Stratégie de gestion des conflits et communication non violente (partie 2)

Marine Kervella
9 min readApr 19, 2015

J’ai découvert la Communication Non Violente, il y a un peu plus d’un an en lisant l’excellent livre de M. B. Rosenberg “Les mots sont des fenêtres” [1]. J’ai été touchée par cette manière de réfléchir, d’agir et de vivre avec les autres. En appliquant quelques petites gouttes de cette philosophie à mon quotidien, je vois déjà les changements positifs : je m’écoute davantage (auto-empathie), j’accompagne mieux mes enfants et les enfants que j’accueille et je communique plus sereinement avec les autres.

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L’histoire du chacal et de la girafe

La communication non violente ou CNV est un processus de communication que Marshall B. Rosenberg, docteur en psychologie clinique, a initié dans les années 1970 en s’inspirant notamment des travaux du psychologue Carl Rogers et d’Abraham Maslow, ainsi que des religions orientales. La non-violence du processus, ou ahimsa (“non-nuisance”), est une référence au mouvement de Gandhi. L’empathie, apport majeur des travaux de Carl Rogers, est au cœur de la CNV. Marshall Rosenberg s’appuie également sur les travaux de l’économiste chilien Manfred Max-Neef, qui a analysé les besoins humains. [2]

La communication non-violente est selon son auteur « le langage et les interactions qui renforcent notre aptitude à donner avec bienveillance et à inspirer aux autres le désir d’en faire autant ». Ce mode de communication nous permet de devenir de plus en plus bienveillants, authentiques, et empathiques avec les autres. Il peut donc être utilisé dans toutes interactions de la vie quotidienne : en couple, avec ses enfants, au travail… La CNV se révèle être un moyen très efficace pour gérer les conflits, et permet aussi de mieux cerner ses propres besoins. On ne parle plus de stratégie, ce mode de communication devient même un art de vivre.

Pour illustrer l’application de la démarche CNV, Marshall Rosenberg utilise la métaphore (et les marionnettes) de la girafe et du chacal. L’apprentissage de la CNV consiste à passer d’une communication “chacal” à une communication “girafe”.

La métaphore du chacal et de la girafe

Le Langage “chacal” est empreint

  • d’accusation,
  • de menaces,
  • de dévalorisations.

Le langage “girafe” est empreint

  • d’empathie,
  • d’écoute,
  • de bienveillance.

ça parait simple ! Et pourtant… c’est un travail sans fin. Alors que je pensais m’être transformée en belle girafe accomplie, je me rends compte que je continue d’accuser les autres et donc je les amène à se mettre sur la défensive. La théorie ne suffit pas, c’est la pratique qui nous transforme. En fait, apprendre la CNV, c’est un peu comme apprendre une langue étrangère. Il faut déconstruire nos vieilles habitudes et nos vieilles façon de penser. Il faut déconstruire nos tendances à vivre les relations humaines comme des rapports de force et arrêter de juger sans avoir compris ou sans même avoir écouté (l’écoute empathique).

La méthode CNV en 4 étapes

Alors comment exprimer ce que je ressens sans exploser ? Comment résoudre un conflit sans me laisser submerger par la peur ou la colère ? Comment faire preuve d’empathie, d’écoute et de bienveillance même quand je me sens attaquée dans mon espace mi-pro, mi privé ?

“Lorsque nous ne sommes pas capables de dire clairement ce dont nous avons besoin et que nous savons uniquement formuler des analyses qui ressemblent à des critiques, la guerre n’est jamais loin, qu’elle soit verbale, psychologique ou physique.” de M. Rosenberg [3]

La méthode CNV se décompose en 4 étapes.

  1. Partager des observations, décrire sans jugements les faits en s’assurant d’être aligné avec son interlocuteur : “quand je vois, entends…..” Décrire à la manière d’une caméra.

Nous devons ensuite identifier notre sentiment. Nous avons rarement appris à écouter nos émotions. Nous avons même parfois appris à les refouler : “ne pleure pas !” ou encore “je sais mieux que toi, c’est moi ta mère”, “Sois gentil avec ta soeur !”, “Obéis à ton père !” Bref, fais ce qu’on attend de toi ! Et puis à l’âge adulte, nos émotions sont parfois devenues tabou. Une émotion est souvent synonyme de faiblesse. Donc il faut prendre le temps de les reconnaitre et nous devons les exprimer à l’autre pour qu’il comprenne notre état.

2. Identifier son sentiment “je me sens….”

Les sentiments que nous éprouvons nous signalent des besoins que nous ignorons bien souvent. Un sentiment agréable nous renseigne sur un besoin satisfait. A l’inverse, un sentiment désagréable vient d’un besoin insatisfait. Attention “J’ai besoin de…” est différent de “j’ai besoin que tu…”.

3. Identifier et partager ses besoins “parce que j’accorde de l’importance, parce que j’ai besoin…”

Et enfin, nous formulons une demande pour répondre aux besoins exprimés. Une demande doit être concrète, positive et négociable.

4. Faire une demande “serais-tu d’accord de, pourrais tu ….”

Des usages simples pour des bénéfices immédiats.

Par exemple, un problème de retard récurrent de la part des parents employeurs pourrait se formuler en mode chacal : “je n’ai pas que ça à faire de vous attendre pendant 1h”, “tu aurais pu me prévenir !” “Vous êtes toujours en retard. On ne peut jamais compter sur vous.”, “ce n’est pas que pour moi, vous croyez que c’est bien pour Michel (le bébé)!”

