DE LA VALLÉE DE LA BIÈVRE À LA SEINE

Les Balades du Grand Paris Express

Jean-Fabien
LES BALADES DU GRAND PARIS EXPRESS

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Arcueil-Cachan / Pont de Sèvres est la dernière étape de notre exploration de la banlieue à la surface de la future Ligne 15, dont les chantiers ont ponctué notre périple depuis Noisy Champs. Alors que mes deux camarades cherchent toujours à percer le secret des cartes, j’ai fini par prendre mes repères photographiques dans les conditions de la marche active. Je suis contraint de me fier à mon instinct pour saisir sur le vif un fragment de mémoire de la métropole en pleine transformation. Nous traversons prudemment l’ancienne N20, une large bande passante que les chars de la 2e BD de Leclerc ont écrasé du poids de l’histoire de la Libération. Je cours toujours après mes cartographes en goguette qui me laissent peu de temps pour scanner correctement la rue alors qu’elle grouille de stimuli sonores et visuels. Nous traversons Bagneux, un territoire qui hésite entre la représentation de la banlieue éternelle, avec ses petits pavillons coquets et la modernité de ses longues barres d’immeubles à demi masquées par les palissades familières du Grand Paris Express, décidément partout chez lui. Sans avoir vraiment le temps de me poser la question, j’enchaîne le pas vers ce qui ressemble à une très longue voie à sens unique, bordée d’un mur aveugle. Lorsque j’entends parler de Barbara et de Claude Piéplu, j‘en déduis que nous prenons le chemin d’un cimetière et celui de Bagneux s’annonce superlatif. 100.000 personnes y ont élu domicile dans un débordement de tombes, de caveaux et de stèles qui occupe 60 hectares de surface. Malgré sa solennité, l’endroit est d’une grande poésie. Il se traverse comme une forêt, aménagée en allées perpendiculaires. Un drapeau français flotte au sommet d’un mât. Il distingue un parterre de petites croix jumelles, parfaitement alignées. Dans des carrés militaires, des milliers de soldats ont trouvé le repos. Certains ont des noms, d’autres pas. Nombreux sont ceux, d’origine africaine ou maghrébine, qui sont tombés pour la France durant les deux guerres mondiales. Avant de partir vers Montrouge, nous déposons, par tradition, quelques petits cailloux sur la tombe de Barbara… Le tour est venu pour Châtillon et Malakoff -Clamart de batailler entre leur ancienne et leur future identité. Alors que le tramway déverse son lot de travailleurs à Châtillon, nous visitons une variété de zones urbaines, composées de grands ensembles disposés en dominos ou fleuries d’art nouveau et de maisons aux charmes cossus. Nous laissons rapidement derrière nous un de ces fameux écoquartiers, sorte de revisite de la ville nouvelle, version 21e siècle et nous filons vers Issy Les Moulineaux, plutôt bien lotie du point de vue de ce type d’expérimentations sobres et arrogantes à la fois. Étrange représentation de la nature : ici les vaches sont en bois et les végétaux tapissent les immeubles. Issy Les Moulineaux ressemble aussi beaucoup à Boulogne Billancourt. Même concept de ville nouvelle, mêmes constructions ostentatoires, mêmes matériaux froids qui prennent la lumière comme un top model sur une couverture de Marie-Claire. Tout cela manque singulièrement d’aspérités, d’imperfections et donc d‘humanité. Entre les deux cités miroir, l’île Saint-Germain semble faire tampon de toute sa luxuriance. À la croisée entre le parc et le grand jardin sauvage, on traverse le site à vitesse variable selon ses objectifs. Les badauds, allongés dans l’herbe, observent les runners s’époumoner du coin de l’œil alors que de petits groupes subissent avec bonheur les contorsions d’un coach de fitness trop tatoué pour être vrai. Ainsi va la vie du joli parc, que nous quittons pour affronter les larges artères vides de Boulogne sous le cagnard. Le Grand Paris Express a cette fois posé ses grues à proximité du portail de l’ancienne usine Renault. Nous coupons par le parc dont la pelouse a été rasée de près. La tour Jean Nouvel ne nous quitte pas des yeux et on sent que l’architecte s’est fait plaisir en imaginant cet empilement de bâtiments aux designs dépareillés qui confèrent à l’ensemble un aspect ludique et enfantin. Une girafe et un ours tout droit sortis d’un coffre à jouet géant rôdent d’ailleurs en silence autour de l’édifice. Encore quelques centaines de mètres et nous voilà enfin à Pont de Sèvres, terminus heureux de notre aventure sur le tracé de la Ligne 15.

Texte et photographies Jean-Fabien Leclanche pour Enlarge Your Paris

LES BALADES DU GRAND PARIS EXPRESS

Épisode 1Épisode 2Épisode 3Épisode 4

Enlarge Your Paris et La Société du Grand Paris ont souhaité proposer aux amateurs de marche urbaine, et à tous ceux que la construction du Grand Paris Express (GPE) et de la métropole interpelle, un cycle de balades exceptionnel autour du tracé de la ligne 15 sud du GPE. La ligne 15, qui s’étend de Noisy-le-Grand (93) à Sèvres (92) et dont les travaux ont débuté il y a un an, doit permettre à terme de relier entre elles des villes de banlieue (77, 93, 94, 92)
qui parfois se tournent le dos. Ce chantier hors normes, le plus important d’Europe, nous servira ici de fil rouge pour aller découvrir et partager des paysages, traverser des villes et des quartiers méconnus et admirer des monuments ainsi que des sites naturels remarquables. Une occasion unique de retracer une histoire de la banlieue et de faire connaissance avec le Grand Paris qui vient.
Ce cycle de balades, conçu comme une suite d’explorations, nous fera poser le pied sur une île guinguette, pique-niquer à l’ombre d’une centrale thermique à l’arrêt, visiter des chantiers du futur métro ou encore passer sous l’aqueduc de Marie de Médicis. Nous serons guidés pour cela par des architectes, urbanistes et animateurs culturels qui auront coeur de nous transmettre leur amour des territoires traversés.

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Jean-Fabien
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