab

Ils décident de faire de la culture sous tentes, sauf qu’ils n’ont pas de locaux. Là encore, The Family fait la différence. Oussama Ammar leur dit : “vous avez la cave de The Family pour faire vos tests”. Le premier laboratoire de tests d’Agricool est né. Nom de code en interne : le Cavelab tout simplement.

La cave de The Family prêtée par Alice Zagury et Oussama Ammar

Ils logent des chambres de culture sous des tentes. Guillaume Beaudoin s’occupe de toute l’installation : branchements électriques, construction des structures en bois, système d’irrigation, montage des tentes, installation des cuves… Tout est livré chez The Family, avec, parfois, 10 livraisons par jour. Des mètres cubes de bois sont déposés devant le 25 rue du Petit Musc à Paris. Pendant certains de ses talks, Oussama doit s’interrompre pour demander à Guillaume d’arrêter sa scie sauteuse… La cave est inondée à plusieurs reprises. La scène est surréaliste : 10 tentes de culture dans une cave voûtée en plein Paris. Il y a de quoi avoir des doutes. Tout ceux qui passent par The Family se demandent s’ils ne font pas pousser du cannabis dans leur cave… Mais en 5 semaines, tout est opérationnel. Grâce à sa polyvalence et son enthousiasme, Guillaume a réussi un petit exploit : les cultures de test sont lancées !

Guillaume, l’agronome, installant les tentes de culture

Les premiers résultats ne sont pas bons. Les conditions dans la cave sont loin d’être optimales. Le climat est impossible à gérer sous des tentes. Le température varie sans arrêt. La cave est impossible à ventiler. Parfois la température monte jusqu’à 34 degrés à cause des lumières. Les fraises mûrissent trop vite. Le fraisier est, en effet, une plante de printemps qui aime les températures fraîches. “Sans compter qu’il fallait se battre contre le chat de The Family qui venait faire ses besoins derrière nos tentes” tempête Gonzague, le sourire aux lèvres.

Les LEDs

Mais le plus gros défi de Guillaume, l’agronome, reste la lumière. Il va vivre un véritable baptême du feu dans le Cavelab. Comment reproduire au mieux la lumière idéale pour le fraisier ? Pour quelle LED opter ? Aujourd’hui encore, l’équipe ne cesse d’améliorer et de faire progresser le système.

L’arrivée de Viviane en renfort

Pour aider Guillaume dans ce titanesque chantier, Agricool recrute sa première stagiaire : Viviane. Elle est en dernière année d’école d’Agronomie et doit accomplir un stage de fin d’études de 6 mois. Elle découvre l’annonce d’Agricool qui lui paraît totalement bidon : “ L’annonce paraissait complètement fake. Des smileys partout et un salaire à 1 000 euros / mois alors qu’en général, un stagiaire en agronomie est plutôt payé 500 euros / mois. Je me suis dis que je n’avais rien à perdre à tenter le coup”. Et ça marche. Guillaume Fourdinier, la rappelle, la rencontre et lui fait visiter le Cooltainer de Bercy. Elle est décontenancée. La rencontre se fait dans un bar et rien ne fonctionne dans le Cooltainer. Elle ne s’attendait pas à cela et pourtant elle adore la vision que Guillaume lui expose et a très envie de participer au projet. Elle rejoint l’aventure en tant que chargée de l’amélioration de la qualité des fraises.

L’arrivée de Viviane dans l’équipe Agricool

Viviane se rappellera longtemps de sa première journée de travail. Elle arrive à 8h30 et fait des mesures sur 1000 plants jusqu’à 20h30 dans une cave de 40 m2. Elle n’en peut plus. Il n’y a aucune méthodologie mais elle comprend très vite ce qu’elle va pouvoir apporter à la startup. Il faut normer, processer les batteries de tests. Tout est à faire. Sa marge de manoeuvre et ses responsabilités sont énormes. Elle s’impose une quantité de travail phénoménale pour devenir autonome rapidement. Les journées sont longues car il faut apprendre en même temps qu’on exécute. Aucun doute, Agricool est bien une startup : chacun se responsabilise pour pouvoir délivrer coûte que coûte. Tous apprennent sur le tas.

Être focus

Ils travaillent tout le temps chez The Family. Avec les nombreux événements organisés et les multiples passages, il n’est pas évident de trouver la concentration. L’équipe s’agrandit au fur et à mesure et ils se disent que ça serait idéal s’ils pouvaient avoir un petit bureau pour travailler tous ensemble au calme. De plus, Guillaume Fourdinier habite Rouen, Gonzague à Lille, Guillaume Beaudoin à Arras, Benjamin à Londres. Ils perdent beaucoup de temps dans les trajets. Ils squattent chez des amis ou de la famille à Paris.

