6. Le Juridique dans la levee (Transfert de titres, Good & Bad Leaver)

F3A Bpifrance
8 min readJan 10, 2019

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Bpifrance, France Digitale, France Angels, The Galion et Paris Business Angels ont pris l’initiative de partager 9 fiches décrivant et expliquant les rouages du métier de Business Angel. Point par point et grâce aux expériences de Business Angels reconnus dans l’écosystème entrepreneurial français, nous allons décortiquer ensemble les pièges à éviter et les bonnes pratiques, afin de vous permettre de contribuer positivement à la marche de l’entreprise dans laquelle vous allez investir.

Les clauses de la Term Sheet sont pour chacune des deux parties (investisseurs et entrepreneurs) une excellente base sur laquelle collaborer et un bon moyen de se protéger. Les clauses de transferts de titres et de good & bad leaver sont les bases du contrat qu’il faudra travailler scrupuleusement.

A ce stade de l’aventure, il est important de rappeler que la confiance prime mais la mise en place de clauses détaillées permet :

  • De donner une base à des discussions dans le cas de la survenance d’un problème (départ d’un fondateur…).
  • De donner une position aux BA en prévision de tours ultérieurs de financement avec des investisseurs financiers (notamment liquidation préférentielle souvent exigée par les fonds).

Certains BA font appel à un avocat pour gérer cette partie juridique. Cela permet de préserver la relation avec l’entrepreneur et de réserver les discussions juridiques avec l’avocat. Difficile de dire si c’est une pratique courante ou non : d’autres gèrent cet aspect en direct.

Clause de Lock Up ou d’inaliénabilité :

Lock Up :” No shares may be transferred by the Founders until the [third] anniversary of Closing, except for transfers by the Founders not exceeding [15%] of their stake in the aggregate, Free Transfers, Leaver, Co-Sale and Drag Along situations.”

Il est assez naturel que les investisseurs veuillent avoir la garantie que les fondateurs conservent l’essentiel de leurs actions pendant au moins 3 ans. Dans la pratique, le risque d’une vente sauvage et massive d’un fondateur est assez théorique, car il lui serait de toute façon très difficile de trouver un acheteur qui soit intéressé uniquement par ses actions.

Le montant de 15% pour la respiration est indicatif. Ce type de « cash-out » partiel se pratique en général de gré à gré à l’occasion de tours de financement ultérieurs lorsque la société a déjà franchi des étapes clés sur son modèle de croissance. Encore assez peu pratiquée en France, cette sécurisation partielle du patrimoine des fondateurs est devenue courante aux Etats-Unis. L’expérience montre en effet que cela permet de s’assurer que les fondateurs continuent à toujours rechercher une croissance maximum de la société.

Clause de pré-emption :

Pre-emptive Rights : “The Founders for so long as they remain employed by the Company (the “Active Founders”) and the New Investors shall have a pre-emptive right to purchase their pro rata share of any new securities of the Company other than securities issued to officers, employees, directors or consultants, shares issued for acquisitions or to strategic partners, in each case pursuant to plans or agreements approved by the Board.”

Le droit de préemption est fondamental dans tous les pactes, car il permet de contrôler l’arrivée de nouveaux entrants. Il bénéficie dans les mêmes conditions aux fondateurs actifs et aux investisseurs signataires du pacte principal, avec les restrictions d’usage qui permettent à chacun de restructurer sa participation si besoin.

Il y a néanmoins une exception importante à ce principe d’égalité de la préemption : les fondateurs peuvent préempter en priorité les autres fondateurs (dans le cadre de leur clause de respiration) et les éventuels « Seed investors » vendeurs. C’est amplement justifié par le fait que ces actionnaires de type Friends & Family proviennent au départ d’une dilution interne au bloc fondateurs qui est survenue en général pour des raisons non financières.

A noter que les cas de figure mentionnés ici ne concernent pas le cas du départ d’un fondateur qui est traité plus bas dans la clause dite de « leaver ».

LA CONFIANCE A CE STADE D’INVESTISSEMENT EST LA VALEUR DE REFERENCE

Sur le sujet du “good et bad leaver”, c’est assez sain qu’il y ait une clause dans le pacte. Cette clause permet de prévoir la procédure en cas de conflit. On recommande toujours de privilégier la discussion entre co-fondateurs et BA et de trouver un arrangement.

Au sein du Galion, les entrepreneurs ont proposé une clause de leaver assez simple. On considère qu’il n’y a pas de good ou bad leaver mais qu’il y a un leaver.

Leaver [100]% of the shares held by Founders shall vest on a quarterly basis over a period of [three] years from Closing.

In case of leave of a Founder before the [fifth] anniversary of Closing,

  1. the Active Founders will have a call option for a period of 3 months over half of the unvested shares at their nominal value,
  2. the Company will have a call option for a period of 3 months over the other half of the unvested shares at their nominal value
  3. the Active Founders and the New Investors (pro rata among them) will have a call option for a period of 3 months over all other shares of the leaver at their then fair market value.

As an exception to the above, in case of dismissal of a Founder for gross misconduct (faute lourde) before the [fifth] anniversary of Closing, all shares held by such Founder, whether vested or unvested, may be purchased at their nominal value.

Le départ d’un co-fondateur est un évènement qui n’est pas dans l’ordre des choses, en particulier à ce stade de la société. Ce départ est souvent d’ailleurs au moins autant un problème pour les co-fondateurs qui restent à bord que pour les investisseurs qui ont misé sur une équipe. La bonne gestion de ce processus est fondamentale pour s’assurer que la société continue à fonctionner dans les meilleures conditions possibles.

