Chapitre 4 : Voir plus grand et plus loin
À suivre : chaque semaine un nouveau chapitre de l’histoire d’Agricool
Dans le chapitre précédent : Depuis un an, Guillaume et Gonzague, les deux fondateurs d’Agricool, entendent prouver qu’il est possible de produire en ville des fruits et légumes excellents, sans pesticide et accessibles à tous. Et justement, une solution idéale semble se dessiner à l’horizon : les Cooltainers. L’idée est de transformer cet espace en paradis pour fruits et légumes. Ils mettent sur pied leur premier prototype et l’installent aussitôt à Bercy, en plein coeur de Paris. A partir de ce moment, tout s’accélère : premiers recrutements, lancement d’une vraie phase de recherche et développement, emménagement dans de nouveaux locaux. Il faut maintenant faire grandir les équipes, les locaux et accélérer l’optimisation de la solution.
- Chapitre 1 : Prouver que c’est possible
- Chapitre 2 : Muscler l’agronomie
- Chapitre 3 : Recruter les meilleurs pour accélérer
- Chapitre 4 : Voir plus grand et plus loin
- Chapitre 5 : Trouver des investisseurs qui partagent la même vision
- Chapitre 6 : Derniers réglages avant mise à feu
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Le Coplab
Plus de zones de tests signifie plus de résultats et donc un développement accéléré de la technologie Agricool. Pour cela ils ont besoin de plus d’espace pour installer de nouvelles tentes de culture. Ce sont des petites chambres spécialement conçues pour la culture de plantes en intérieur. Elles leur permettent de recréer des microclimats favorables pour les fraisiers. En avril 2016, ils se mettent donc à la recherche d’un nouveau local plus adapté aux avancées d’Agricool. Guillaume arrive à trouver le contact à la Mairie de Paris d’une personne ayant un espace de 300 m2 dans le 20ème arrondissement. Après quelques recherches, il se rend compte que le bâtiment n’était presque plus utilisé et devait être détruit 1 an plus tard. Du coup il joue la dessus, présente son projet, et arrive à négocier un tarif très avantageux. Ils prennent un étage entier qui comprenait à l’origine des bureaux et des locaux de stockage. Enfin un vrai espace avec une surface correcte et une bonne hauteur sous plafond.
Le nouveau lieu est baptisé « le Coplab », tout simplement parce que l’étage supérieur abrite une équipe de police. “Au départ, les policiers étaient curieux de nous car on se baladait avec des leds, des tentes. Ils se demandaient si nous n’étions pas en train de cultiver du cannabis juste à l’étage d’en dessous ! ” raconte Gonzague. À cette époque, le Cavelab et le Cooltainer de Bercy continuent à tourner en parallèle.
Will vient de rejoindre l’équipe Agricool en tant que ingénieur. Il prend en charge toute l’installation. Le Coplab à son arrivée n’est qu’une grande pièce vide. Il doit tout faire de A à Z. Il a peu de temps. 3 mois exactement pour préparer le laboratoire et obtenir les premiers résultats agronomiques en vue de la construction du Cooltainer v1.1 chez le prestataire lillois. A cette époque ils sont 8 dans l’équipe : Georges, Gonzague, Pierre-Frédéric, Guillaume, Paul-Hector, Omar (stagiaire agronome), Viviane et Will, le seul en ingénierie.
Pour l’aider dans ce chantier, il fait appel à une autre startup de The Family : Bricool, qui lui trouve un bricoleur pour l’épauler dans cette tâche. En une semaine il commande plus de 10 000 pièces pour un total d’environ 30 000 euros d’achat (sans compter les leds). La première levée de 500 000 euros réalisée quelques mois plus tôt tarde à arriver sur le compte d’Agricool. Ils ne peuvent pas attendre et font les fonds de tiroirs pour trouver l’argent nécessaire. Ils doivent lancer ces zones de tests au plus vite.
Will est, selon ses collègues, pointilleux et perfectionniste. Il aime le travail propre et bien fait. Il écrit par exemple ses documents Word avec l’outil LateX, un système vectoriel de mise en page pour avoir tout le texte sans aucun décalage. Il a également une méthode de travail et une organisation uniques. Un article la décrivant a d’ailleurs été publié sur le compte Agricool il y a peu : “Organiser pour décoller”.
