[ S O B R I É T É ]

Lau Dos Santos
Lab Session
Published in
4 min readMay 3, 2016

17 mars 2016.

Jumelles. OK. Couteau suisse. OK. Sac de couchage. OK. Chaussures de marche. OK. Boussole. OK. Carnet de notes, évidemment. Sans oublier le passeport. Nous voici parés pour le voyage d’une vie. Tickets en mains, c’est avec une certaine excitation que nous rejoignons nos camarades pour le grand départ. Sur le quai de la gare, l’atmosphère est frénétique. Embarquement imminent pour le train du changement.

Nos deux guides Matthieu Dardaillon et Joséphine Bouchez sont tout aussi impatients. Car devant eux se trouvent de futurs changemakers, ceux qui éclaircissent le ciel nuageux qui couvre la France. Leur bienveillance nous met en confiance. C’est tout plein d’idées et de bonnes volontés que nous nous laissons porter.

Réconcilier bien être social et environnemental avec efficacité économique, voilà ce qui nous anime. Créer de la valeur avec des valeurs. Car pour exister et avoir de l’impact, une belle idée doit pouvoir vivre. Mais où placer le curseur entre utilité sociale et rentabilité économique ? Changer le système avec les méthodes du système est-ce vraiment un changement ?

Sur cette route sinueuse, notre pirogue tangue d’un côté. Puis de l’autre. Un virage. Puis un autre. Soudain, la boussole tombe à l’eau. En pleine quête de sens, un épais brouillard se forme. Nous ne distinguons plus l’horizon. Alors, plutôt pousser les nuages, ou aller vers l’éclaircie ? Dans de telles conditions, il nous faut retrouver un brin d’astuce et d’ingéniosité. Car comment croire encore que nous avançons dans la bonne direction ?

Ralentissons.

« Celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. » — Kenneth E. Boulding, cité dans Jump the Curve (Jack Uldrich, 2008)5

Dennis Meadows et ses complices du Club de Rome nous avaient pourtant prévenus en 1972 dans le rapport “Halte à la croissance” : une croissance infinie dans un monde fini était une absurdité. Comme si on programmait l’obsolescence de notre propre Humanité. Un genre de suicide collectif et conscient qu’il est pourtant possible d’éviter.

Tranquillement, doucement.

Écran plat, iPhone dernier cri, voiture de course, le marathon de la consommation nous fait remplir insatiablement un vide sans fond. Ce bonheur “fake” vendu par les publicitaires en 4X3 sur l’abris-bus nous a mené vers une infernale spirale de l’urgence de la croissance.

Levons le pied.

Nous avons occulté l’essentiel. L’amour, la joie, la beauté, le temps, « l’art de vivre à la bonne heure ». Et si nous sortions de cette dictature de « l’avoir » pour nous contenter « d’être » ? Et si nous allions vers une « simplicité volontaire », une « sobriété heureuse » ? Et si on reconsidérait les richesses ?

Pour s’extraire de ce clair-obscur nébuleux, nous pouvons chasser le brouillard. Braver le vent et la tempête. Aller contre vents et marrées. Ou bien se raccrocher à la lumière qui transparaît de cet « outrenoir ». La vie ce n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est d’apprendre comment danser sous la pluie, nous disait déjà Sénèque.

Alors dansons sous la pluie !

« Un jour je peignais, le noir avait envahi toute la surface de la toile, sans formes, sans contrastes, sans transparences. Dans cet extrême j’ai vu en quelque sorte la négation du noir. Les différences de textures réfléchissaient plus ou moins faiblement la lumière et du sombre émanait une carté, une lumière picturale, dont le pouvoir émotionnel particulier animait mon désir de peindre. Mon instrument n’était plus le noir, mais cette lumière secrète venue du noir. » — Pierre Soulages, artiste peintre.

Laura Dos Santos, Chroniqueuse du Mouvement, Lab Session #8
Découvrez la chorégraphie pas à pas

Merci à nos intervenants Vincent Liegey, co-auteur de l’ouvrage “Un projet de décroissance”, Matthieu Dardaillon et Joséphine Bouchez co-fondateurs de TicketforChange, Laurence Grandcolas, fondatrice de MySezame, ainsi que Miora Ranaivoarinosy, comunity manager chez Danone Communities, et enfin Guillaume Bapst, co-fondateur du réseau d’épiceries solidaires A.N.D.E.S.

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