Traditionnellement, beaucoup de pactes essayent de lister les différents cas de figure de départ (démission, licenciement…) en appliquant des pénalités plus ou moins fortes au partant selon son intentionnalité.

Tous les autres cas de figure sont traités par une approche purement temporelle. Le principe est que plus un fondateur reste actif longtemps, plus il est compensé financièrement pour sa contribution à la société. Il est donc proposé un « vesting » trimestriel qui permet d’accumuler de la valeur au fil du temps, le solde « non vesté » pouvant être racheté au nominal en cas de départ anticipé. Par exemple si un fondateur quitte la société 15 mois après l’investissement, il aura accumulé 5 trimestres de vesting (sur un total de 12), donc :

  • 5/12 soit 42% de ses actions seront rachetables au prix marché
  • 7/12 soit 58% de ses actions seront rachetables au nominal

L’option d’achat au prix de marché est partagée au prorata entre les co-fondateurs actifs restants et les investisseurs. Dans la pratique, les fondateurs ayant rarement les liquidités disponibles, les investisseurs préemptent souvent la totalité. A noter qu’il est souvent appréciable pour les fondateurs restants d’avoir la faculté de sortir du capital un fondateur partant, surtout si la séparation a été tendue.

Concernant l’option d’achat au nominal, l’idée est qu’elle est partagée :

  • Pour moitié au bénéfice des co-fondateurs actifs restants pour les compenser de la dilution initiale qu’ils ont subi pour un co-fondateur qui finalement n’a pas eu la contribution espérée
  • Pour moitié au bénéfice de la société qui pourra ensuite redistribuer dans le futur ces actions à un nouveau talent qui viendra remplacer le partant.

Il est important de noter que l’approche proposée ici ne correspond pas aux pratiques habituelles des capitaux-risqueurs français qui exigent en général que l’ensemble du bénéfice de cette option d’achat soit réservée dans son intégralité aux seuls investisseurs (cas le plus punitif), ou aux investisseurs et aux co-fondateurs actifs au prorata de leurs participations respectives (cas le plus standard). Même dans ce dernier cas, la pratique courante qui consiste à établir une option globale avec un prix pondéré (entre la fraction au nominal et celle au prix du marché) fait que souvent les co-fondateurs actifs restants n’ont pas les moyens financiers de participer du tout à ce rachat.

L’idée des investisseurs est d’être (partiellement) dédommagé du cas — réellement catastrophique — où le co-fondateur qui était le pilier principal du projet décide d’abandonner l’aventure sans raison valable. Dans la pratique, ce cas de figure est extrêmement rare, sauf certains cas où la société est en perdition et où de toute façon l’investissement dans la société est quasi perdu.

Le cas de très loin le plus fréquent est celui où un des co-fondateurs apporte une valeur décevante au projet et est poussé vers la sortie par le reste de l’équipe. Dans ce cas, le préjudice principal est subi par les autres co-fondateurs qui non seulement vivent une situation humaine pénible mais réalisent qu’au démarrage de l’aventure, ils se sont dilués inutilement pour cet associé qui n’a pas été à la hauteur. Si nous avons donc souhaité introduire ce nouveau mécanisme, c’est suite aux nombreux témoignages d’entrepreneurs Galion qui ont vécu de manière concrète et traumatisante cette double peine. Après beaucoup de discussions, le mécanisme proposé ici nous semble le plus équilibré car il permet :

  • Aux co-fondateurs actifs restants d’être partiellement relués de leur dilution initiale résultant historiquement des parts octroyées au co-fondateur défaillant partant.
  • Aux investisseurs de ne pas être dilués dans le futur par ce départ, la société récupérant un montant suffisant d’actions pour recruter un remplaçant de calibre équivalent.
  • A l’ensemble des grands actionnaires de se reluer à égalité sur la fraction à prix de marché qui est censée correspondre à la valeur réellement apportée par le co-fondateur partant.

S’il existe déjà plusieurs années d’historique des co-fondateurs dans la société, l’enveloppe du vesting (qui par défaut concerne 100% des actions fondateurs) peut bien sûr être réduite en conséquence.

Entre la fin du vesting de 3 ans et la fin de la cinquième année, l’intégralité des actions du fondateur partant sont rachetables au prix de marché. Enfin, au bout de 5 ans, l’option d’achat tombe complètement. L’idée est qu’à ce stade, le co-fondateur partant a passé suffisamment de temps dans la société pour avoir le droit de décider de lui-même s’il souhaite ou non rester un actionnaire passif après son départ.

A noter enfin qu’il n’est pas prévu de traitement particulier en cas de décès ou incapacité d’un fondateur qui sont assimilés à un départ comme un autre. Ce point a fait l’objet de débats au sein des entrepreneurs du Galion et que le décès justifiait une accélération complète du vesting. L’idée n’a pas été retenue au final, afin de respecter l’équité vis-à-vis des co-fondateurs restants qui ont le devoir de préserver la continuité de l’activité de la société. Néanmoins, on reconnait là un point sensible, et libre à chacun d’adapter la clause sur ce point.

Nous vous invitons à lire le 1er document de synthèse sur le pacte d’actionnaires de The Galion Project qui a été réalisé en colaboration avec une soixantaine d’entrepreneurs et des professionnels du capital risque.

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Le fonds 3A co-investit en amorçage, auprès des Business Angels, dans des startups françaises du numérique