— Un article de Mathieu Aribart & Jérémy Mahieu pour l’Agence Brass.

Du Garage au Contrat, Roadmap 2016 de l’apprenti musicien.

Jeune projet musical avec mon 1er EP, que fait-on maintenant? Comment me mettre sur la bonne voie? A quoi consacrer mes -maigres- ressources? Bref: comment percer?

Brass Stories
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10 min readApr 21, 2016

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Car la tête dans le guidon des débuts, le musicien qui se lance a tendance à éparpiller ses forces. La faute à un sens des priorités peu rencardé…
La littérature consacrée à cette délicate étape étant plutôt light, nous nous sommes dits qu’un petit récap’ du jeu pourrait toujours aider.

Suite logique de nos réflexions entre musique et communication, son objectif est d’expliquer dans les grandes lignes aux aspirants artistes à quoi vouer leurs premiers souffles de vie? Où employer des ressources initiales forcément limitées?

Une sorte de précis d’entrée dans le monde pro. Une chèque-liste permettant d’en saisir quelques implicites arcanes et autres pratiques méconnues. Et de rapidement couper court à certains débats contre-productifs.

Enjoy.

Disclaimer:

Cette “théorisation” d’une discipline largement faite de rencontres et de hasards a ses contre-exemples, c’est certain. Elle n’est que notre extrapolation, née d’années d’observations, de lectures et de discussions sur la comète...

Donc ne pas y voir un manuel à suivre au pied de la lettre, ni un cheat code. Plutôt une suite de best practices ayant fait leurs preuves tout récemment.

Plusieurs idées et arguments effleurés au passage ci-dessous peuvent aussi paraître péremptoires ou peu argumentées… Ils ont souvent été détaillés dans des articles dédiés, alors linkés, que l’on vous enjoint à lire en parallèle.

→GO!←

1- Le Positionnement.

Selon nous, un projet échoue le plus souvent faute d’une réelle réflexion artistique. Que veut-on vraiment dire? Pourquoi? Que vend-t-on réellement?
Pas objectif, on s’accommode d’un truc sans consistance de fond, au positionnement mou.

Instinctivement, on pense qu’il faut donner au public ce qu’il veut entendre pour percer. Un truc bien mainstream et facile…
Mais la mécanique de l’industrie du disque n’est plus ce qu’elle était dans les années 90.

Tout en faisant dans l’audible, mieux vaut prendre l’industrie à contre-pied.
A faire du sous-Phoenix, on devient un dérivé. Un sous-produit. Un substitut à donner aux fans entre 2 albums de l’original…

Il est plus malin de bousculer les ordres établis, les status quo. D’être une version extrême de soi-même. D’avoir un truc authentique, différent à dire. D’incarner une idée plus grande que soi.

2- L’Objectif.

Votre imparable single est prêt à être offert au monde. Votre objectif stratégique a moyen-terme, le but vers lequel tous vos efforts doivent tendre:

Créer un ‘momentum’ suffisant pour vous faire remarquer de l’industrie de la musique.

Car sauf à nous faire une Fauve, l’entremise de celle-ci restera, à un moment donné, indispensable. Si se rôder par ses propres moyens est la meilleure des écoles on en convient, le 100% DIY a en effet quelques limites physiques.

Or votre position face à ladite industrie ne doit pas être celle d’un demandeur. C’est elle qui doit vous approcher, son intérêt piqué au vif par votre murmure. Le secret est de lui démontrer que vous n’avez pas besoin d’elle. Ou d’en avoir l’air…

Inutile donc de harceler d’emblée vos contacts pros de mails de démarchage qui resteront sans suite.

Lecture recommandée, cet excellent article de fond sur Hemingway et de Paris. #GateKeepers

3- La Diffusion.

Cet objectif en tête, la suite logique est de diffuser sa musique sur la toile. En 2016, la question de la musique gratuite est morte et enterrée: on doit pouvoir trouver et écouter une nouveauté sans entraves.

L’outil le plus prisé des pros reste le flexible Soundcloud. Une compte Youtube, ses picture-vids et ses playlists est indispensable. A l’inverse de Zimbaland et consorts: être sur iTunes & Spoteezer ne presse pas, au départ.

Préférer dans ces 1ers temps Bandcamp pour vendre quelques K7 fait maison ou des EP enrichis à des early fans. L’option est bien plus intéressante que de payer pour être présent là où personne n’ira vous écouter.

Ca c’est du packaging DIY comme on les aime.

4- La Communication Digitale.

Une bonne webprésence pour un jeune groupe n’est pas une entreprise de démolition lourde. Mais bien une opération de séduction. Plus subtil.

A vos débuts personne ne vous connait. Rien n’est connu de vous. Ce handicap manifeste peut toutefois se retourner en un séduisant mystère. La Mystique.

Montrer juste assez pour teaser, le plus étant ici l’ennemi du bien. On doit en vouloir d’avantage: frustrer c’est gagner.

