Les Mystères du Grand Paris

Saison 1 • Épisode 3/15

Almerinda Capitão, étudiante

Résumé de l’épisode précédent : Karim Leroux, 22 ans, a commencé sa première journée d’apprenti-livreur aux côtés de José-Carlos Capitão, ancien agent de piste à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle reconverti dans le taxi-colis. À bord d’une fourgonnette électrique flambant neuve, ils ont sous-traité le transport de colis pour le site marchand vente-select.com et ont livré principalement leurs paquets aux habitants de la cité de l’Etoile, à Bobigny. Après leur tournée du matin, José-Carlos et Karim déjeunait Chez Linda, un restaurant portugais situé avenue du Cimetière-Parisien, à l’entrée du cimetière de Pantin, quand le jeune homme, fragile car en phase de sevrage idéologique, a reçu un sms d’intimidation de ses anciens amis, des islamistes qui ne veulent pas qu’il se « déradicalise ».
C’est maintenant le soir rue du Bon-Avenir, à Villepinte, à quelques rues de Tremblay-en-France…

www.miss-grand-paris.com

Election de Miss Grand Paris 2017 : appel à candidature

Vous vous sentez jolie ?
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Devenez la première Miss Grand Paris de l’histoire
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Une élection incontournable, finale en direct sur France 3 Région !

Miss Grand Paris va ringardiser Miss Ile-de-France, le concours concurrent pour devenir Miss France, c’est clair.
Miss Ile-de-France, c’est le passé. Fatoumata m’a dit que j’avais mes chances. Je lui ai dit qu’elle aussi, même si elle pense le contraire parce qu’elle est noire. En vrai, je ne pense pas qu’elle ait ses chances. Mais pas parce qu’elle est noire mais parce qu’elle est obèse. José-Carlos ne sera pas très content que je participe mais tant pis, faut savoir suivre son étoile. Lui a bien créé son entreprise avec les 50 000 € qu’il a touchés d’Air France. Moi, mon capital, c’est ma beauté.
Je sais que je peux gagner.

Rendez-vous dès à présent dans l’espace pré-sélection
afin de valider les critères de participation.

Les critères administratifs de sélection :
- Etre française de naissance ou naturalisée et résider dans le Grand Paris (OK c’est bon, naturalisée + Villepinte, 93 420)
- Etre née de sexe féminin, non opérée (OK pas opérée)
- Etre majeure et avoir moins de 45 ans (OK, 20 ans, je serai dans les plus jeunes, c’est un +)
- Mesurer minimum 1,70 mètres, pieds nus talons posés au sol (OK, 1,79 mètres, quinze centimètres de plus que Zé-Carlos)
- Etre célibataire sans enfants, ni divorcée, ni veuve, ni pacsée
(OK, veuve non, quand Bertrand s’est tué en scooter on n’était pas mariés)
- Ne pas se présenter à des concours concurrents tel Miss Ile-de-France
(OK, moi c’est Miss Grand Paris qui m’intéresse)
- Ne pas avoir tenu de rôle dans des films à caractère pornographique
(OK, je mérite mieux si un jour je joue dans une série)

Les critères humains de sélection :
- L’élégance, de préférence naturelle (OK, les mecs me le disent souvent)
- Le charme (OK, j’ai jamais été comme les autres)
- L’esprit de compétition (OK, j’ai pas peur de la concurrence)
- Une solide culture générale (OK, vaut mieux pour travailler dans le tourisme)
- L’amour du Grand Paris (OK, mais pas partout, genre pas là où ça craint)

Pour la présélection, veuillez svp envoyer cinq photos de vous en maillot de bain à selectionmissgrandparis@gmail.com
Réponse sous 24 heures.

Je ferme ma chambre à clé, prends un maillot de bain deux pièces dans ma commode — le rose, mon préféré. Je le passe, me mets face au miroir et me prends en photo avec mon téléphone. Je recommence avec un autre maillot de bain, plus petit, noir à pois blancs, qui insiste plus sur mes formes. Là, on pourra pas dire que les photos ne sont pas récentes… J’en choisis cinq sur cinquante, les maile, et vais me coucher. C’est sûr, je vais être sélectionnée.
Je me mets au lit et… m’endors direct.

