Episode 4 : S’aventurer

Lili&Julie
6 min readJul 26, 2018

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Illustration Aurélie Azevedo

Résumé des précédents épisodes : Lili et Julie, après avoir ressenti une perte de sens dans leur quotidien professionnel et affronté une période de doutes, se lancent et testent de nouvelles activités : le grand saut dans le vide. Lili délaisse quelque peu l’architecture pour animer des ateliers avec les enfants; Julie quitte le monde du journalisme pour faire ses armes dans le domaine de la communication. Mais le chemin vers la reconversion professionnelle est loin d’être linéaire, il faut accepter de s’aventurer loin des sentiers battus pour trouver ce qui fait vraiment vibrer sa boussole intérieure.

Réinventer son parcours professionnel est un voyage au long cours. Je prends conscience que l’alternative que j’ai décidé d’explorer n’est pas la panacée. Que le chemin vient en fait seulement de commencer. Décidément, il faut apprendre à aimer les détours… et les questions aussi — plus que les réponses toutes faites ou immédiates. Me voilà face à un constat : la nécessité d’ajuster régulièrement ma trajectoire pour trouver ce qui sera le plus juste pour moi dans cette étape de ma vie.

Un pas de plus pour se perdre et … on se trouve” Francis Ponge

Comment retrouver une vue claire quand tout est devenu confus ? Pour ma part, le meilleur remède consiste à cesser de foncer tête baissée, sortir du rythme effréné et prendre un peu de distance. Faire le vide et le tri dans ma vie et mes envies. Cette fois, mes doutes professionnels m’insufflent le désir de partir. Loin. Quitter avec mon amoureux mon appartement parisien, décoller avec une valise faite d’essentiels pour une parenthèse de six mois en Asie, continent pour lequel je nourris une véritable passion depuis l’enfance. Bien décidée à transformer un rêve en réalité : non pas voyager mais vivre là-bas, pour me laisser imprégner par ces cultures et atmosphères que j’aime infiniment. Il ne s’agit pas de grandes vacances, mais d’un projet de vie que je prépare durant des mois pour le financer avec mes économies. En tant que freelance, partir signifie prendre des risques. Tout quitter sans parachute ni allocations et laisser derrière soi son réseau construit au fil des années en “sortant du jeu”. J’ignore si, à mon retour, on me sollicitera encore pour des projets mais malgré ces peurs, la nécessité de vivre cette expérience est trop puissante : nous partons.

Les six mois prévus en seront finalement neuf. Neuf mois sans chercher à remplir son emploi du temps, ni ce voyage. Vivre en laissant la place à l’imprévu. Au fur et à mesure des semaines, cet “espace-temps” se révèle fertile : sans plan de vol programmé, le voyage me reconduit immanquablement vers moi, me reconnectant à mes sensations et mes intuitions. La boussole ne s’était pas trompée.

Il nous faut décider de ce que nous allons faire du temps qui nous est imparti

Dans ce nouveau contexte où l’on se retrouve anonyme, on est libre de laisser ses croyances derrière soi et les rôles que l’on joue dans son environnement habituel. Des conditions idéales pour se transformer. Comme un terrain laissé en jachère, me voilà libérée de la pression et de l’efficacité; l’inspiration et l’énergie reviennent. “Si j’ai tout mon temps libre, comment décider de l’employer et à quoi ai-je envie de contribuer ?” Ces questions guident mon échappée belle et orientent mes choix. Je m’aperçois que j’ai parfois mis de côté ce qui m’anime profondément, alors que c’est ce qui fait notre plus belle singularité. Je me consacre donc à des projets qui m’enthousiasment et des causes qui me tiennent à cœur, continuant à apprendre et à transmettre. A me définir autrement, sans étiquette.

Puis, un jour, vient le temps du retour. Ce moment est loin d’être évident; pourtant, il est l’essence même du voyage : apprendre à revenir et se nourrir des contrastes dans nos vies. Je rentre de cette parenthèse, forte d’avoir traversé pleinement cette expérience et commencé de zéro dans un pays sans repère ni programme. Et tant de choses vécues ! A présent, j’accepte volontiers que ma carrière ne suive pas des rails et un chemin tout tracé. Assumer ces détours de mon parcours, c’est aussi affirmer qu’ils construisent bel et bien la femme que je suis et font évoluer mes aptitudes. J’en suis fière. Cette conviction et cette confiance nouvelles me seront fort utiles à d’autres moments de ma vie, mais ça, je ne le sais pas encore.

