Rêvez-vous d’un enfant qui obéit au doigt et à l’oeil ?

Marine Kervella
Le Petit Buisson
Published in
9 min readFeb 18, 2016
“Obéis”, “Tais-toi”, “je compte jusqu’à 3” .Family.fr

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“Obéis”, “Tais-toi”, “Je compte jusqu’à 3”

Parfois nous aimerions tellement que notre enfant exécute immédiatement ce qu’on lui demande. Alors, pour arriver à nos fins, nous alternons entre plusieurs approches :

  • “Mets tes chaussures tout de suite !”, “Tu m’obéis maintenant”, c’est en fait un ordre.
  • “Si tu ne mets pas tes chaussures tout seul, je ne te donne pas le livre que tu as choisis”. Puis l’enfant exprime sa colère “Et si tu continue de pleurer, tu seras puni” ou bien dans un autre style “si tu te dépêches, tu auras un bonbon pour la route”, on appelle ça des menaces et du chantage.
  • “Ok tant pis pour toi, je ne te le donnes pas”, “Tu n’as toujours pas mis tes chaussures et tu chouines en plus, ça suffit tu seras puni”, on passe à la punition, la privation.
  • “Tu me déçois, tu es méchant de te comporter comme ça, je vais être en retard maintenant”, les phrases exprimant notre déception, culpabilisantes pour l’enfant.
  • “Tu es vraiment un bébé”, “ton cousin il sait mettre ses chaussures tout seul, lui” = humiliation/comparaison.

On souhaite que l’enfant obéisse parce que nous allons être en retard, parce qu’il “faut”, parce qu’on “doit”, parce que nous l’avons décidé et puis c’est tout. C’est nous les parents, m**** ! (Note : cette histoire de chaussures, c’est du vécu !).

L’obéissance, ah la la cette question nous tracasse tous beaucoup. Et puis, quand ça ne fonctionne toujours pas, ça peut parfois dégénérer et certains parents concluent “Il ne m’obéit pas, il est insupportable. Il n’écoute rien !”.

Et si on essayait d’abord de comprendre ce qu’il se joue du côté du parent ET du point de vue de l’enfant ?

Humour !

Du côté du parent

Ce qui est intéressant à se poser comme question, c’est : qu’est ce que je souhaite réellement obtenir lorsque je demande à mon enfant de m’obéir ?

Ce qui compte très souvent pour nous, parent overbooké et fatigué, c’est l’immédiateté. Faire quelque chose parce qu’il est l’heure de partir le matin ou l’heure de se coucher le soir. On court après le temps, on a des contraintes horaires, des rituels à respecter… Notre vie d’adulte est souvent organisée ainsi.

Et pourquoi formulons-nous d’une façon autoritaire ce que nous souhaitons obtenir ?

  1. Parce que c’est comme ça qu’on élève un enfant, pensent certains.
  2. Par automatisme, sans avoir réellement réfléchi aux conséquences de nos actes. Nous reproduisons ce que nous avons vécu pendant notre enfance.
  3. D’autres, par impuissance : “je ne sais pas comment faire autrement”.
  4. D’autres, enfin, se sentent tellement stressés par le temps, les soucis et la vie, qu’ils pensent “cela me soulage de passer mes nerfs sur lui”.

Du côté de l’enfant

Et si on allait voir maintenant, ce qu’il se passe du côté de l’enfant. Que ressent l’enfant quand on lui donne un ordre ?

Tout d’abord, il est important de savoir que les parents et l’enfant ne vivent pas tout à fait dans le même monde. Comme l’explique Catherine Gueguen, “leur temporalité est différente. L’enfant jusqu’à 5–6 ans n’a pas la notion du temps. Il vit intensément le présent, il vit aussi dans l’imaginaire et n’a aucunement la notion du devoir.” Résultat : se préparer, se brosser les dents, prendre son petit déjeuner lui demandent un certain temps bien différent de celui des parents.

De plus, quand l’enfant commence à répondre à certaines de nos demandes, on s’imagine qu’il est capable de le faire tout le temps. Or, Brigitte Guimbal et Aletha Solter nous apprennent que l’on doit s’attendre à ce qu’un enfant n’obéisse pas aux injonctions verbales jusqu’à l’âge de 7 ans.

En fait, quand l’enfant reçoit un ordre et qu’on lui met la pression pour qu’il l’exécute (par exemple avec le fameux : “je compte jusqu’à 3 !”), l’enfant panique, a un gros coup de stress et obéit par peur. Peur de la punition, de la privation, du rejet, de l’humiliation, peur de perdre l’amour de ses parents…

“Maman me disait que j’étais gentille et qu’elle était fière de moi quand je faisais ce qu’elle me demandait et au contraire , que j’étais vilaine et que je lui faisais de la peine quand je ne lui obéissais pas. ça n’arrivait pas souvent j’avais tellement peur de perdre son amour ! “ extrait L’obéissance en question PEPS n°3.

En effet, un enfant qui obéit est un enfant qui se soumet sous l’effet de la peur. Alors, que nous même ne supporterions pas ce genre de relations de la part de nos amis ou de nos collègues, nous trouvons légitime, sous prétexte d’éducation (c’est-à-dire “pour son bien”), d’agir ainsi avec lui. Alors que nous, nous pouvons affronter ou fuir ce genre de relation, l’enfant lui, ne peut pas fuir ses parents. Et en plus, s’il tente d’exprimer quelque chose, il peut entendre fréquemment des “Et ne me réponds pas !” “tu es insolent en plus”.

C’est certain que le combo autoritarisme/obéissance/peur fonctionne très souvent, les dictateurs l’ont bien compris. Mais en attendant, l’enfant n’apprend ni l’autonomie, ni la responsabilisation. Au contraire….