Une conférence de Jean de La Rochebrochard à The Family interrompue pour une livraison de colonnes pour Agricool.

Plutôt que de dilapider leur argent dans trois appartements différents et la location d’un bureau, ils décident d’emménager tous les trois dans un appartement qui fera également office de bureau. Mais trouver un appartement de 100 m2 à Paris dans un délai très court pour de jeunes entrepreneurs de 25 ans, c’est une opération difficile. Toute la débrouillardise d’Agricool fera une fois de plus la différence. Ils vont trouver très facilement. Ils décident de contacter 100 propriétaires sur Airbnb en disant qu’ils sont intéressés pour louer l’appartement. Sur ceux qui répondent favorablement, ils leur proposent de passer en direct. Beaucoup de propriétaires en ont marre des commissions prélevées par Airbnb et ils trouvent en moins de deux semaines un petit appartement rue de la Roquette à 5 minutes à pieds de The Family et 20 minutes à pieds du container de Bercy. Chacun à sa chambre avec un bureau pour pouvoir s’isoler et travailler au calme. Ils font leur réunion dans le salon. Ils travaillent ensemble, mangent ensemble, vivent ensemble.

Ca leur permet d’être focus sur le projet Agricool : « on avançait 1 000 fois plus vite ! » témoigne Guillaume. Les horaires sont énormes. Seul moment de détente de la journée : une ou deux petites bières le soir au Bootleg, le bar d’à côté. C’est l’occasion pour eux de nouer des liens forts : « travailler et vivre dans le même appartement a permis de construire très tôt une culture Agricool très forte. C’est indispensable sur ce type de projet » précise Guillaume. Le noyau dur d’Agricool est en train de se former.

L’appartement

Guillaume et Gonzague comprennent très vite l’importance d’avoir une culture d’entreprise forte et donc le soin qu’ils doivent apporter à leurs recrutements. En effet, dans les premiers mois, ils décident de recruter un COO expérimenté pour faire avancer plus rapidement Agricool. Benjamin a 45 ans à l’époque et il travaille à Londres. Son quotidien c’est de sauver des sociétés en situation critique. En 20 ans il en a sauvé 9 ! Il procède toujours de la même manière : il arrive et écoute attentivement pendant 3 mois sans parler. Il s’immerge et apprend dans tous les détails les rouages du marché, des concurrents, de l’entreprise, et surtout le fonctionnement des équipes (entre 20 et 600 personnes). Une fois qu’il s’est bien imprégné de l’entreprise, il agit en profondeur sur le terrain pour solutionner chaque détail défaillant de l’entreprise. Une fois l’entreprise redressée, il recrute et forme un nouveau CEO.

Guillaume, Benjamin, Guillaume et Gonzague

Il a le profil parfait pour devenir le COO d’Agricool. Et pourtant les choses ne vont pas se passer comme prévues. Benjamin gagnait bien sa vie dans son activité précédente. Agricool est encore une petite structure et ne peut donc pas lui offrir un salaire au même niveau. Guillaume, Gonzague et Benjamin se mettent d’accord. Ils font un test pendant 3 mois, si le fit humain est là, ils parleront d’un pourcentage sur les parts. Mais, après quelques mois, l’effet “waouh” tant attendu, n’arrive pas. Benjamin remplit sa mission mais sans plus. Il ne fait pas d’étincelles et ne propose pas de solutions incroyables. Le niveau d’exigence de Guillaume et Gonzague est élevé. Ils ont déjà investi beaucoup de temps sur ce projet et savent où ils veulent l’emmener. Guillaume et Gonzague décident de se séparer de Benjamin à la fin de la période d’essai. La collaboration se terminera dans la douleur. Guillaume explique : « Nous avons été assez maladroits je pense car nous avons attendu le dernier moment pour lui parler de nos doutes et de ce qui n’allait pas. Nous aurions dû en discuter avant et tenter de trouver des solutions bien en amont. Je crois aussi que la structure était encore trop jeune pour recruter un profil comme Benjamin. Nous pouvions encore nous occuper des opérations. ».

Aujourd’hui, ils sont beaucoup plus attentifs sur le sujet. Si, 15 jours après un recrutement, ils ne sentent pas une légitimité chez le nouveau collaborateur, ils font un point rapidement pour voir ce qu’il est possible d’améliorer et tenter de faire évoluer la personne. A chaque étape, ils discutent et voient comment améliorer les choses. Si il n’y a pas de progrès, ils n’attendent pas la fin de la période d’essai pour arrêter. L’inverse fonctionne aussi. Si ça se passe bien, ils valident la période d’essai en avance. Tout est fait avec franchise et c’est, de ce fait, beaucoup moins douloureux pour le collaborateur.

A suivre dès la semaine prochaine → Chapitre 3: recruter les meilleurs et accélérer

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