Quand Will avait découvert les premières tentes mises en place par Georges au Cavelab, il avait fait une petite grimace. Georges, malgré sa bonne volonté, n’est ni ingénieur dans le BTP ni architecte. Will repense donc tout avec méthode et précision. Il doit mettre en place les zone de cultures, les leds, les structures pour les colonnes, l’alimentation en eau, l’alimentation électrique… En résumé, il doit réussir à transformer une zone de bureaux en une zone de R&D.
Aidé par l’équipe, il utilise toute son ingéniosité pour adapter le laboratoire à l’environnement. Par exemple, il est impossible de climatiser 300 m2. Il faut réfléchir à un système D. La salle est grande et la hauteur sous plafond est de 7 mètres. De grandes baies vitrées promettent un effet serre pendant l’été. C’est inenvisageable. Will décide d’isoler toutes les fenêtres de la façade sud avec du film réfléchissant. Il garde la façade nord ouverte et installe des ventilateurs devant chaque fenêtre pour apporter de l’air frais dans le Coplab.
Il y a également, au niveau du rez-de-jardin une petite salle de 80 m2. C’était en fait plutôt un sous-sol qu’ils appelleront d’ailleurs le “cave 2.0” en référence au Cavelab de The Family dont il est le transfuge. A partir de juin 2016, ils décident d’y rapatrier toutes les tentes de culture qu’ils avaient installé à The Family. Objectif : centraliser les équipes au maximum. C’est indispensable pour avancer vite et dans la même direction. Pendant 2 ou 3 jours, ils rapatrient toutes les tentes, leds, pompes à eau… multipliant les allers / retours dans les escaliers de The Family et perturbant au passage quelques conférences se déroulant dans la grande salle.
Jusqu’à maintenant, le monitoring des remontées de datas de culture était assuré par la startup Hackerloop. Cette solution certes rapide et souple à mettre en place, n’est plus assez poussée pour les besoins de la startup. Ils décident donc d’abandonner Hackerloop et de recruter une personne en interne pendant quelques mois afin de développer une technologie répondant entièrement aux besoins d’Agricool. Ils travaillent notamment sur un système de détection de fuites. S’ils observent un rythme d’irrigation anormal pendant une certaine durée, ils interviennent. C’est le début du pilotage du Cooltainer.
Paul-Hector, l’horticulteur !
En avril, l’équipe d’Agricool s’enrichit d’une pièce maîtresse : Paul-Hector. Il rentre tout juste de Hollande où il a passé un diplôme d’ingénieur en horticulture spécialisé dans la culture des serres. Il rejoint l’aventure en tant que stagiaire et responsable de la zone de test du Cavelab.
Grâce à sa curiosité, sa pro-activité, son pragmatisme et son efficacité, il deviendra, quelques mois plus tard, responsable de l’innovation. Son travail se situe en amont des tests pour optimiser les températures, les substrats, les systèmes d’irrigation… Il potasse, discute avec des experts et teste de nouvelles méthodes. L’équipe est ainsi en train d’inventer un nouveau système d’agriculture. Paul-Hector se souvient : “souvent au début, j’appelais des experts pour leur demander leur avis sur tel ou tel point. Beaucoup me prenaient un peu de haut en me disant que ce n’était pas la peine d’essayer car c’était impossible. Je n’aimais pas ce genre de réponse alors j’insistais, je creusais jusqu’à y arriver. Quand je les rappelais pour leur dire que j’avais réussi, ils n’en revenaient pas et me demandaient s’ils pouvaient venir voir ça de leurs propres yeux. Ce que j’acceptais bien volontiers ”.