Concrètement, ça se traduit par un minimalisme de ses infrastructures web. Un blaze qui tue. Un ou deux titres lâchés au compte-goutte. Une bio en quelques mots. Une poignée d’artworks chiadés… Cette toile de fond suffit.

L’animer en étant présent mais pas intrusif. Complice mais pas cryptique. Intime mais pas commun. Pro mais pas froid. Artisanal sans faire cheap.

S’inspirer ici de ce que font les start-ups et de leur état d’esprit de charo; notamment pour tester l’intérêt suscité par leur offre et la faire évoluer au besoin. Pivot et compagnie. Revenir au point #1 si blocage.

5- La Vidéo. La Presse.

En ligne, le vidéoclip reste l’incontournable moyen d’attirer à vous l’attention. Il est le point d’entrée encapsulant votre message. Votre spot de pub auprès du public et de l’industrie. Mais d’abord et surtout, de la presse.

Tips & Tricks: garder l’œil sur les jeunes réalisateurs cool. Ces mecs qui après quelques bons clips commencent à se faire un petit nom auprès de la presse, parfois garant du relais de votre chef-d’oeuvre à lui seul ou presque.

Tip #2: Eviter les storyboards trop ambitieux, l’acting de ciné et autres scénarii à la Spielberg...
Ca va foirer.

Un concept visuellement fort qui matche avec votre message.
Une photo qui colle à votre esthétique. Un montage adapté. Et c’est marre. (<- le bon exemple)

Sans être nécessairement~*viral*~, le résultat sera ainsi dans les clous: remarquable, partageable et crédibilisant. Vous mettant ainsi sur la carte.
Garnissant vos premiers cercles de fans. Commençant à remplir vos dates.

On conseillera donc d’y concentrer autant de moyens que possible. Davantage même que pour ses premiers rec. dont la qualité -si elle doit être clean- n’est pas à ce stade aussi stratégique qu’un clip qui bute.

On pourrait ensuite parler des heures de l’importance d’une stratégie de diffusion médiatique. Mais beaucoup d’autres ont très bien écrit sur le sujet, mieux que nous ne le ferons jamais. Google est votre ami.

6- L’Expérience Live. La Prospection.

Vous savez déjà son poids. Dès la naissance du projet, vous avez joué pour vous former. Pris des conseils pour émerger sur votre scène locale, vous tailler un début de public... Mais à ce stade le live prend une dimension nouvelle.

Tous vos efforts ont en effet tendu à vous attirer l’attention de l’industrie. Bravo, ses radars ont spottés votre son: vous commencez à soulever un intérêt. Qu’en fait-on maintenant? Comment transformer l’essai ?

L’étape suivante est une phase plus ou moins longue qu’on appelle chez nous “l’antichambre” de l’industrie. Des relations se nouent avec des pros. On se refile des conseils. Quelques services… Bref, on se renifle les fesses.

La danse de la mouche morte de Ian Curtis avait marché pour Quentin de Fauve.

Mais surtout: on viendra souvent vous juger sur pièce en live. Inspecter vos progrès scéniques.
Checker votre développement. S’assurer de votre potentiel. Bref, sur-valider un futur possible investissement. De l’importance d’être non seulement au point techniquement, mais de monter un vrai show. #Entertainment.

Ce qui signifie aussi aller jouer là où se trouvent la profession. Les grands messes des Trans’ de Rennes ou de Bourges ne seront pas accessibles de suite. Sauf à être du coin et passer par quelque assoce promouvant la scène locale…

Mais même dans ce cas, il faudra se produire à Paris. La capitale reste en effet le centre névralgique. Là où se concentre le plus clair du business. Et les personnes auxquelles on doit s’exposer.

Commencer dans des petites et moyennes salles accessibles qui ont bonne presse: Pop-In, Klub, International, Bus Palladium… Avant de monter progressivement en capacité pour éprouver l’accroissement de votre aura.

Tips & Tricks qui ne vous sera pas facturé: les pros ne sortent pas le weekend. Ou alors juste pour kiffer avec leurs artistes, l’esprit découverte en sourdine. Ca a l’air bête, mais n’espérez donc pas trop les attirer un vendredi soir, quand bien même votre concert au Bus s’annonce certainement super sympa.

A l’inverse, un showcase aux Trois Baudets un mardi soir peut s’avérer bien plus propice IRL que le titre de son event FB ne le suggère. 2nd Tips & Tricks: pas mal de salles parisiennes sont tenues par des tourneurs (comme les 3B). Où leurs staffs sont tenus de faire acte de présence régulier… On laisse ça là.

Dernier Tips pour la route: tout est ici affaire de signal envoyé. Mieux vaut refaire la même salle et la blinder, que de vouloir grossir trop vite, faire un four et désescalader piteusement. Ca va sans dire mais mieux en le disant.

A ce titre réussir à remplir sur son nom une Flèche d’Or -une très belle salle, mais délicate à garnir car assez excentrée et mal desservie- est un véritable indicateur qui parle toujours aux pros…

7- La Professionnalisation.