Et en langage girafe : “Quand j’attends avec Michel que tu arrives après 18h30, je suis agacée parce que j’ai besoin que ma vie privée et familiale soit respectée. Serais-tu d’accord de faire en sorte d’arriver à l’heure convenue ensemble ?”

ou encore

“On avait convenu pour un rdv à 18h30. Il est 19h. Je suis inquiète et agacée. J’ai besoin de savoir que je pourrai compter sur votre ponctualité à l’avenir. Seriez-vous d’accord pour faire attention d’arriver à l’heure ou au moins de me prévenir d’un retard occasionnel ?”

Quelques petits trucs en plus :

  • On utilise le “je” plutôt que le “tu”
  • On efface de notre vocabulaire les mots toujours, jamais…
  • Dans un dialogue, la CNV devient une danse en 4 temps qui alterne l’empathie et l’auto-empathie.

L’écoute empathique ou active

Le plus difficile selon moi, c’est de maintenir une écoute empathique face à des chacals c’est-à-dire des personnes qui ne pratiquent pas la communication non violente, soit 99% des gens ! Parcourir mon cheminement intérieur, pour réussir à exprimer mes besoins sereinement, c’est une chose déjà compliquée mais plus accessible selon moi que de recevoir la violence des autres sans me transformer en chacal agressif à mon tour. Recevoir les accusations et les reproches de l’interlocuteur qui n’a pas fait ce travail, c’est très difficile. Mais grâce à l’écoute active, on peut le gérer.

Personnellement, mon réservoir d’empathie est bien souvent vide. En tant que maman et assistante maternelle qui a choisi de pratiquer l’éducation positive et l’accompagnement bienveillant, je dois faire preuve d’empathie toute la journée avec les petits et leurs parents. Et malheureusement, rares sont les personnes douées d’empathie et qui pourraient me remplir mon propre réservoir…

En fait, on confond souvent empathie et sympathie. Alors, je me permet d’insister sur la différence entre les deux concepts.

L’empathie est une façon de comprendre avec respect ce que les autres vivent. Pour écouter avec empathie, nous devons faire le vide dans notre esprit. Nous ne devons pas écouter avec notre tête, mais avec tout notre être. Nous devons “nous oublier” pour écouter l’autre. La personne qui écoute est réellement présente, elle écoute « ce qui est vivant » chez l’autre, sans le juger, lui faire la morale, porter un diagnostic sur lui ni lui donner des conseils qu’il n’a pas demandés.

L’empathie nous demande d’être en lien avec les sentiments de l’autre et non pas de ressentir la même chose. Nous ne faisons que l’accompagner . Il s’agit d’être pleinement présent à l’autre sans accorder d’attention à nos propres sentiments.

Souvent, nous croyons faire preuve d’empathie mais nous ne sommes que sympathique ! C’est déjà pas mal mais beaucoup moins puissant. La sympathie, c’est dire « je sais ce que tu ressens » et faire sentir ce qui se passe en nous, ce qui nous amène à quitter celui que nous écoutons. On détourne souvent l’attention vers soi. De plus, nous avons tendance à donner des conseils, à réconforter ou à donner notre avis, affirmant là encore notre façon de voir les choses.

http://www.familleharmonie.com/

Selon M. Rosenberg, développer notre capacité à être empathique nous donne accès à de nouvelles ressources. L’empathie peut à elle seule désamorcer un danger, et un risque de violence. Elle nous permet d’accepter un refus sans y voir un rejet, de redonner vie à une conversation et même parfois de comprendre ce qui n’est pas dit par des mots. Lorsque nous écoutons leurs sentiments et leurs besoins, nous ne voyons plus les individus comme des monstres. Utiliser l’empathie nous permet de demeurer à la fois sincère et vulnérable, ce qui créé un véritable lien avec son interlocuteur.

En bref…

“Nous pouvons résumer le processus de la CNV en quelques mots : une intention, une attention à quatre éléments, pour favoriser la connexion entre êtres humains selon deux modalités qui vont permettre le dialogue : l’expression sincère et l’écoute empathique.” [4]

L’intention de la CNV est de créer une qualité de relation au sein de laquelle les besoins de chacun sont pris en compte de manière pacifique. La méthode demande quand même une bonne dose de détermination. Il faut beaucoup pratiquer pour qu’elle devienne une seconde nature et qu’on puisse l’appliquer sans retomber dans ses vieux modèles de communication. Alors ne perdons pas de temps pour nous entraîner et montrons l’exemple à nos enfants !

http://cnv-apprentiegirafe.blogspot.fr/

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Pour aller plus loin

[1] “Les mots sont des fenêtres”, M.B Rosenberg

[2] http://nvc-europe.org/SPIP/La-CNV-qu-est-ce-que-c-est

[3] “Nous arriverons à nous entendre”, M.B Rosenberg, 2003 — mon résumé perso sous forme de mindmap

[4] http://r-eveillez-vous.fr/cnv-outil-collaboratif-excellence/

[5] “Cessez d’être gentil soyez vrai !”, Thomas d’Ansembourg

[6] “Du je au nous — L’intériorité citoyenne. Le meilleur de soi au service de tous.”, Thomas d’Ansembourg

[7] http://www.psychologies.com/Moi/Moi-et-les-autres/Relationnel/Articles-et-Dossiers/Tout-conflit-peut-se-transformer-en-un-dialogue-paisible

[8] Qu’est-ce qui vous met en colère ?”, M. B. Rosenberg, Klein, 2005 — mon résumé perso sous forme de mindmap

[9] “Les ressources insoupçonnées de la colère”, M. B. Rosenberg, 2005 — mon résumé perso sous forme de mindmap

[10]“L’art de la réconciliation”, M. B. Rosenberg, 2010 — mon résumé perso sous forme de mindmap

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Marine Kervella

Thérapeute, Coach & facilitatrice de breathworks chamaniques spécialisée en libération des blocages inconscients pour les entrepreneures éthiques