5 erreurs récurrentes dans la reproduction du combat médiéval au cinéma et dans la reconstitution historique

HistOuRien
6 min readOct 6, 2016

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Parfois, certaines choses qui sont représentées dans des films ou des spectacles historiques me font faire des bonds sur mon siège. Comme nous l’avions abordé dans l’article “Le Moyen Âge, entre mythes et réalités…” la caricature et les clichés sur l’époque médiévale hantent les médias. La représentation du combat ne fait pas exception. Souvent les aspects militaires liés au Moyen Âge sont associés au côté “barbare”, dans le sens bourrin, que l’on prête volontiers à cette période de l’Histoire. Nous allons passer ensemble en revue ces différents points qui m’irritent continuellement.

1. Le combat lame contre lame :

La base même du combat spectacle se trouve dans le fracas des épées qui s’affrontent. C’est justement là que réside le problème. Jamais, au Moyen Âge, l’homme d’armes n’aurait risqué délibérément de frapper son épée contre celle de l’adversaire. L’épée était une arme de prestige, très coûteuse et probablement fragile. En effet, malgré certaines exceptions, comme l’épée viking +Ulfberh+t, le fer médiéval était de qualité moyenne : il présentait des impuretés qui pouvaient le rendre cassable. Le métal des épées n’était pas aussi flexible et résistant que celui de nos épées de reconstitution modernes et ne pouvait donc pas subir les mêmes contraintes. Qui plus est, les frappes directes pouvaient endommager le tranchant de la lame. C’est pourquoi on remarque que jamais, dans les traités d’escrime médiévaux, il n’est fait mention de parade brutale mais plutôt de déviations et d’accompagnement de la lame adverse.

2. Le combat de masse éclaté en multiples affrontements individuels :

Je ne dis pas qu’au sein d’une bataille rangée il ne pouvait pas émerger des individualités qui faisaient cavalier seul. Cependant, même avec la pire mauvaise volonté du monde les combattants du Moyen Âge avaient conscience de la force que pouvait conférer le fait de faire masse pour affronter l’ennemi. L’infanterie faisait corps en serrant les rangs et affrontant l’opposant. Cela n’a rien à voir avec ce qui est, en général, représenté au cinéma et dans les spectacles. Les combats de groupe y sont représentés par des charges brutales qui finissent par une mêlée sans nom. Cette image d’anarchie, de chaos et de manque de discipline militaire, celle-là même que la propagande romaine conférait aux “barbares” ennemis de Rome, résulte, sans doute, de cette mauvaise réputation héritée de la Renaissance et qui demeure dans nos esprits liée au Moyen Âge.

3. Le lancer de bouclier :

Lieu commun de toutes les reconstitutions de combat de type arme à une main avec bouclier (ne se limitant pas à l’époque médiévale), le lancer de bouclier pour saisir son arme avec la deuxième main est clairement une hérésie. Cette scène vise souvent à rendre le héros plus badass. Cependant, dans un combat en mêlée, un combattant avec une arme courte qui n’aurait plus de défense proche serait un homme mort ou un prisonnier facile. Dans un duel (judiciaire), avoir l’ascendant sur son adversaire ne garantit pas la victoire. Dans tous les cas, il reste préférable de garder son bouclier bien en main pour faire face à toutes les situations. C’est pourquoi, jamais un combattant médiéval n’aurait abandonné son bouclier pour continuer à combattre.

4. La lame contre la cotte de mailles :

Comme je l’avais évoqué dans mon article sur “Ces jeux qui parlent d’histoire : …la cohérence entre le type de frappe, la défense et les dégâts infligés demeure, pour moi, un facteur important d’immersion. En effet, une frappe de taille portant sur une armure de plate ne peut occasionner, dans le pire des cas, que de légers dommages réels. De la même manière, il est peu réaliste qu’un coup de lame ne tranche une cotte de mailles. D’ailleurs, les occurrences qui mentionnent le contraire font davantage l’éloge de la lame ou de son porteur et mettent donc en avant le côté exceptionnel ou, du moins, rare de la chose. Effectivement, comme nous en avions étudié la composition précédemment, la cotte est constituée au Moyen Âge de nombreux anneaux rivetés qui ne peuvent être tranchés si facilement. Qui plus est, il faut souligner que ces anneaux enchevêtrés forment une protection flexible qui répartit la force de la frappe sur une surface plus grande. Le choc est alors absorbé par le gambison porté sous la maille. Aucune coupure ne peut donc traverser la maille. Seules les frappes contondantes ou les coups d’estoc peuvent avoir un impact sur le porteur. Les unes en écrasant la protection et en broyant ce qu’il y a en-dessous. Les autres en passant entre les anneaux et en les forçant pour traverser l’armure. Cet état de fait est souvent omis par les metteurs en scène du cinéma. Ces derniers nous présentent souvent des personnages tranchant dans des combattants armés de mailles comme si ceux-ci ne portaient que de simples vêtements de tissu. Dans la reconstitution, par contre, cet oubli est volontaire et est une question de sécurité pour les participants.

5. La charge de cavalerie dévastatrice

La cavalerie est un élément représentatif du Moyen Âge dans notre imaginaire collectif. C’est pourquoi elle est souvent représentée dans les films. Elle l’est très peu dans le domaine de la reconstitution car trop dangereuse à mettre en oeuvre sur le terrain. Cependant, elle est rarement bien reproduite car on met souvent l’accent sur son aspect décisif, aspect qui, dans la réalité, était tout à fait relatif. En effet, comme je l’ai précisé précédemment, le combat d’armées n’avait rien de chaotique. Les troupes formaient une masse compacte qu’il était malaisé de percer et de disperser et les fantassins du Moyen Âge portaient des armes longues (armes d’hast) et des lances conçues pour contrer la cavalerie. Dans ces conditions, une charge frontale des troupes montées n’aurait été d’aucune efficacité et aurait juste abouti au massacre de ces dernières. La cavalerie avait surtout un rôle d’appui à l’infanterie et d’unité mobile qui pouvait surprendre l’ennemi là où il ne l’attendait pas, pendant la bataille. Contre une armée organisée, la cavalerie seule ne pouvait pas grand-chose. La représentation d’une charge de cavalerie dévastatrice avançant de plusieurs mètres dans les lignes ennemies reste donc un fantasme du cinéma.

Les différents points erronés que nous venons d’aborder ensemble sont récurrents dans les médias et méritaient d’être rectifiés. Vous remarquerez qu’ils découlent tous d’une vision caricaturale et limitée de la période médiévale et d’une méconnaissance des pratiques et des matériaux représentés.

Dans la continuité de cet écrit, je consacrerai un article, par la suite, sur les erreurs présentes dans la représentation de la guerre de siège à l’époque médiévale.

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Si, comme moi, vous êtes passionnés d’Histoire militaire médiévale, vous pouvez aussi aller voir cette bibliographie non-exhaustive d’Histoire militaire médiévale.

(Image d’entête tirée du film “Kingdom of heaven” de Ridley Scott, 2005)

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