Épisode 10

Le Successeur de Call of Duty est déjà en place

Malgré cette profusion de studios et l’extrême rentabilité de Call of Duty, Activision cherche depuis déjà plusieurs années à voir plus loin. Sa stratégie, qui consiste à se reposer quasi entièrement sur quelques sorties d’envergure chaque année, est à la fois son point fort et son talon d’Achille : Activision a pu vérifier avec la fin de la franchise Guitar Hero que certains jeux pouvaient passer de mode très rapidement. L’éditeur veut donc garder un coup d’avance et prépare depuis un moment déjà sa prochaine grosse franchise de FPS.

Pour cela, l’éditeur a signé au printemps 2010, en pleine tourmente Infinity Ward, un contrat avec Bungie. Le studio avait de quoi taper dans l’œil de l’éditeur. Il a, pour le compte de Microsoft, créé et développé avec un énorme succès la série de FPS futuristes Halo sur Xbox et Xbox 360. Nommée Destiny, la nouvelle franchise doit alors proposer un jeu par an de fin 2013 à fin 2020 au plus tôt.

L’une des premières illustrations de Destiny. Image : Bungie/Activision.

D’après le contrat, signé au printemps 2010, Bungie (qui reste un studio indépendant) s’engage avec Activision jusqu’en 2022. Si le studio respecte tous ses engagements contractuels, il pourra, à l’issue du contrat, conserver la propriété intellectuelle de Destiny et donc le contrôle de la franchise (pour, par exemple, l’emmener chez un concurrent). Sauf faute de sa part, Bungie doit également garder les droits sur Destiny si Activision vient à rompre le contrat.

De son côté, l’éditeur se réserve de nombreuses portes de sortie. Si le premier Destiny ne parvient pas (malgré son pharaonique budget planifié de 140 millions de dollars, supérieur à celui des Call of Duty récents) à dépasser les cinq millions de ventes dans les six mois de sa sortie, par exemple, Activision peut rompre immédiatement le contrat. Le chiffre peut sembler énorme, surtout pour une nouvelle franchise, mais après tout l’entreprise de Robert Kotick n’est pas là pour la médaille en chocolat. De même, l’éditeur peut, à partir de la sortie du quatrième jeu de la série, fin 2016, cesser à tout moment sa coûteuse collaboration avec Bungie.

Prudent, Activision a aussi prévu les cas de figure où il récupérerait tous les droits sur la franchise : en cas de « risque critique », Activision pourra s’attribuer tant la propriété intellectuelle que le nouveau moteur développé pour l’occasion. Qu’est-ce qu’un « risque critique » ? Dans le contrat entre Bungie et Activision, c’est quand rien ne va : jeu en retard, mal fini ou mauvais, départs d’employés… Afin d’éviter une crise à la Infinity Ward, Activision fait d’ailleurs signer de nouveaux contrats à tous les employés de Bungie, ajoutant notamment des clauses de non-concurrence (empêchant d’aller travailler dans un autre studio) à tous les employés ayant un minimum de responsabilités.

En échange, Activision fait ce qu’Activision sait faire : l’éditeur finance généreusement le développement. Il se montre même (du moins au départ) d’humeur partageuse sur les éventuels bénéfices : pour chaque jeu, une sortie dans les temps doit rapporter 7,5 millions de dollars de bonus à Bungie ; un score Metacritic (le site faisant la moyenne des notes des principales publications culturelles) de 90 % au minimum ajoute 2,5 millions de dollars ; un chiffre d’affaires de 750 millions de dollars sur un an rajoute encore 25 millions de dollars de bonus ; et encore 25 millions de plus si le chiffre d’affaires atteignait le milliard de dollars. Sans oublier les royalties : Bungie doit récupérer (après remboursement des frais d’Activision) 20 % des revenus de Destiny, et sa part montera à 35 % si le jeu obtient un chiffre d’affaires supérieur à 400 millions de dollars.

Cette soudaine générosité n’est pas si surprenante quand on sait que le contrat est signé en mai 2010, en plein milieu de l’affaire Infinity Ward. Activision, alors attaqué précisément sur la question des bonus et des royalties, a visiblement besoin de mettre de l’argent sur la table pour convaincre Bungie. D’autant que les sommes ne sont pas si incroyables, en fin de compte : pour Destiny, Bungie fait travailler près de 400 développeurs, quand Infinity Ward en employait un peu moins de 100.

Annoncé début 2013, Destiny ne suivra déjà pas tout à fait le plan prévu : le premier jeu, au lieu de voir le jour fin 2013, sortira avec près d’un an de retard, le 9 septembre 2014, repoussant du coup chaque épisode annuel à la même période. Les problèmes, on le verra plus loin, ont ensuite continué à s’accumuler sur Destiny.

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