Vers de nouveaux substrats
Paul-Hector commence par travailler sur la plante. La première étape ? Trouver le meilleur substrat. C’est le matériau qui vient remplacer la terre dans le système développé par Agricool. Le substrat a deux objectifs : tenir le plant, lui fournir de façon optimale l’ensemble des nutriments et de l’eau dont il a besoin. Une des plus grosses problématiques est donc d’être capable de gérer l’homogénéité sur un mur végétal. Beaucoup de substrats classiques ne fonctionnent pas. Il s’agit donc de trouver la meilleure option. Pour avancer la dessus il étudie tout : le besoin en eau, la physique de rétention de l’eau dans les substrats, les nutriments, le développement racinaire… Paul-Hector est un curieux. Il lit beaucoup et observe ce que font les autres. Il s’inspire des meilleurs. Il suit de près les dernières publications scientifiques puis teste et adapte. C’est sa façon de fonctionner. Il explique : « J’aime voir ce qui existe, comprendre pourquoi c’est fait comme ça, comprendre la démarche de ceux qui l’ont mis en place et l’adapter à notre besoin. »
Cette méthodologie l’amène à tester des dizaines de substrats organiques et inorganiques différents, des centaines de matériaux préconisés pour la culture verticale, des milliers de paramètres différents. Très rapidement, les résultats qu’il obtient sont bons. Ils sont même très encourageants.
Nouveau système d’irrigation
Paul-Hector s’attaque également à un sujet clé : l’irrigation. Pour chaque substrat il y un système d’irrigation adéquat. Gonzague et Guillaume avaient mis en place un système classique de goutte à goutte. Ce système n’est pas optimal pour l’hydroponie telle que la développe désormais Agricool. D’abord parce que le système goutte à goutte est fait pour économiser de l’eau. Agricool n’est pas exposé à cette contrainte puisqu’ils récupèrent et filtrent l’eau pour la réutiliser en circuit fermé. D’autre part parce que ce système permet à la goutte d’eau de pénétrer dans la terre et de se diffuser lentement tout au long des racines. Dans le cas d’une culture hors sol, la goutte tombe sans avoir le temps de se diffuser et en suivant un seul chemin rendant le développement racinaire mauvais. Il teste plein de façons d’irriguer pour maximiser l’apport en eau et nutriments dans tout le mur végétal. Après de nombreux tests, il parvient à trouver une solution adaptée.
Il cherche à jouer aussi avec les rythmes d’irrigation. Il repousse les limites de la plante. Il veut trouver le moment où elle peut assimiler le plus de nutriments sans être en déficit d’eau. De la véritable horlogerie agricole.
Le 27 juin, une nouvelle recrue de taille rejoint l’équipe : Fanny. Pendant l’entretien elle montre une force de caractère impressionnante, une détermination à toute épreuve, et une passion sans faille pour le projet. Après une expérience professionnelle peu concluante dans une chaîne de fast food, Agricool est pour elle un véritable nouveau souffle. Guillaume se souvient encore très bien de l’entretien “Il y avait une détermination telle, que le souvenir est resté gravé dans ma mémoire. Je me suis clairement dit : “Fanny ne lâchera jamais rien, il faut lui donner sa chance.”” Elle démarre chez Agricool en tant qu’opératrice agricole. Les résultats sont à la hauteur du challenge. Les rendements s’améliorent et les récoltes sont à chaque fois meilleures. Les fraises sont plus sucrées et plus belles.. Le rôle de Fanny est essentiel : elle plante, récolte, entretient les cultures, fait remonter les problèmes. Elle pèse les fruits, analyse les feuilles … Elle recueille toutes les datas qui vont ensuite servir aux analystes. Guillaume souligne d’ailleurs “Fanny est maintenant devenue manageuse de sa team d’opérateurs. Elle peut être fière d’elle et elle ira loin.”
Avec l’équipe qui est en train de se former, l’agronomie et l’ingénierie avancent très rapidement. Les résultats sont de plus en plus encourageants. Les fruits ont un goût excellent et la production devient plus régulière. Mais ils le savent, il reste encore une autoroute devant eux et des milliers de choses à améliorer. L’équipe reste motivée comme jamais et se fixe chaque jour de nouveaux challenges plus ambitieux. Il va maintenant falloir réaliser une nouvelle levée de fonds pour pouvoir passer à la vitesse supérieure.
A suivre dès la semaine prochaine → Chapitre 5: La levée de fonds
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