Dans cette antichambre se comptant souvent en mois, un projet doit bouger. Son style s’affirmer. Le son s’affiner. Les skills s’affermir. L’identité se préciser. Comme les sapes, qui doivent elles aussi aider à l’exprimer face au monde.

Bref vous devez devenir la plus captivante versions de vous-même. C’est cette sublimation que l’industrie et vos fans attendent.

Exemple: Mon gars Malca, avant / après. Le case study ici.

On réinvestira le studio pour quelques nouveaux singles plus aboutis avec un réal’ ad hoc. On n’hésitera pas à relancer de nouveaux clips. Des réseaux de fans peuvent commencer à émerger, il faudra les chérir et les consolider pour engranger de l’email. Une mailing-list garnie étant l’autre nerf de la guerre.

On ne saurait aussi que vous conseiller de tomber cette attitude compétitive trop souvent constatée. Commencer au contraire à se faire des complices au fil des rencontres. Un réseau d’artistes amis avec lesquels on pourra se refiler coups de main, plans, remixes. Promouvoir des lives. Et collaborer à l’occase.

Du style Pro Era Crew de Joey Bada$$. Plus ici sur le sujet.

A ce stade il faudra enfin surtout se trouver un bon manager. Pas un pote ou quelqu’un s’improvisant comme tel et qui jouera à l’intermédiaire busy.

Quelqu’un qui connait le milieu. Qui vous bougera quand vous n’êtes pas assez bons. Qui ira parlementer avec le patron qui ne veut pas vous payer. Qui ramènera des pros à votre showcase important du 26. Qui travaillera le mec qui tient ce blog dans lequel vous devez apparaître. Etc, etc…

Quelqu’un qui saura vous défendre et vous vendre. On ne surestimera jamais assez son rôle clé dans tout projet. One love à tous les managueurs de France.

8- Le Partenaire. Le Développement.

Les jeunes artistes sont souvent obnubilés par maisons de disques et labels, persuadés que c’est en signant chez eux qu’ils parviendront. Or ce n’est pas LE partenaire à aller chercher en priorité, selon nous.

Pourquoi? Car concrètement le job d’un label est de vendre des disques. Or l’affaire est aujourd’hui une machinerie aux barrières à l’entrée conséquentes. Les “petits” n’ont aucun intérêt à aller s’y perdre trop précocement.

L’opinion à la bonne et officiellement intronisé dans le cercle des découvertes, capitaliser plutôt sur son bourdonnement en vous rapprochant d’un bon tourneur. Bien plus accessible et intéressant à ce stade.

Ce pour plusieurs raisons:

  • Il va commencer à vous faire jouer dans un cadre véritablement pro. Répètes, résidence, scénographie, cachets. Practice makes perfect.
  • Vous commencerez à vous frotter à des salles plus épaisses et à quelques legs en province à base de premières parties autrement inaccessibles. Essentiel pour s’ouvrir de nouveaux cercles de fans.
  • Difficiles sans tourneur d’exister à la saison des festivals tant il y en a, et tant il y a de dossiers. Or c’est là que se trouve le public durant l’été.
    Pas de festoches, pas d’existence live durant 2 mois importants. Et une relance plus difficile à négocier à l’Automne.
Festival : seul concerts peuplés entre mi-juin et fin août.
  • Crédibilisé par sa présence, le projet devient plus attractif aux yeux de nouveaux partenaires pros (notamment son pote éditeur), des médias et des dispositifs d’accompagnement. Dites bonjour à l’excellent Julien Soulié s’il vous prend la bonne idée de postuler au Fair 2017 -soit dit au passage.
  • Pour faire monter la mayonnaise, un bon tourneur peut aussi vous incruster en média. Du genre émissions télévisuelles. Pour rendre fières vos mamans. Et poker un futur label.

9- La Suite.

Si tout se passe bien, que vos shows et votre cred’ grandissent, que votre fanbase se solidifie, que vos clips tournent et que la presse vous garde à l’œil, on viendra vous voir. Éditeur, label, distributeur, structure hybride…

Ce sont là des choix de carrière, qu’on vous laisse faire pour vous. Nous vous enjoignons simplement à vous munir du meilleur avocat possible pour gérer et suivre vos deals. La propriété intellectuelle étant un domaine bien trop complexe pour être confié à “votre cousine qui a fait trois ans de droit”.

Plus rare mais tout aussi utile, un business manager veillera à ce que toutes les thunes que vous ne saviez pas qu’on vous doit arrivent bien dans vos poches. Et que ces impôts que vous ne connaissiez pas non plus, ne vous retrouvent pas sur-majorés 3 ans après.

La suite sera dictée par la réponse du grand public à votre offre. Mais on rentre là dans des considérations dépassant de loin le cadre de cet humble guide de kickstarting.

Le mot de la fin, Shia? #MotivationSpeech

Vous voilà dans le music business.
It’s a dirty job, but somebody’s gotta do it.

Bonne chance,

— Mathieu & Jérémy, pour Brass.

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