Zoom sur 3 modèles médias inspirants

Benoit Zante
TLDR by Benoit Zante
5 min readOct 14, 2019

Cela va faire un moment que je n’ai pas abordé ici le sujet des modèles médias… J’ai parlé de podcasts par le passé, mais aussi des rapports de force avec les plateformes ou de data-journalisme.

La seconde édition de Médias en Seine, organisée la semaine dernière par les Echos et Radio France me donne une occasion parfaite pour reparler de ce sujet, avec trois beaux exemples, montrant la vitalité des médias, et pas seulement en ligne…

1/ Monocle

Créé en 2007 par l’ancien reporter de guerre Tyler Brulé (et fondateur du magazine Wallpaper), Monocle est un mensuel “lifestyle” destiné à toucher un lectorat international anglophone. Le titre se caractérise par des partis prix forts :
- le rejet des réseaux sociaux (“Il est étonnant de voir des médias, parfois vieux de plusieurs siècles, pousser leurs audiences dans les bras des plateformes. Ça n’a aucun sens” explique-t-il sur scène),
- le refus d’être distribué en version numérique (“les gens veulent interagir avec quelque chose de tangible, proche du livre”)
- la défense d’un modèle payant et premium (83 000 exemplaires vendus par mois en 2018, à 12€ pièce)
- des choix visuels forts, avec un “style” Monocle, incarné par des illustrateurs qui travaillent aussi bien pour le titre que pour des marques, via l’agence-soeur Winkreative.

À tout cela s’ajoutent des paris osés, comme celui de l’audio, opéré dès 2008. Il s’agit de podcasts “natifs”, devenus depuis incontournables pour les médias, mais aussi et surtout d’une radio, avec des programmes diffusés 24/24. Un investissement important qui commence à porter ses fruits.

Plus récemment, le groupe a fait le pari du retail : après avoir ouvert des cafés, Monocle vient d’annoncer un partenariat avec Lagardère Travel Retail, pour des boutiques en aéroports. Le cadre parfait pour vendre une sélection de produits pour voyageurs, ainsi que ses nombreuses collaborations avec des marques (des parfums Comme des Garçons aux sous-vêtements Calida). Grâce à toutes ses diversifications, en 2017, Monocle enregistrait 18,8 millions d’euros de recettes, selon Les Echos.

Prochaine étape : l’immobilier, avec le promoteur thaïlandais Sansiri, actionnaire minoritaire du groupe, qui conçoit un programme estampillé “Monocle” à Bangkok…

2. The Next Web

Avant d’être un média couvrant l’actualité tech mondiale, The Next Web était une startup, Fleck. Son co-fondateur, Boris Veldhuijzen van Zanten, raconte qu’en cherchant une conférence où présenter son produit, il est finalement arrivé à la conclusion qu’il ferait mieux de créer son propre événement : c’est ce qu’il fait en 2008.

Un blog a ensuite vu le jour pour promouvoir la conférence The Next Web. Ce média a progressivement développé son influence, avec aujourd’hui une vingtaine de rédacteurs et une audience mondiale (Numerama détaille tout ça ici). Particularité : les rédacteurs travaillent en “remote”. Ils sont répartis à travers le globe, ce qui permet de gagner en réactivité et de diversifier les points de vue. Résultat : bien que basé à Amsterdam, le site est aussi une référence de l’autre côté de l’Atlantique.

Aujourd’hui, TNW est un média aux revenus équilibrés, entre événementiel (TNW Conférence accueillait 17 000 participants, dont moi, en mai dernier), publicité, consulting et… immobilier. À Amsterdam, le groupe gère en effet deux bâtiments, sous la marque TQ, qui sont loués à des startups et hébergent des événements régulièrement (dont “What’s your stack”, par exemple).

Le modèle a convaincu Le Financial Times, qui est devenu actionnaire majoritaire de TNW en mars dernier. Une stratégie qui n’est pas sans similitude avec celle des Echos autour de Vivatech…

3/ The Guardian

Quittons Médias en Seine pour un autre événement incontournable : les Rencontres de l’Udecam qui avaient lieu début septembre à Paris. Anna Bateson, la Chief Customer Officer (combien de médias français ont-ils créé une telle fonction ?) du Guardian y intervenait pour présenter le modèle de monétisation du titre, qui se caractérise en particulier par le refus des paywalls.

À défaut de réserver ses contenus à ses seuls abonnés, The Guardian fait appel à la générosité de ses lecteurs, avec des messages incitatifs et personnalisés. Un moyen de rester fidèle à ses valeurs, qui tournent autour de la démocratisation de l’accès à une information de qualité. “Au début, nous n’avons pas vraiment été soutenus par nos confrères : ils ont assimilé cela à de la mendicité” explique Anna Bateson… Pourtant, le dispositif a fait ses preuves : 955 000 lecteurs ont effectué au moins une fois une “contribution” sur le site en 2018, et désormais, 65% des revenus du groupe proviennent directement des lecteurs, principalement sur le digital.

Ce chiffre tient notamment à une stratégie de ciblage des messages, pour trouver les mots qui vont convaincre chaque type de visiteur de sortir sa carte bancaire. “Nous cherchons à inciter les lecteurs à payer, sans les forcer, en créant un contexte émotionnel favorable. Au fil du temps, nous avons raffiné nos messages, en menant des tests en permanence. Les lecteurs sont prêts à soutenir quelque chose qui a de la valeur pour eux.” Un sujet sur lequel l’ancien CEO du Guardian Group, David Pemsel (il est récemment parti prendre la tête de… la Premier League en Angleterre) était revenu en détail lors du dernier Web Summit (sa vidéo est à voir ici).

En mars, The Guardian a même annoncé qu’il était parvenu à atteindre l’équilibre sur l’exercice 2018, une première depuis les années 1990. Pas mal pour un titre que tout le monde donnait comme mort il y a quelques années ! L’objectif est maintenant de dépasser le cap des deux millions de “contributeurs” d’ici à 2022.

// Avant de nous séparer //

N’hésitez surtout pas à partager cet article :)

Vous souhaitez recevoir directement par e-mail les prochains articles? Un formulaire d’inscription est disponible ici.

A bientôt !

Benoit Zante
@bzante

--

--