La réinvention de soi peut passer par une rupture forte, à l’image d’un grand voyage. C’est toujours une aventure de partir à la quête d’un nouveau soi. Elle est faite de rencontres, qui permettent de mieux se reconnecter à ce qui fait sens.

Une fois la porte du bel immeuble du 8ème arrondissement refermée, je dois avouer que je me sens un peu perdue. J’ai mis fin à sept ans d’amour pour le journalisme afin de tenter l’aventure de la communication, et quatre mois plus tard, je suis à nouveau en pleine période de doute. Je quitte alors Paris pour quinze jours de déconnexion en Thaïlande, où j’en profite pour dévorer plusieurs livres consacrés au futur du travail (“Reinventing Organizations” fait notamment formidablement écho en moi). A mon retour, j’ai la ferme intention de prendre du temps. J’ai besoin de réfléchir sérieusement à la suite, de ne pas sauter sur le premier job venu, et tirer ainsi pleinement les conséquences de cette première expérience dans le secteur de la communication. Qu’est-ce que je veux maintenant et, plus important encore, qu’est-ce que je ne veux pas ? Je prends donc le temps de rencontrer un maximum de personnes, en multipliant ce que j’appelle les rendez-vous “J’adore ce que vous faîtes”. Le principe est simple : fixer un RDV de 30 minutes autour d’un café, afin de poser toutes mes questions sur le métier de la personne en face de moi.

Durant trois mois, je rencontre ainsi une vingtaine de profils différents, dans des domaines très variés : agences de pub, start-up, grands groupes, indépendants…je me nourris de leurs expériences, de leurs conseils. Une belle aventure humaine, à la rencontre d’inconnus. Je repars de ces pauses cafés souvent enthousiasmée, parfois galvanisée, quelques rares fois déprimée…Une rencontre va s’avérer déterminante, celle du directeur de la communication d’une entreprise technologique, très en avance sur tous les sujets liés aux RH de demain. Pas de poste en vue, mais je commence à collaborer avec eux en freelance. Je rédige des contenus sur ces enjeux qui me passionnent de plus en plus, que je double d’articles plus personnels sur Medium. Je me rends à des Meetup, j’assiste à un grand nombre de conférences, je suis des MOOC… je construis ainsi peu à peu une forme de légitimité, et m’entoure de personnes précieuses, comme Laetitia Vitaud. Passionnée par tout ce qui touche au futur du travail, elle rédige des articles que je dévore. A force d’échanger et de lui raconter mes aventures et mes errances, elle devient une mentor, une amie, qui m’épaule dans cette phase de vie pas toujours simple à gérer émotionnellement.

Une phase d’expérimentation, c’est un voyage initiatique à la découverte de soi

Je me reconnecte peu à peu à mes émotions et tente de détecter les signaux faibles de ce qui me fait vibrer. Écrire sur les nouvelles formes de travail me procure ainsi un niveau de plaisir étonnant, semblant m’indiquer que je suis dans la bonne direction. Je fais confiance à mon ressenti et regarde de plus en plus du côté de l’écosystème des startups, celles qui réinventent les RH. Un jour, je rencontre deux personnes qui viennent de monter leur boîte quelques mois plus tôt. Je ne passe pas un entretien, loin de là. Je discute, j’échange, je les écoute me partager leur vision, leurs convictions. Le rendez-vous se conclut sur une intuition partagée : il faut qu’on travaille ensemble. Ils me proposent donc de les rejoindre, de devenir la première salariée de leur petite entreprise. J’enclenche alors mon 2eme switch. Le bon cette fois-ci ?

Lire la suite et fin EPISODE 5 : Se lancer

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Lili&Julie

Aurelie, architecte en plein switch; Julie, ex-journaliste devenue dircom en startup. Elles partagent l'amour des mots et un goût immodéré pour les histoires.