“Si nous lui donnons des ordres, soit il va se soumettre, s’inhiber et une partie de lui va s’éteindre, soit il va nous imiter. Il donnera des ordres à ses parents, à ses frères, à ses soeurs, à ses copains de classe” explique C. Gueguen dans “Vivre heureux avec son enfant”.

Dans son livre, la fameuse pédiatre expose les dernières recherches scientifiques en neurosciences qui prouvent l’effet dévasteur de la peur et du stress sur le cerveau immature des enfants.

L’enfant apprend alors à fonctionner dans un rapport de force. Il reproduira ce rapport de force avec nous aussi. L’enfant apprend surtout par l’observation, l’imitation. Nous lui servons de modèle. Alors lorsqu’on menace et crie pour obtenir ce qu’on veut de lui, il apprend de notre façon de faire. Nous ne devrions donc plus nous étonner que lui aussi crie, menace et fasse une colère quand il veut obtenir quelque chose.

“Il est facile de rentrer dans un cercle vicieux qui donne l’impression d’avoir “tout essayé” parce que si l’on commence à se placer dans le registre du pouvoir il va falloir toujours plus pour s’y maintenir. Brigitte Guimbal

De la même façon, un enfant qui est “sage comme une image” doit interpeller. Elever un enfant ce n’est pas le dresser. Un enfant bien élevé est-il un enfant qui a peur ?

Et si on faisait autrement…

Encore une fois vient la question essentielle : que voulons-nous ? Gagner un rapport de force, une bataille d’ego, prouver notre autorité ou obtenir la coopération de notre enfant le plus vite et le plus sereinement possible.

Quel message éducatif souhaitons-nous transmettre ? L’importance d’obéir dans la vie ? Ou préférons-nous qu’il devienne une personne épanouie et un citoyen concerné, capable de savoir dire non et de développer un esprit critique.

Au final, nous souhaitons tous le meilleur pour nos enfants. Et c’est possible de faire autrement ! Par exemple :

  • Pour éviter de courir après le temps et de mettre la pression à toute la famille le matin. Levons-nous un peu plus tôt pour pouvoir avoir 5 minutes de jeu ou de discussion avec notre enfant. ça change tout !
  • Tentons de ne pas interrompre le jeu d’un enfant de façon impromptue. Prévenons le quelques minutes avant. Donnons-lui un temps limite, on peut utiliser un timer visuel pour les tout-petits. Expliquons lui à l’avance la suite des évènements.
  • Amenons l’enfant à coopérer en lui donnant le choix de l’action aussi anodin soit-il “tu mets tes chaussures ou tes bottes ?”. Il apprend à être responsable et autonome par de si petites choses.
  • Eduquons par le jeu. On peut donner envie à l’enfant de coopérer joyeusement en lui demandant quelque chose de manière ludique et créative. “Viens mettre tes chaussures magiques et après on pourra faire des pas de géants pour sauter par dessus les maisons sur le chemin de l’école.”
c’est de l’humour, hein !

Olivier Maurel nous suggère d’appliquer avec notre enfant :

  • Ne pas demander d’obéissance aveugle
  • Etre en empathie, donner une attention aimante, favoriser la coopération
  • Tenir compte de ce qu’il est, de ses particularités, de ses propres besoins
  • Lui laisser le plus de responsabilités possibles sur sa vie
  • Remettre en question le conformisme et les normes
  • Avoir conscience des mécanismes d’escalade qui peuvent nous conduire d’une petite violence à une plus grosse
  • Défendre ce qui compte pour nous, être enthousiastes

Passer de l’obéissance à la coopération, c’est bien plus qu’une histoire de mots. C’est une nouvelle attitude à adopter. C’est ouvrir les yeux pour avoir un regard neuf sur l’enfant et son développement. C’est un changement souhaité chez tous les adultes en lien avec les enfants : parents, grands-parents, professionnels de la petite enfance, enseignants…Et le monde se portera bien mieux, j’en suis convaincue.

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Sources

  • PEPS Café du 16 février 2016. “L’obéissance en question” est le thème d’un article du magazine PEPS n°3 et c’est aussi le thème que Clémentine Claire, accompagnante parentale, a choisi pour notre 1er PEPS Café.
  • “Poser des limites à son enfant”, Catherine Dumonteil Kremer, 2004.
  • “Qui veut jouer avec moi ? Jouer pour mieux communiquer avec nos enfants”, Docteur Lawrence Cohen.
  • Expérience de Milgram sur la soumission à l’autorité, 1960
  • Experimenter, biopic sur S. Milgram avec Peter Sarsgaard et Winona Ryder, 2016
  • “L’obéissance en question”, Brigitte Guimbal, PEPS n°3
  • “L’obeissance est-elle une vertu?”, Chronique d’Olivier Maurel, PEPS Magazine n°12.
  • “Vivre heureux avec son enfant — un nouveau regard sur l’éducation au quotidien grâce aux neurosciences affectives”, Catherine Gueguen, 2015
  • “Pour une enfance heureuse — repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau”, Catherine Gueguen, 2014.
  • “La discipline positive”, Jane Nelsen
  • “J’ai tout essayé”, I. Filliozat
  • “Au coeur des émotions de l’enfant”, I. Filliozat
  • “Parents efficaces”, Dr Thomas Gordon.
  • “C’est pour ton bien — Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant”, Alice Miller.
  • Comment ne plus crier sur ses enfants et rester zen”, anti-deprime.com

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Marine Kervella
Le Petit Buisson

Thérapeute, Coach & facilitatrice de breathworks chamaniques spécialisée en libération des blocages inconscients pour les entrepreneures éthiques