Le réveil sonne à 6 h. Je suis dans un état bizarre, comme si j’étais devenue miss pendant la nuit. Mais en fait je suis chez Zé-Carlos, et heureusement qu’il m’héberge car mes parents sont à Nazaré et il faut que je me dépêche pour ne pas être en retard au bahut.

Je me douche, il fait beau, je m’habille… chemisier blanc Zara, jean Diesel + les Converse que je me suis payées avec l’argent que maman m’a donné pour la rentrée.

Je prends un thé avec deux tartines de Nutella et un bol de Crispies.
Je sais, il faut que je surveille ma ligne mais c’est plus fort que moi.
Zé-Carlos est déjà parti au travail et la maison fait toute vide.
J’enfile ma veste et file pour ne pas rater le RER de 6 h 54 à la gare du Vert-Galant.

Je marche en mode compèt’, c’est un peu comme un jogging.
Super, mon RER est à l’heure et j’ai une place assise.
Sevran, Aulnay… La rame se remplit d’un coup — juste l’enfer.

Un petit mec en costume gris ridicule est assis en face de moi et lit la bio de Zlatan, mais en réalité il fait semblant et n’arrête pas de me mater. J’en ai marre que les mecs me matent. Ils me matent tous. Je tourne la tête et regarde la banlieue qui défile. C’est encore l’été, le soleil me donne le moral : quel temps fera-t-il le jour où je serai miss ?

J’arrive à Gare-du-Nord à 7 h 20 et là c’est le sprint. J’ai six minutes pour attraper le Transilien H de 7 h 26 direction Pontoise. J’ai la haine de me dire que je dois me rendre à Gare-du-Nord pour remonter à Epinay dans le 93. Quel cirque !

Je cours, je cours, couloirs, portiques, j’y suis presque, oh non, il va partir, oh oui, je suis dedans. Je reprends mon souffle… Un autre mec me regarde, un vieux tout dégoûtant, mal rasé.

Toi, t’approche pas de moi sinon je tire sur la sonnette d’alarme.

On roule au ralenti, y a des travaux sur la voie et… J’arrive à Epinay avec dix minutes de retard et il est… et il est genre oh non 48, et le vieux dégueulasse se lève et me sourit. Je le calcule pas, je sors. Je cours jusqu’au lycée Jacques-Feyder et évidemment j’ai cinq minutes de retard et je suis essoufflée et le prof de géo-mondialisation touristique me dit : « Alors, encore en retard mademoiselle Capitão ? » Et il y a tous ces yeux posés sur moi et je me dis : « Pourquoi tout le monde me regarde tout le temps ? »

La journée passe, j’ai du mal à me concentrer : j’espère si fort être présélectionnée pour la première édition de Miss Grand Paris. Je consulte mes mails sur mon téléphone mais il est encore trop tôt pour recevoir une réponse. Tout à l’heure, j’irai courir canal de l’Ourcq, jusqu’à Sevran. J’ai deux kilos à perdre. Deux et demi si je veux être pro.

Je finis les cours à 17 heures.
Je suis à la gare du Vert-Galant à 18 h 15.

Je rentre tranquillement par le centre-ville. Je m’arrête devant le centre de bronzage So’leil et regarde les tarifs… Je vais réfléchir, si c’est un plus pour la pré-sélection, pourquoi pas.

Je croise mon frère dans sa Nissan avec un mec à l’avant, ça doit être l’apprenti dont il m’a parlé. Il n’a pas l’air très beau. Mon frère me voit, me fait signe. Beurk, j’ai le regard de son moche d’apprenti qui se pose sur moi, il a la bouche ouverte, comme s’il n’avait jamais touché une fille…

Ils me matent tous mais tous ne méritent pas d’être matés.

Je rentre dans le centre de bronzage demander plus d’informations sur la formule « Integral nude laser + ».

À suivre

Récit par Frédéric Ciriez
Dessins par Bruno Collet

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Les Mystères du Grand Paris sont soutenus par la DRAC Ile-de-France,
la Sofia, la Ville de Paris, la Société du Grand Paris, l’Institut Français , EDF.